NieR: Automata affiche

 

Date de sortie : 23 Février 2017
Développeur : Platinum Games
Réalisateur : Taro Yoko
Genre : Action-RPG

Nationalité : Japonais
Compositeur : Keiichi Okabe
Disponible sur : PlayStation 4, Playstation 5, Xbox One, Xbox Series S, Xbox Series X et PC.

 

 

 

 

De l’absurdité de l’existence.

Avec le succès surprise du jeu NieR: Automata, qui s’est écoulé à plus de deux millions d’exemplaires depuis sa sortie en février 2017, Taro Yoko a confirmé son statut d’auteur à part et son talent. Personnalité étrange, que certains iraient même jusqu’à qualifier de loufoque, Yoko fait partie de ces quelques auteurs qui pensent le jeu video comme un art à part entière. Le Jeu Video doit s’exprimer par les propres caractéristiques de son médium et ne plus tenter de singer le Cinéma ou les séries télévisées à succès. Le jeu video a son propre language, ses propres codes, qu’il convient d’utiliser afin d’impacter le joueur comme il se doit. NieR: Automata est le projet fou de cet amoureux du jeu vidéo qui n’en est pas à son premier essai. Après la trilogie des Drakengard et Nier: Replicant, il avait su se faire un petit nom dans le coeur de certains amateurs de jeux video. Toutefois, il n’avait jamais vraiment convaincu. Bien que ses oeuvres étaient pleines d’âmes et d’idées, elles restaient résolument bancales et imparfaites. NieR: Automata change la donne car, cette fois, l’esprit créatif de Taro Yoko s’est allié avec les incroyables équipes de Platinum Games, réputées pour leur savoir faire incroyable en terme de gameplay. Également épaulé par le compositeur Keiichi Okabe, qui l’avait déjà assisté sur le précédent Nier, ainsi que du character designer Akihiko Yoshida, connu pour son travail sur les Final Fantasy, tout était réuni sur le papier pour fournir un très grand jeu et permettre à ce créateur fou de concrétiser sa vision.

 

Pour la gloire de l’humanité.

En l’an 11945, la Terre est sous le joug d’une armée de machines extraterrestres organisées et puissantes. Face à cela, les humains ont du fuir leur monde natal et trouver refuge sur la lune, où ils vivent cloitrés dans une base en attendant le jour où ils pourront revenir à la maison. Au sol, une armée d’androïdes formant la résistance continue le combat face à ces terribles machines. Depuis peu, tous les espoirs de reconquête de la planète sont placés dans l’organisation YoRHa qui, depuis une base orbitale, envoie des bataillons d’androïdes ultra sophistiqués afin de mener le front contre l’envahisseur pour « La gloire de l’humanité ». Le joueur incarne ici l’unité YoRHa 2B, une androïde de combat envoyée en mission sur terre avec son commando pour débusquer et détruire une gigantesque machine de type Goliath. Rapidement, son équipe se fait décimer et 2B se retrouve seule à devoir se frayer un passage dans les dédales mécaniques d’un immense complexe industriel. Elle trouvera assistance auprès de l’unité de reconnaissance 9S. Le duo est détonnant et marche incroyablement bien. D’un coté, nous avons 2B, figure forte à la démarche assurée, au chara design sexy et dont la tenue quelque peu osée marque un contraste magnifique avec sa personnalité froide et mortelle. De l’autre coté, nous avons 9S et son allure adolescente épousant parfaitement son caractère ô combien enthousiaste et curieux. D’emblée le jeu nous offre un duo qui se complète, offrant plus d’un échange savoureux, tantôt humoristique, tantôt philosophique sur l’humanité et la condition des machines.

