Dans une année 2016 qui a compté pas moins de six films de super-héros, deux se sont distingués de par leur approche narrative commune : « Batman v Superman : Dawn of justice » et « Captain America : Civil War ». Nous allons donc tenter ici, plus que d’en faire une simple critique, d’analyser ces deux films sur leurs points communs et différences. Car mettre côte à côte ces deux films, c’est mettre côte à côte deux styles de productions assez éloignées sur leur fond.

Le point de départ de chacun de ces films est assez semblable sur la base : deux super-héros s’affrontent suite à un conflit, ce qui met en opposition deux idéologies opposées. Néanmoins, leur tournure diffère. « Batman v Superman » prend un style proche des comics, exacerbé par la mise en scène hyper iconisante de Zack Snyder, sans compter un aspect religieux prégnant, là où « Civil War » se voit réalisé tel un thriller politique sous influence Greengrass (surtout pour les mano à mano). De plus, ils diffèrent de par leur maison d’origine (DC et Marvel) et leur place dans leur univers cinématographique (l’un est censé lancer la Justice League, l’autre apporter une tournure plus sérieuse au Marvel Cinematic Universe).

Sur leur histoire aussi, les deux films partagent des thématiques assez semblables. La plus improbable concerne l’influence des parents. Zack Snyder disait d’ailleurs à propos de son film qu’il constituait une histoire de maternité, là où « Man of steel » parlait des pères (avec trois figures paternelles notamment) et « Justice League » un film sur la famille. Aussi, vous n’avez pas pu passer à côté de la (pathétique) polémique concernant le « Martha », et pourtant sa place dans le récit est totalement justifiée, tout simplement car la mort des parents de Batman fait partie de son identité propre. C’est même pour cela que le film commence par une nouvelle version de ce décès : rappeler que c’est cet événement déclencheur qui a amené Bruce Wayne à devenir l’Homme Chauve-Souris. On a vite résumé cette scène comme un changement trop rapide dans la psychologie du personnage et c’est le but. Bien loin du simple « notre mère a le même prénom, soyons copains », cet instant sonne le glas de la vision inhumaine de l’homme d’acier par Batman et surtout l’alarme que lui aussi risque de devenir comme le tueur de ses parents, le même qu’il cherchait à faire disparaitre en mettant son costume. S’il n’a pas pu sauver sa mère, sa « Martha », il va chercher à en sauver une autre.

Dans « Civil War », la mère est aussi la raison du climax (« I don’t care. He killed my mom »), mais l’on peut arguer que ce point est moins bien amené, malgré une scène de début servant à souligner le perpétuel trauma de Tony Stark dans ce décès. Déjà car il repose sur un « twist » prévisible et annoncé (le Soldat de l’Hiver a tué ses parents) et l’ennemi balance quand même son plan de manière compréhensible face à nos héros. On peut raccrocher cela à l’aspect plus humain de ce Marvel et la nature changeante d’Iron Man, mais cela reste quand même moyennement amené. Pour revenir sur l’ennemi, il est intéressant à noter que c’était un père, dépossédé de ce statut par les Avengers, là où Lex Luthor Jr a souffert aussi bien physiquement que psychologiquement de la part de son géniteur. L’ombre dans laquelle se retrouve Lex Luthor Jr est d’ailleurs partagée par Tony Stark et chacun peut se définir comme marqué par la déception qu’ils ont provoqué chez leurs pères, les ayant amenés chacun sur des chemins différents.

Passons sur la notion parentale pour nous orienter vers la lutte inhérente aux récits. La base de chacun est simple : dans « Dawn of Justice », Batman s’oppose à Superman par peur humaine là où son homologue kryptonien réagit à cause de sa manière radicale de faire justice (ce qui est bien plus compréhensible dans la version longue, il faut bien l’avouer). Nous faisons donc face à une opposition idéologique, deux formes d’héroïsme qui s’opposent alors qu’elles peuvent se compléter pour une union sans nulle autre pareille. Leur symbolisme même relève de l’opposition totale entre une figure de lumière christique venant du ciel et un héros se terrant dans la nuit et se cachant dans une cave. L’antinomie même de ces deux caractères ne pouvait mener qu’à une certaine forme de lutte, qui se trouve ici plus dans l’idéologie que dans le physique. Et quand elle le devient, c’est dans une forme tragique au vu de leur but commun et de l’orchestration de ce combat.

