Je me rappellerai toujours de la première fois que j’ai vu « Super 8 ». Je me trouvais dans l’unique salle de cinéma du petit village où je passais mes vacances d’été, ce qui a apporté au final une certaine importance à l’attachement que j’ai eu pour cette oeuvre. Il était tard et j’étais assis dans cette petite salle avec un gros seau de popcorn (la seule option d’en manger était de prendre cet énorme récipient), attendant impatiemment que les lumières s’éteignent. La première bande-annonce présentant l’œuvre m’avait excité à un point inimaginable, sans compter l’ambiance mise en place par ces quelques images

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Encore maintenant, j’adore les films produits par Amblin et leur style eighties me touche au plus haut point. Je considérais Steven Spielberg comme un dieu depuis que j’avais revu « Rencontres du troisième type » à la télévision. Ce film reste d’ailleurs pour moi son meilleur au vu de l’émerveillement qu’il apporte et la touche propre au fameux réalisateur. Quant à JJ Abrams, je n’avais pas encore vu son « Star Trek » et je n’avais que peu de souvenirs de son « Mission Impossible 3 » (qui est désormais pour moi le meilleur de la saga et pas uniquement à cause de la présence de mon idole derrière la caméra). Mais dès que les lumières se sont rallumées, il est devenu instantanément un de mes modèles. Car je sus dès la fin de la projection que « Super 8 » était devenu et restera pour toujours mon film préféré.

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Au fil des années et de ma construction d’une conscience plus « cinéphile », je me mis à trouver de nombreux trésors dans « Super 8 », corroborant l’amour sincère que je porte à cette oeuvre. Car loin d’être une simple resucée de films Amblin et Spielbergien, le film de JJ Abrams porte en lui une passion sincère et une identité propre qui font passer les références à part de son intrigue.

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Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce film, en voici un bref résumé : Dans une petite ville de l’Ohio, en 1979, Joe Lamb tourne un film de monstres avec ses amis et Alice Dainard, une fille pour qui il a le béguin. Mais alors qu’ils s’occupent d’une scène nocturne, cette petite bande assiste à un accident ferroviaire qui va les changer à tout jamais…

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Rien que le titre du film résume son ambiance nostalgique avec ce « Super 8 », fameuse caméra désormais tombée en désuétude sauf dans le cœur des cinéphiles les plus aguerris. Il plane ainsi sur le récit une forte mélancolie, adaptée à la situation vu le drame se déroulant au tout début du récit. En effet, le jeune Joe a perdu sa mère dans un accident de travail. La manière dont Abrams dépeint cet événement dès l’ouverture de son film se fait avec douceur et drame. Un ouvrier se charge de modifier un panneau censé décompter les jours sans incident. Par ce geste lourd, Abrams nous dépeint le drame et le « fantôme » qui va rester constamment sur la tête de notre héros.

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Car (et on l’oublie régulièrement) « Super 8 » est le récit d’un deuil. Celui de l’enfance évidemment avec ces jeunes atteignant la puberté et découvrant des sentiments amoureux, mais surtout le deuil de la mère de Joe. L’extraterrestre qui va débarquer dans la ville est ainsi une symbolique de ce deuil, souligné par le collier que le jeune homme conserve en permanence. Celui-ci est le « mauvais objet », celui dont il faut se débarrasser pour pouvoir avancer. Mais il est encore trop tôt pour en parler, retournons au début du récit.

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Avant même le titre, nous avons donc la scène mentionnée plus haut et surtout une scène d’après enterrement avec une maison envahie de gens dont certains pour faire de l’exposition un peu facile (un des rares points que je reprocherais au film). Nous faisons connaissance avec la bande d’amis de Joe, discutant du décès de sa mère avec un certain humour noir typique de jeunes enfants perdus lors d’un événement dramatique. Nous rencontrons après le père de Joe, Jack, que l’on sent assez autoritaire de par son statut de shérif adjoint fort.

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Enfin, nous faisons la connaissance de Joe, assis seul sur une balançoire dans une rue enneigée, observant tristement le portrait de sa mère dans son médaillon. Sur le côté arrive le père d’Alice, Louis, qui finira par se disputer dans la maison avec Jack avant que celui-ci ne le sorte menotté, sous les yeux incrédules de son fils. C’est en fermant le médaillon qu’apparait le titre « Super 8 ». En quelques minutes, nous avons donc la personnalité des personnages principaux, leurs liens (Joe-Jack et Jack-Louis), l’instauration du drame, le tout avec douceur et mélancolie. Cela peut paraître normal comme exigence pour un film mais commencer sur une telle note douce-amère est assez peu vu désormais dans les blockbusters qui inondent régulièrement nos écrans.