Cet opus étant la suite de NieR: Replicant il est légitime de se demander si le jeu est accessible pour un néophyte n’ayant aucune connaissance de l’oeuvre de Taro Yoko. Prenant place plus de 5000 ans après Replicant il n’est absolument pas nécessaire d’avoir fait ce dernier pour vous plonger dans cette nouvelle aventure. L’univers présenté ici est si lointain et boulversé comparé à celui du premier opus qu’il instaure sa propre trame narrative et ses propre thèmes. Les fans de la licence prendront plaisir à remarquer les petites références glissées en jeu. Pour les nouveaux venus, tel que moi, vous passerez au pire des cas à coté de quelques subtiles références qui ne terniront en aucun cas la compréhension de l’aventure. À travers ce jeu, Taro Yoko brasse énormément de thèmes complexes et variés propre à cet opus. Il est question de la condition humaine, de l’accès à la conscience, d’identité personnelle, d’attachement sentimental, du sens de l’existence et de son absurdité.

Nier: Automata débute tambour battant. Il y a peu voir pas du tout d’exposition afin de créer instantanément un sentiment d’urgence et de curiosité chez le joueur. L’idée est la suivante : plonger le joueur au coeur de l’action, habiller subtilement le didacticiel en prologue, introduire avec parcimonie les clés de compréhension des différents systèmes de jeu, encadrer le contexte scénaristique sans pour autant lever le voile sur son aura mystérieuse. Il en émerge une parfaite symbiose entre le ludique et le narratif. Rapidement, nous comprenons que, à l’image des bandeaux de tissus noirs qui masquent le regard de 2B et 9S, il nous faudra nous frayer à vue un chemin dans un monde brumeux pour espérer comprendre les douloureuses vérités mises en place par ces marionnettistes de développeurs. Le principe des routes A, B, C, D et E qu’il faut compléter pour venir à bout de l’aventure vient montrer le développement cyclique de l’histoire de l’humanité. La répétition récurrente de certains éléments dans ces différentes routes vient nous conter la longue et douloureuse histoire de l’évolution de l’humanité faite d’échecs et de répétitions. Plus qu’une oeuvre sur la conscience des machines, nous avons ici une synthèse intimiste de l’histoire de l’humanité. En nous faisant jouer au cours de la route B les mêmes évènement que ceux de la route A mais sous un de point de vue différent, Taro Yoko renverse les idées et vérités instaurées par la première trame tout en nous montrant brillamment que les cycles reprennent toujours leurs cours et ne peuvent que se terminer de la même façon.

Comptez une trentaine d’heures de jeu pour arriver au bout de ces cinq parcours. Certains pourraient reprocher au jeu une forme de lassitude, particulièrement lors du milieu de la route B qui est majoritairement identique à la route A. Cependant il me parait difficile de reprocher cela au jeu tant cela sert son propos. Les cycles reprennent leurs cours, avec leur dose de répétitivité voir de lassitude. Après tout, la vie humaine n’est-elle pas souvent lassante et répétitive ? Ces notions sont imprimées au fer rouge dans le jeu car c’est à nous qu’il s’adresse directement. Nous les joueurs, nous les humains. Nous poussant à nous interroger sur les cycles individuels et collectifs de notre histoire qui forme la base de l’humanité. Toutefois, rassurez vous il n’est en aucun cas question de refaire 5 fois la même aventure avec quelques changements mineurs. Le jeu a énormément de grands moments à offrir, notamment lorsque l’on arrive au début de la partie C, nous faisant comprendre que jusqu’à présent nous n’avions fait qu’effleurer tout ce que le jeu a à nous proposer. Cette partie C correspond surement aux heures les plus magistrales qu’un jeu m’ait offertes ces dernières années. NieR: Automata c’est le pari fou de parler au sein de la même oeuvre de la manipulation comportementale au sein d’une collectivité, des conséquences d’une Intelligence Artificielle débridée et de la force des liens qui nous unissent. Rien ne passe sous le radar de l’auteur, tout ce qui touche à l’humanité est traité : nos cellules, notre histoire, nos Idéologies, nos croyances et notre obsession à créer du sens dans l’existence. Taro Yoko veut raconter toute l’humanité sans rien omettre, dans sa grandeur comme dans ses échecs, dans sa magnificence comme dans sa monstruosité.

