MARYLINE

Le métacinéma comme dispositif vertigineux pour une belle histoire de femme qui dépasse les clichés des couches sociales habituelles, avec une galerie de personnages généreux, traversée par la luminosité de Vanessa Paradis.

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  • Réalisation : Guillaume Gallienne
  • Scénario : Guillaume Gallienne
  • Image : Christophe Beaucarne
  • Décors : Sylvie Olivé
  • Costumes : Caroline de Vivaise
  • Son : Rémy Daru
  • Montage : Valérie Deseine
  • Interprétation : Adeline d’Hermy (Maryline), Vanessa Paradis (Jeanne Desmarais), Alice Pol (Alexane), Éric Ruf (François Louis), Xavier Beauvois (Michel Roche), Lars Eidinger (Ilan Kafman), Pascale Arbillot (Betty Brant), Clotilde Mollet (la mère de Maryline), Florence Viala (la buraliste)
  • Distributeur : Gaumont Distribution
  • Date de sortie : 15 novembre 2017
  • Durée : 1h47

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« Il vaut mieux partir d’un cliché que d’y arriver. » On imagine que Guillaume Gallienne avait cette phrase de Hitchcock en tête lorsqu’il écrivit Maryline, le premier projet qu’il souhaitait tourner avant Guillaume et les garçons, à table !.

L’histoire commence en effet comme un mauvais roman de Zola. Une jeune fille quitte sa campagne natale pour devenir actrice sur Paris, se heurte à un réalisateur cruel, sombre dans l’alcoolisme comme son père, avant d’espérer une renaissance miraculeuse.

Guillaume Gallienne passe ainsi tout son temps à désamorcer les risques d’un récit convenu vaguement inspiré d’Opening Night de Cassavetes et Une étoile est née de Cukor, plutôt que de vraiment aborder de front son joli sujet : celui de la naissance d’une actrice.

Erreurs de montage

Maryline oscille en permanence entre les stéréotypes autour de la vie d’artiste et des moments de réalisme plus émouvants. Après les adieux pathétiques de la jeune femme à sa famille, le film retrouve un peu de justesse en montrant la terrible importance du hasard et des circonstances matérielles dans la réussite d’un acteur.

Pendant son premier tournage, la débutante se laisse ainsi déstabiliser par ses règles survenues à l’improviste, puis par son manque de maîtrise de la langue anglaise. Le film rebondit efficacement sur ces éléments triviaux pour faire surgir l’angoisse ou le comique, parfois les deux en même temps.

Mais ce genre de scène, parfaitement joué par Adeline d’Hermy (sociétaire de la Comédie-Française), est bien vite noyé dans un magma d’instants « doloristes » et prévisibles autour des « galères » du personnage, où Maryline s’enfonce dans l’alcool, balbutiant vaguement son texte au fond de sa chambre de bonne.

Ce qui gêne le plus dans cette vision du parcours chaotique d’une jeune comédienne, c’est finalement son montage. On regrette que le film expédie des moments forts d’apprentissage, notamment les premiers pas de Maryline dans une troupe de théâtre. Quant aux premiers émois amoureux qui faisaient partie de l’initiation de l’actrice, par exemple dans Esther Kahn de Desplechin, ils sont tout simplement passés sous silence le temps d’une ellipse pudique.

Le syndrome Marilyn Monroe

Si le réalisateur accorde une telle importance à ces moments douloureux qui frôlent la complaisance, c’est probablement en raison de sa vision du métier d’acteur. La force d’une actrice, ce seraient ses failles, sa fragilité. D’où la référence à Marilyn Monroe, la blonde radieuse aux démons intérieurs. Maryline serait une allégorie de l’actrice en général, une lointaine parente de Myrtie dans Opening Night de Cassavetes, elle qui parvenait à sublimer son rôle sur scène grâce à son propre mal de vivre.

L’ouverture du film sert ainsi de manifeste sur l’acteur. Nous y découvrons Maryline lors d’un casting, une jeune fille au visage pâle et cheveux fins comme une poupée de porcelaine, intimidée et maladroite, un peu engoncée dans des vêtements mal ajustés. Mais, une fois l’essai commencé, la jeune femme se métamorphose, se jette à corps perdu dans une improvisation avec une table, luttant avec celle-ci comme si sa vie en dépendait.

