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Cinquième film vu lors du Festival Anima en 2019, Chris the Swiss est un « documentaire d’animation » en noir et blanc réalisé par Anja Kofmel. Le film a notamment été présenté lors de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2018.

Pays d’origine : Croatie, Suisse, Allemagne, Finlande
Réalisatrice : Anja Kofmel
Genre : Documentaire
Titre Original : Chris the Swiss
Durée : 1h25


Chris the Swiss prend la forme d’un documentaire particulièrement percutant. Anja Kofmel, la réalisatrice, nous livre son enquête concernant l’élucidation des circonstances entourant l’assassinat de son cousin, Christian, dit Chris. Au début des années 1990, ce journaliste suisse de 26 ans part couvrir les affrontements en Yougoslavie. Sur place, découvrant cette « guerre sale », le jeune homme décide de s’impliquer davantage que ne le ferait un « simple journaliste ». Il s’engage alors dans un groupe militaire, côté croate. Il ne reviendra jamais en Suisse.

Ce conflit, bien que très proche de nous à la fois temporellement et géographiquement, possède aujourd’hui encore de nombreuses zones d’ombres, tout comme l’histoire particulière de Chris.

Le film est composé à la fois d’images animées, en noir et blanc, de très belle facture et d’archives ; photographies ou vidéos de Chris quelque temps avant sa mort, ainsi que des interviews contemporaines de personnes ayant côtoyé le journaliste à cette époque. Anja Kofmel nous propose donc littéralement de la suivre, presque « en direct », dans son enquête et ses recherches. Les éléments s’assemblent, une ligne du temps prend peu à peu forme, les visages aperçus sur les photographies ou vidéos prennent peu à peu de la consistance. Ce sont ces événements, mis ensemble, qui prennent vie sous nos yeux sous forme de dessins animés.

Chris the Swiss n’est pas véritablement un documentaire sur la guerre serbo-croate, c’est un documentaire d’enquête sur le destin d’un homme, prenant ses racines dans ce conflit. Indéniablement, un aspect extrêmement personnel se dégage, mais c’est justement ce dernier qui permet d’orienter le métrage vers de plus larges conclusions. En effet, bien qu’il s’agisse des circonstances particulières entourant la mort d’un homme, face à l’immensité de meurtres perpétrés durant le conflit, l’on comprend aisément que c’est cette vie, plus d’autres et leurs imbrications qui créent un tout. Les témoignages recueillis esquissent le profil d’un seul homme, mais dont les actions et conséquences ont trait à des circonstances plus globales. C’est grâce à ces révélations que l’on comprend des implications plus générales (politiques ou religieuses, notamment). En d’autres termes, la petite histoire rejoint la grande Histoire ; l’individualité n’est pas si individuelle que cela.

Le documentaire est poignant, certaines images d’archives sont difficilement soutenables et l’on ne peut être que bouleversé par ce destin tragique. De même, l’on ne peut que s’interroger, nous aussi, sur les circonstances réelles de cet assassinat et sur les motivations et ambitions mêmes de Chris ; comment et pourquoi se placer dans une situation de danger tel pour écrire un livre ? Aussi, de ce que l’on en sait, le cousin de la réalisatrice demeure un personnage énigmatique.

Anja Kofmel parvient à ne jamais verser dans le sensationnalisme ou le misérabilisme et nous offre un témoignage personnel concernant un membre de sa famille, mais dirigé vers un conflit aux conséquences globales et une volonté universelle, profondément humaine, de compréhension. Car, c’est véritablement de cela dont il est question : comprendre pourquoi Chris est parti, comprendre ce qui l’a amené à s’engager,  comprendre cette guerre, comprendre ce qu’il s’est passé jusqu’à sa mort, comprendre pourquoi il a été assassiné et comprendre qui a ordonné ce meurtre.

Réflexion sur le journalisme en temps de guerre, sur les conflits en eux-mêmes, leur complexité et leurs différents niveaux d’implications, réalisé à la fois en prises de vues réelles, images d’archives et séquences animées, Chris the Swiss est un film aux multiples facettes, très fort et très beau, qui mérite d’être vu.

Tous les Films vus à Anima en 2019 (liste en évolution jusqu’au 11 mars)

Virus Tropical
Okko et les fantômes
Mirai, ma petite soeur
Buñuel dans le labyrinthe des tortues
Chris the Swiss
Ruben Brandt, Collector
Tito et les oiseaux
Je veux manger ton pancréas


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