NieR: Automata la beauté de l'humanité

 

Une symbiose ludico-narrative.

NieR: Automata est présenté comme un Action RPG, aux grosses allures de Beat Them All, développé par les rois du genre, à savoir Platinum Games. Ce jeu est beaucoup plus que cela et pourrait presque se présenter comme une anthologie schizophrénique de l’histoire du jeu video. De mémoire, j’ai rarement vu autant de systèmes ludiques différents et maitrisés au sein d’un même titre. Nous commençons à peine l’aventure que le titre nous prend au dépourvu en ne nous mettant pas dans une situation que nous serions en droit d’attendre vu la catégorisation du jeu. Dès les premières minutes nous sommes catapultés dans une séquence de gameplay 3D de type Shoot Them Up qui saura flatter la nostalgie de ceux qui ont connu la grande époque des jeux de type Asteroids ou Gradius. Je m’attendais à incarner uniquement des androïdes armés d’épées et devant découper en morceaux des hordes de machines, voilà que je prends une première claque ludique en moins de 5 minutes de jeu, alors que le titre me demande de prendre les commandes d’un vaisseaux et de virevolter entre les tires des machines adverses que je dois abattre afin d’amorcer mon atterrissage sur le lieu de la mission. Le jeu ne se prive pas non plus de se changer en Beat Them Up 2D avec la vue de coté, en jeu de plateforme et en jeu de shoot avec la vue au dessus du personnages comme pouvaient le faire les premiers GTA. Ces variations de gameplay s’effectuent grâce à des transitions d’angle de caméra d’une fluidité absolue, donnant un rythme incroyable aux péripéties traversées.  La fluidité est sans aucun doute ce qui caractérise le mieux le coeur du gameplay de NieR: Automata et la variation de tous ces systèmes qui gravitent ensemble. Tout cela est possible grâce à la maestria des équipes de Platinum Games qui parviennent à créer un équilibre parfait entre une prise en main relativement simple et une technicité suffisante pour parler aux fans des productions passées du studio. Les combats prennent rapidement des allures titanesque, nous mettant au coeur de situations grouillantes de nombreux détails à gérer en même temps pour le joueur. La grandeur de ces affrontements oblige le joueur à ne pas essayer de tout voir pour gérer au mieux ces situations mais l’incite à ressentir ce qui se passe à l’écran, manette en main, donnant ainsi une résonance ludique aux bandeaux portés sur les yeux par les androïdes : Voir ne sert à rien, il faut ressentir le monde.

Le système de puces est l’une des grandes trouvailles de cet opus. Elles permettent de personnaliser l’androïde controlé en lui ajoutant des compétences spécifiques. Vous êtes plutôt adepte du combat à distance ou du genre bourrin qui encaisse les coups sans se soucier des esquives ? Pas de panique, vous pourrez créer une expérience correspondante à votre style. Bien sur il y a aussi un aspect gestion dans cette customisation des capacités du personnage car chaque puce occupe une place dans les systèmes de l’androïde. Il va donc falloir faire des choix pas toujours évident. C’est dans cette gestion que le jeu fait admirablement bien les choses avec ce système aux possibilités incroyablement riches. Le fait de jouer un androïde est totalement intégré au gameplay et au jeu lui même. Lorsque nous mettons le jeu en pause, nous avons simplement accès au menu interne de notre androïde. Si nous prenons trop de dégâts nos puces peuvent être endommagées, déréglant nos paramètres de luminosité, de son ou même nos possibilités d’attaques. Tout l’interface du jeu est régi par les puces installées sur notre avatar. Il en est de même pour l’affichage de votre barre de vie, de votre barre d’expérience, les dégâts que vous infligez ou même simplement de la mini carte vous permettant de vous repérer. Tout ce qui fait partie de l’interface classique d’un jeu video est remis à notre bon vouloir, à nos choix. En intégrant parfaitement dans son gameplay et son histoire que nous incarnons un androïde, le jeu joue donc en permanence avec les codes classiques du jeu video. Il en est de même pour la mort qui n’existe pas véritablement. Si un ennemi vous terrasse, la mémoire de votre androïde sera simplement transférée dans une autre construction physique de son corps et il vous sera laissé le choix de récupérer, ou non, votre équipement sur la dépouille de votre ancien corps.