Dans « Civil War », cela commence par une opposition politique par rapport aux Accords de Sokovie, qui doivent essayer de réguler les actions super héroïques pour éviter tout nouveau dommage collatéral après un accident dans la ville de Lagos qui a provoqué sept morts. Les deux camps ont en soi leurs raisons : Captain America a peur que ce contrôle nuise à leurs actions et soit motivé plus par action politique que par acte désintéressé tandis qu’Iron Man se sent responsable des dégâts causés récemment par les héros, notamment par sa confrontation avec la mère d’une victime des événements d’Age of Ultron. La nature même de l’ennemi du film, le baron Strucker, prend une tournure intéressante en tant que fantôme des dommages collatéraux de la part des super-héros. Néanmoins, la tournure va différer de son ambition politique pour dériver vers un « Bucky est-il un innocent ou un meurtrier ? ». Ainsi, la grande scène de bagarre de l’aéroport n’est plus qu’un prétexte pour offrir un combat entre super-héros qui, bien que divertissante, n’est jamais traversée par la gravité de ce combat (excepté au détour d’une réplique et à la toute fin par la blessure de Rhodes, qui aurait être fatale si elle avait touché son destinataire original, Faucon). De plus, la fin du récit prouve que s’il y a bien eu séparation physique de l’équipe, celle-ci n’existe pas au niveau mental et semblera rapidement réglée pour les prochains films du MCU. On peut donc se demander l’utilité même de cet épisode étant donné que cette « guerre civile » ne constitue au final qu’une simple escarmouche plus qu’une réelle avancée dans la psyché de son personnage principal. Ainsi, si dans « Captain America : First Avenger », Steve Rogers devenait une icône américaine et que dans « The winter soldier », il remettait en question le système dans lequel il officie, on ne voit que peu d’évolution dans ce « Civil War » mais plus une simple prolongation des questionnements auparavant présents dans le volet précédent. On peut justifier ces reproches par une multiplication de personnages ainsi que l’introduction de nouveaux, mais l’intrigue suit quand même principalement le Captain et même alors, on peut renommer ce film simplement par « Civil War ». La tragédie inhérente à ce genre de conflit survient certes vers la fin mais se retrouve immédiatement tuée dans l’œuf par la réconciliation. Alors que dans un autre moment, la lutte entre Batman et Superman ainsi que leur alliance avec Wonder Woman contre Doomsday mène à la mort de l’âme d’acier, renforçant l’aspect tragique de leur conflit et ayant comme impact la formation future de la Justice League.

On peut également aborder l’ajout de nouveaux personnages aux univers respectifs. Ici, « Civil War » prend une tournure intéressante dans son intrigue avec Black Panther. L’interprétation mesurée de Chadwick Boseman dans ce rôle convient parfaitement à un arc narratif faisant résonner celui final de Tony Stark et de Zémo sur l’aspect fataliste d’une soif de vengeance. La souveraineté et le charisme qui se dégagent de ce nouvel ajout dans le MCU donnent même une certaine envie de voir le futur film solo qui lui sera consacré. Quant à Spiderman, il y a une forte fraicheur et un aspect coloré qui le rendent sympathique. En comparaison, « BvS » tombe dans une certaine maladresse pour l’inclusion de certains nouveaux héros (confusion rajoutée par la scène after credit de « Suicide Squad ») mais réussit pleinement en ce qui concerne Batman (dans l’opposition qu’il représente envers Superman) mais dans une moindre mesure Wonder Woman, présente juste assez pour annoncer les événements dramatiques qui pourraient survenir dans son film solo. En ce qui concerne la prolongation narrative des personnages déjà présents, il y a des pistes dans « Civil War » qui sont intéressantes (la romance entre Scarlet Witch et Vision) et d’autres moins (Hawkeye et Scott Lang ne sont là que pour rajouter du nombre et du spectacle dans la scène de l’aéroport). Concernant « BvS », on retrouve une prolongation de la présence de Superman sur notre planète, avec toutes les réflexions inhérentes à ses capacités surhumaines.

Que dire donc au final ? Que « Batman v Superman » est meilleur que « Civil War » ? Là n’est pas la question au vu des volontés différentes des univers proposés. Et si cette critique les a « opposés », ce ne sont que sur des thématiques communes qui sont abordées de manière différente. Ainsi, reprocher à DC de ne pas être Marvel et inversement est peu constructif. Il faut que le public apprenne à accepter leurs différences et les chérir pour ce qu’ils offrent et non ce qu’ils n’offrent pas. Chacun est imparfait (l’un souffre d’un montage cinéma ayant laissé beaucoup de côté, l’autre de son homonyme dans les comics), car rien ni personne n’est parfait mais il faut que chacun soit traité avec respect, égalité et réflexion. Et si chacun d’entre nous essayait, dans son rôle de spectateur, d’adopter ce point de vue ? Pensez-vous que cela améliorerait la qualité de certaines grosses productions et la diversité de celles-ci ?


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Amoureux du cinéma. À la recherche de films de qualités en tout genre,qu'importe la catégorie dans laquelle il faut le ranger. Le cinéma est selon moi un art qui peut changer notre vision du monde ou du moins nous faire voyager quelques heures. Fan notamment de JJ Abrams,Christopher Nolan, Edgar Wright,Fabrice Du Welz,Denis Villeneuve, Steven Spielberg,Alfred Hitchcock,Pascal Laugier, Brad Bird ,Guillermo Del Toro, Tim Burton,Quentin Tarantino et Alexandre Bustillo et julien Maury notamment.Écrit aussi pour les sites Church of nowhere et Le quotidien du cinéma. Je m'occupe également des Sinistres Purges où j'essaie d'aborder avec humour un film que je trouve personnellement mauvais tout en essayant de rester le plus objectif possible :)

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