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Vient l’arrivée de l’intrigue, avec surtout l’arrivée d’Alice Dainard. Rien qu’à l’évocation de son nom, on sent le jeune Joe bouleversé, heureux de pouvoir fréquenter LA Alice Dainard. Ainsi, lorsqu’ Elle Fanning, son interprète, apparaît à l’écran, on sent les sentiments de Joe pour elle. Il est à souligner aussi qu’ Abrams arrive à filmer l’innocence et en même temps la maturité qui se dégagent de l’actrice. Elle trouve dans le film un charme rétro correspondant à la volonté du film et à l’opposé d’un « Neon Demon » transpirant la modernité. Elle bouleverse tant ces jeunes garçons qu’ils en perdent la voix lorsqu’ils la voient jouer les dialogues de Charles.

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Avant de pouvoir voir cette scène, nous avons d’abord droit à une discussion entre Joe et son père. Elle est initiée par notre héros qui tombe sur son père, pleurant dans la salle de bains. Mais alors que Joe s’avance vers lui, Jack décide de lui fermer la porte. La symbolique est facile mais efficace : Jack, par peur de ne pas paraître fort aux yeux de son fils, se ferme à lui et à sa douleur là où les deux pourraient se soigner de leur deuil ensemble.

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Le tournant du film reste l’accident de train. Ce déraillement, ouvert aux interprétations, aux dégâts énormes car vus d’un point de vue enfantin, va être le bouleversement du récit. Tout y est filmé de manière impressionnante et spectaculaire. Ces quelques minutes d’explosion ininterrompues vont provoquer la libération du fameux extraterrestre qui va sévir dans la ville et surtout un branlebas émotionnel chez ces enfants effrayés. D’ailleurs, ce trop-plein de spectaculaire va se retrouver également dans le climax avec cette ville anéantie par des armes s’étant retournées contre les militaires. Par ce biais, nous ressentons le côté intense de la scène pour nos héros.

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C’est le moment d’aborder la mise en scène de JJ Abrams. Réduit par beaucoup à un Yes Man trop absorbé par ses inspirations pour en faire du neuf, Abrams utilise justement ses « références » pour nourrir un cinéma certes divertissant mais toujours appuyé par une forte sincérité. L’aspect rétro nostalgique est certes porteur d’influence mais le réalisateur y ajoute un amour franc et sincère qui dépasse tout aspect méta que certains pourraient y voir. Abrams n’est pas le Spielberg du pauvre mais l’on sent que le grand Steven a construit le bonhomme. Chacun s’est forgé son identité par des œuvres, des inspirations extérieures. Les idées se recyclent en permanence, se reconstruisent par le contact avec autrui et c’est quelque chose que l’on oublie souvent. Nous nous créons de diverses manières, notre univers mental et notre imagination sont basés sur de nombreuses choses.

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Abrams l’a bien compris et dévoile dans ses films des sources multiples mais mélangées de telle manière qu’il y apporte une touche unique, comme tout auteur imprègne son œuvre de sa personnalité unique. C’est personnellement ce que j’aime dans son cinéma : bien qu’il s’occupe de blockbusters avec comme but premier le divertissement, Abrams y apporte une touche sensible et sincère qui rend chacun de ses films uniques. Il est un fan comme nous autres spectateurs mais avec une personnalité propre assumant ses inspirations, tout comme Charles citant Romero dans son film de zombie et utilisant la catastrophe ferroviaire pour donner du cachet à son œuvre.