Par le biais de la route B, en nous faisant incarner 9S, le jeu se permet d’introduire de façon ludiquement parlante la mécanique de piratage. En apparence anodine, cette mécanique permet de changer drastiquement notre rapport au jeu et à son univers. Le piratage prends des éléments connus du joueur et modifie notre perception dessus en la faisant exister différemment en plus de nous donner accès à d’autres éléments de compréhension du lore de cet univers. Les actions de piratages sont représentées de façon ultra minimaliste. Ce monde est blanc, remplis de formes géométriques simplistes, faisant écho à la trilogie Matrix. Une fois que les strates matérielles et physiques tombent il ne reste plus que de la simplicité conceptuelle : des formes géométriques basique dans Nier, des lignes de codes classique dans Matrix. Il n’en reste pas moins que nous y arpentons malgré tout le réel du monde, il s’agit simplement d’une version épurée et étrange de ce réel. D’un point de vue purement narratif, ces séquences de piratages permettent à 9S de faire l’expérience de l’absurdité du réel qui n’est finalement qu’un ensemble de code et de règles. Par ce procédé 9S s’infiltre à plusieurs reprise au sein du subconscient des machines, découvrant ainsi leurs souffrances et leur incompréhension du monde. Le piratage est alors utilisé par l’auteur pour stimuler l’empathie du joueur. Le piratage devient alors le chemin du jeu vers la vérité.

Ce que nous raconte NieR: Automata, ce qu’il cherche à nous faire comprendre ne pouvait marcher que sous la forme d’un jeu video. Là où énormément de jeux auraient pu vous raconter tout ce qu’ils ont à dire sous la forme d’un film, d’une série ou même d’un livre, ce titre rejoint le rang des rares jeux à se servir de l’entièreté des composantes de son médium pour délivrer son propos, rejoignant d’illustres jeux tels que Metal Gear Solid 2 ou Death Stranding de Hideo Kojima.

NieR: Automata et le ludisme du piratage

 

La beauté d’un monde abandonné.

Je ne vous dirais pas que NieR: Automata est une claque graphique car cela serait un beau et gros mensonge. Il faut être honnête, à part les androïdes qui sont incroyablement modélisés et animés, le reste du jeu n’est pas spécialement beau et fait parfois penser à de la Playstation 3 dans la modélisation de la majorité des décors. PlatinumGames et Square Enix ont fait le choix de sacrifier de nombreux effets, shaders et autres résolutions détaillées de textures afin de tout mettre sur la fluidité du titre qui tape dans les 60 images par seconde de façon stable. Est-ce que cela excuse la modélisation assez pauvre des décors urbains, la végétation au rabais, le pop-in grossier de certains décors lointains et l’aliasing très présent ? Chacun se fera son avis là dessus. Personnellement je dois reconnaitre que je suis arrivé dans une phase de ma vie de joueur où je me moque complètement de savoir si le jeu est une vitrine technologique, seul m’importe ses qualités ludiques et la façon dont il délivre son propos. De plus, même si le jeu est loin d’être magnifique dans son ensemble, il est également loin d’être moche grâce à sa direction artistique pleine de charme et d’originalité accentuant le puissant sentiment de nostalgie de ce monde désert, mais aussi débordant de mystères et de mélancolie.

