Année : 2004

Pays : Belgique

Casting : Laurent Lucas, Jackie Berroyer, Philippe Nahon

Comment marquer son spectateur? Voilà la question que tout bon réalisateur, surtout ceux spécialisés dans le cinéma de genre,se pose. Cette interrogation essentielle se voit de plus tiraillée ces dernières années avec une volonté de fournir des films vendeurs qui finissent la plupart du temps oubliables et dénués de vie..Loin de certains produits actuels aseptisés,Fabrice Du Welz nous fournit avec « Calvaire », son premier film sorti en 2004, un bel exemple d’oeuvre marquant son spectateur .

L’histoire est celle de Marc Stevens (Laurent Lucas), chanteur itinérant qui, suite à un accident de voiture, se retrouve bloqué dans une auberge de jeunesse dirigée par Bartel (Jackie Berroyer) qui pense retrouver en lui Gloria, sa femme disparue… 

« Calvaire » porte effectivement bien son titre mais pour de bonnes raisons. En effet, quel autre mot peut décrire, outre l’expérience vécue par Stevens, celle vécue par le spectateur? Choquant sans aller dans du graphique vulgaire, la violence y est éprouvante et, d’une certaine manière, rafraîchissante. On en est même dérouté par une scène de fusillade des plus immersives.. Alternant la crudité naturaliste (la crucifixion) et l’onirisme proche du grotesque sans l’atteindre (la scène de danse avec le piano),Fabrice Du Welz arrive à rendre le spectateur inconfortable toute la durée du film avec une ambiance lourde et ce malgré un budget minuscule (1,7 millions d’euros si l’on croit Wikipédia). Il faut voir ainsi ce chanteur être savamment iconisé, d’abord en position christique de dos au début, se cachant derrière une certaine image idéalisée, avant que cette position revienne plus tard de face, avec les tiraillement physiques qui en découlent. La violence se fait humaine, aussi bien physiquement que psychologiquement jusqu’au point de non retour.

Mais, plus encore qu’un moment de torture, « Calvaire » fait preuve d’un amour véritable, par l’intermédiaire du Bartel, homme effondré et au coeur brisé qui agit uniquement par la croyance d’avoir retrouvé l’être aimé.Le choix de Laurent Lucas, excellent acteur qui semble par moment androgyne,est déjà bon, le transformant de pur objet de désir féminin en un purement masculin, tout le village croyant la même chose que Bartel. Mais plus qu’à un « délire » d’une population citadine qui aurait pu être décrite comme simplette, c’est surtout face à une perte de repères dû au sentiment universel qu’est l’amour que l’on se retrouve, comme ces personnes dans cette maison de retraite au début qui sautent sur Sevens car en manque d’affection. Cet aspect « romantique » se retrouve dans la filmographie d’un Du Welz qui a compris comment aborder ce point de manière humaine, sans les fioritures idéalisées décrites par de nombreuses oeuvres. Et si cette thématique trouvera un point culminant dans « Alleluia » (l’une des meilleures représentations d’un couple sur grand écran), « Calvaire » trouve en cet aspect un côté touchant, comme une fleur se dégageant d’un endroit malsain…

Un film de genre avec un coeur gros comme ça, cela fait du bien, surtout lorsqu’il est autant hypnotisant (superbe photo de Benoit Debie), passionné (comme Fabrice Du Welz)  et marquant (grâce à des acteurs de haut vol). « Calvaire » est une expérience à vivre et surtout, plus qu’un grand film de genre, c’est un grand film tout court.


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Amoureux du cinéma. À la recherche de films de qualités en tout genre,qu'importe la catégorie dans laquelle il faut le ranger. Le cinéma est selon moi un art qui peut changer notre vision du monde ou du moins nous faire voyager quelques heures. Fan notamment de JJ Abrams,Christopher Nolan, Edgar Wright,Fabrice Du Welz,Denis Villeneuve, Steven Spielberg,Alfred Hitchcock,Pascal Laugier, Brad Bird ,Guillermo Del Toro, Tim Burton,Quentin Tarantino et Alexandre Bustillo et julien Maury notamment.Écrit aussi pour les sites Church of nowhere et Le quotidien du cinéma. Je m'occupe également des Sinistres Purges où j'essaie d'aborder avec humour un film que je trouve personnellement mauvais tout en essayant de rester le plus objectif possible :)

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