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« Super 8 », Abrams le filme comme toutes ses autres oeuvres : avec dynamisme et action. Il y a de quoi divertir, de quoi émerveiller n’importe quel spectateur en quête de spectacle.D’ailleurs, à une époque où l’action est surcoupée lors du montage pour distraire son public de manière illisible, Abrams arrive à rendre toutes ses séquences lisibles et grisantes. Mais ceux qui le suivent savent qu’il ne néglige jamais ses moments d’émotion. Les exemples sont nombreux : les ouvertures de « Star Trek » et « Star Trek into darkness », le dialogue entre Han Solo et Kylo Ren où le drame est suivi d’une caresse affectueuse apte à briser le coeur de n’importe quel fan. Ces instants doux et délicats, Abrams les retrouve ici et les sublime encore plus. Il sait quand filmer avec passion et quand se montrer paisible. Chez Abrams, l’émotion est sincère jusqu’au moindre mouvement de caméra. Voilà un réalisateur qui gère à merveille l’équilibre entre la mise en avant de son action et quand se poser pour mettre en avant les dilemmes humains.

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Voilà l’occasion d’observer la dichotomie entre le monde de l’enfance et le monde des adultes. Cette séparation a déjà été faite dans d’autres récits (« ET » est le premier titre à venir en tête) mais il serait réducteur de ne pas utiliser certains outils narratifs parce que d’autres œuvres l’ont fait, surtout que cela reste cohérent dans le style Abrams. La manière dont l’extraterrestre est filmé va différer selon le point de vue apporté. Quand nous sommes en compagnie de personnages adultes, ses apparitions seront proches de l’horrifique (la scène de la station essence, l’attaque du bus) là où il va y avoir une touche de merveilleux presque douce quand il sera vu uniquement d’un point de vue enfantin (sa scène avec Joe).

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D’ailleurs, le deuil de la mère sera guéri différemment par Joe et son père mais chacun, d’une manière, « grâce » à l’extraterrestre. D’un côté, le jeune homme va devoir faire face à ses peurs et ses doutes en la personne de la créature et se confronter à celle-ci pour se convaincre d’avancer, tout en se libérant du « mauvais objet » que représente son collier (bien trop porteur de douleur et de tristesse pour pouvoir avancer avec). De l’autre, son père va devoir s’allier avec celui qu’il juge responsable de son chagrin et découvrir qu’ils partagent tous deux la perte de leur amour, pour se guérir réciproquement par le pardon.

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Un autre atout de « Super 8 » est sa bande originale. Son compositeur, Michael Giacchino, est un habitué d’Abrams et se trouve derrière de nombreuses autres musiques de films de grande qualité : « Là-haut », « Vice Versa », « A la poursuite de demain », … Pour ce film, il crée des thèmes assez doux, comme le principal, jouant sur le merveilleux et la douceur. C’est l’une des qualités de celui qui a réinventé la musique de « Star Trek » : allier morceaux de suspense ou de grandiloquence avec d’autres à la sensation plus intimiste et douce.

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Il serait injuste d’oublier le casting du film. Nous avons déjà parlé d’Elle Fanning mais c’est ce groupe entier de jeunes qui illumine le récit par la flamme enfantine qui brûle dans leurs yeux. Chacun est assez reconnaissable pour être attachant et appréciable. Quant aux adultes, ils s’avèrent remarquables, que ce soit Kyle Chandler en tant que Jack, Noah Emmerich en Nelec ou Ron Eldard en Louis Dainard.

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Au final, « Super 8 » représente énormément de choses. C’est un très bon film de science-fiction, une madeleine de Proust délicieuse pour les fans des œuvres Amblin, une très belle histoire sur le deuil et la manière dont on s’en relève et une œuvre lumineuse et familiale de grande qualité. À cela, j’ajouterais donc que c’est mon film préféré, le film qui m’a fait et pour lequel je porterai une passion sincère et éternelle. Pour tout cela, merci monsieur Abrams.

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Amoureux du cinéma. À la recherche de films de qualités en tout genre,qu'importe la catégorie dans laquelle il faut le ranger. Le cinéma est selon moi un art qui peut changer notre vision du monde ou du moins nous faire voyager quelques heures. Fan notamment de JJ Abrams,Christopher Nolan, Edgar Wright,Fabrice Du Welz,Denis Villeneuve, Steven Spielberg,Alfred Hitchcock,Pascal Laugier, Brad Bird ,Guillermo Del Toro, Tim Burton,Quentin Tarantino et Alexandre Bustillo et julien Maury notamment.Écrit aussi pour les sites Church of nowhere et Le quotidien du cinéma. Je m'occupe également des Sinistres Purges où j'essaie d'aborder avec humour un film que je trouve personnellement mauvais tout en essayant de rester le plus objectif possible :)

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