Toutefois ne comptez pas explorer un monde aussi gigantesque et fourmillant de détail que peuvent le proposer des ténors du genre comme Breath of The Wild ou Red Dead Redemption 2. Le monde de NieR: Automata est beaucoup plus minimaliste. Nous avons un grand HUB principal matérialisé par le centre ville d’une cité humaine en ruine, autour duquel s’articulent plusieurs zones plus ou moins ouvertes, chacune ayant son propre thème, sa propre identité. Dans un certains sens le monde de NieR: Automata évoque un parc à thèmes géant. Si vous aimez la variété des décors ce titre vous en donnera pour votre argent : désert dans lequel surfer sur le sable, vaste forêt, parc d’attraction abandonné, usine rongée par la rouille, tout n’est que ruines sur cette terre aux mains des machines à la palette de couleurs volontairement terne et délavée. Le jeu n’oublie pas d’inciter à l’exploration, chaque zone regorgeant de recoins à explorer, de raccourcis à trouver pour dynamiser l’exploration et de trésors à débusquer. Beaucoup serait tenté de demander si un pseudo monde ouvert est légitime dans un jeu qui semble si désertique.

Le monde de NieR est bien des choses, il est âpre, dangereux, sauvage, à l’abandon, poétique mais si il y a bien une chose qu’il n’est pas c’est désertique. Je ne parle pas uniquement des hordes de machines sur votre chemin que vous allez devoir exploser. Non, je parle de tous ces personnages non jouables que vous allez croiser et auxquels vous vous attacherez au cours de l’aventure : Devola, Popola, Pascal, le père Servo, tant de personnages qui vous marqueront ou non. Ces quêtes secondaires permettent au joueur d’observer la motivation des androïdes et machines : Devenir le plus fort, le plus rapide, rendre hommage, chercher vengeance. On se rendra assez souvent compte que certains de ces  personnages en question s’auto-détruisent souvent une fois leur objectif accompli. Comme si il était préférable de mourir plutôt que de vivre sans but.  Ce monde à l’agonie, par ces quêtes annexes, alimente notre reflexion sur la nature des personnages non jouables dans un jeu video. Dans Automata, un personnage qui n’a plus de raison d’exister meurt. Cela renvoie à tous les autres jeux video où un personnage dont on a rempli la quête finit par errer sans but dans le monde virtuel, répétant les mêmes phrases en boucle. Aucun joueur ne retourne voir ces personnages dont le destin n’est plus que celui d’attendre sans rien faire. Quand on se pose deux secondes sur cet état de fait, quelle tristesse. Ici, l’interactivité du jeu video atteint presque son paroxysme et propose ainsi des pistes de réflexions sur son monde par le ludisme.

Le ludisme est il suffisant pour faire réfléchir le joueur quant au monde qu’il traverse ? Evidemment que non. Le jeu video est un domaine complexe débordant de composantes dont l’une est particulièrement essentiel : la Musique. Autant le dire tout de suite, la musique de NieR: Automata est magistrale et contribue à toutes les émotions que ce monde en ruine véhicule en nous. Les musiques sont gérées ici par un système dynamique qui s’adapte au joueur et à ses actions. Par exemple, lorsque l’on pénètre dans une nouvelle zone, la musique se fait d’abord discrète puis se voit complexifier au fur et à mesure de la progression du joueur afin de transcrire son niveau d’engagement. Amorcez un combat et le jeu se chargera de rajouter une nouvelle couche à la musique ambiante pour faire ressentir le changement d’intensité du jeu. Ce balai perpétuel se fait sans défaut, avec une fluidité déconcertante. Cela donne le sentiment de parcourir un tout où tous les aspects du jeu agissent en parfaite cohérence. Les musique de cet opus imprègne chaque zone d’une vitalité rarement vue dans un jeu video. Keiiji Okabe signe sans aucun doute l’une des plus belles bande originale qu’il m’ait été donné d’entendre dans un jeu vidéo, me faisant me demander si il ne surpasse pas le travail incroyable qu’avait effectué Nobuo Uematsu sur Final Fantasy VII.

NieR: Automata la beauté du monde.

L’injustice d’un monde absurde.