Paradoxalement, l’actrice semble bien puiser sa force dans sa sensibilité à fleur de peau. Dans la suite du film, la caméra semble hypnotisée par le visage de clown blanc de son actrice, ses grands yeux et son visage tremblants, tandis que les dialogues répètent inutilement la même idée : Maryline a déjà tout car elle a déjà cette « présence » unique.

Théâtre et dépendances

Le réalisateur se départ alors difficilement d’une vision très inquiétante de la comédienne (ou du comédien) : un être sans aucune solidité intérieure, complètement dépendant de l’initiative des autres.

Maryline est une sorte de Cosette rongée par l’alcoolisme qu’une galerie de personnages sauve ou « enfonce » successivement : le metteur en scène sadique, une actrice, modèle de femme forte et indépendante, qui joue le rôle de la bonne fée (Vanessa Paradis, plutôt meilleure que d’habitude), un assistant metteur en scène alcoolique…

Analogie plutôt dérangeante (et probablement assumée), Maryline ressemble un peu trop au petit chien abandonné qu’elle recueille miraculeusement un soir de beuverie. D’ailleurs, au moment où le personnage à deux doigts de la réussite, doit enfin affronter seule sa vie et risque de replonger dans l’alcoolisme, Guillaume Gallienne choisit encore l’ellipse.

À la place, on aura droit à un sorte de tour de passe-passe narratif très inspiré du début de To Be or Not to Be d’Ernst Lubitsch. Comment le théâtre a-t-il apporté au personnage l’indépendance qui lui manquait ? On ne le saura jamais. Tout ce que le film nous rappellera lors de sa dernière scène, c’est finalement ce lieu commun qu’on nous aura lourdement suggéré pendant deux heures : ce qui fait exister l’acteur, c’est le regard de son public.

5/10


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Cinéphile depuis mon plus jeune âge, c'est à 8 ans que je suis allé voir mon 1er film en salle : Titanic de James Cameron. Pas étonnant que je sois fan de Léo et Kate Winslet... Je concède ne pas avoir le temps de regarder les séries TV bonne jouer aux jeux vidéos ... Je vois en moyenne 3 films/jour et je dois avouer un penchant pour le cinéma d'auteur et celui que l'on nomme "d'art et essai"... Le Festival de Cannes est mon oxygène. Il m'alimente, me cultive, me passionne, m'émerveille, me fait voyager, pleurer, rire, sourire, frissonner, aimer, détester, adorer, me passionner pour la vie, les gens et les cultures qui y sont représentées que ce soit par le biais de la sélection officielle en compétition, hors compétition, la semaine de la critique, La Quinzaine des réalisateurs, la section Un certain regard, les séances spéciales et de minuit ... environ 200 chef-d'œuvres venant des 4 coins du monde pour combler tous nos sens durant 2 semaines... Pour ma part je suis un fan absolu de Woody Allen, Xavier Dolan ou Nicolas Winding Refn. J'avoue ne vouer aucun culte si ce n'est à Scorsese, Tarantino, Nolan, Kubrick, Spielberg, Fincher, Lynch, les Coen, les Dardennes, Jarmush, Von Trier, Van Sant, Farhadi, Chan-wook, Ritchie, Terrence Malick, Ridley Scott, Loach, Moretti, Sarentino, Villeneuve, Inaritu, Cameron, Coppola... et j'en passe et des meilleurs. Si vous me demandez quels sont les acteurs ou actrices que j'admire je vous répondrais simplement des "mecs" bien comme DiCaprio, Bale, Cooper, Cumberbacth, Fassbender, Hardy, Edgerton, Bridges, Gosling, Damon, Pitt, Clooney, Penn, Hanks, Dujardin, Cluzet, Schoenaerts, Kateb, Arestrup, Douglas, Firth, Day-Lewis, Denzel, Viggo, Goldman, Alan Arkins, Affleck, Withaker, Leto, Redford... .... Quant aux femmes j'admire la nouvelle génération comme Alicia Vikander, Brie Larson, Emma Stone, Jennifer Lawrence, Saoirse Ronan, Rooney Mara, Sara Forestier, Vimala Pons, Adèle Heanel... et la plus ancienne avec des Kate Winslet, Cate Blanchett, Marion' Cotillard, Juliette Binoche, Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Meryl Streep, Amy Adams, Viola Davis, Octavia Spencer, Nathalie Portman, Julianne Moore, Naomi Watts... .... Voilà pour mes choix, mes envies, mes désirs, mes choix dans ce qui constitue plus d'un tiers de ma vie : le cinéma ❤️

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