Avec NieR: Automata, Taro Yoko matérialise ce que je soupçonne être son obsession pour la nature humaine. Sous bien des aspects, le récit proposé par l’auteur est hautement nihiliste, nous mettant face à la réalité d’une vie humaine qui est majoritairement composée de souffrances et dont le but existentiel est bien souvent une longue détresse absurde. De ce jeu émane une profonde incompréhension de la violence du monde que nous habitons. Androïdes et machines incarnent ici les multiples étapes de l’évolution de l’humanité. Une telle honnêteté philosophique mêlée à cette fragilité poétique chez un créateur de jeu video se fait excessivement rare dans des productions de cette envergure. Taro Yoko éveille chez nous une incroyable tendresse sur cet univers désolant et désolé qui, paradoxalement, puise toute son énergie au plus profond du coeur de son auteur et des joueurs qui en feront l’expérience. Taro Yoko refuse d’identifier ses oeuvres comme ayant un style précis. Comme il l’a déjà dit en interview il se contente de créer un jeu auquel il aimerait personnellement jouer. Il se décrit comme chaotique dans sa manière de conceptualiser et de coucher ses idées, sans véritable méthode de travail. La profonde humanité de son développeur, ses doutes, son chaos, sa mélancolie teintée de folie sont sans aucun doute les raisons de la beauté complexe de ce jeu.

NieR: Automata est un voyage philosophique, qui nous amène à réfléchir sur la conscience, les désirs et les émotions de chacun. Le jeu nous force à nous interroger sur des concepts abstraits en rapport avec l’individu et le genre. Des concepts que des androïdes ne devraient pas être en mesure de comprendre. C’est dans ce sens-là que les protagonistes sont développés, tels des humains s’éveillant au monde et non des machines b, créant ainsi un dépassement de l’être. Automata est un jeu video dans toute sa splendeur mais surtout une oeuvre hautement dépressive. Jouer à NieR: Automata ca fait mal, ca fait exploser l’âme mais ca rappelle que, entre deux confinements et je ne sais combien de tests PCR, vous êtes vivants. Le récit de Taro Yoko nous cogne violemment, nous balançant au visage nos préjugés, nos certitudes, nos errances ainsi que les errances des autres. Oeuvre obsédée par le sens de la vie, elle semble pourtant incapable d’y trouver autre chose qu’une profonde absurdité tant tout ce qui nous entoure est futile. Toutefois serions nous capable de vivre sans but ? sans raison ? Peut importe que cette raison de vivre soit réelle ou artificielle finalement tant le besoin de trouver une raison à notre présence sur terre semble être notre seul moteur.

Nous parcourons ici un univers mettant en avant les vestiges de l’humanité. Nous parcourons cet univers tels des archéologues découvrant un monde ancien et mystérieux au sein duquel on s’amuse à reconstituer les pièces de ce puzzle narratif et thématique sans que le jeu ne nous dicte jamais rien. NieR: Automata est un jeu qui se mérite et qui ne vous donnera rien, comme en atteste cette cinquième et ultime fin qu’il vous faudra prendre avec acharnement pour la mériter. Ce jeu video m’aura personnellement beaucoup marqué, m’apportant des émotions et axes de pensées que je n’avais jamais encore eu le plaisir de ressentir devant une oeuvre culturelle de divertissement. Les choeurs cryptiques de la chanson du générique de fin ultime, chantant par moment dans une langue imaginaire, résonneront en moi encore très longtemps.

NieR une vie humaine et absurde

NieR : Automata, c’est l’histoire d’un enfer numérique au format Zip. Il ne fait rien mieux que tout le monde mais combine tout mieux que personne. Ce n’est pas le meilleur Beat Them All, mais la seule façon de faire un Beat Them All. Ce n’est pas le meilleur jeu de rôle japonais , mais la seule façon de faire un jeu de rôle japonais. NieR: Automata, c’est de la richesse dans tout ce qu’il touche. Sous ses airs incroyablement nihilistes cette oeuvre de Taro Yoko est finalement hautement optimiste. Le joueur et les différents personnages sont maltraités, écrasés, brisés par le jeu qui nous met le visage dans les horreurs de la guerre et la brutalité des cycles des sociétés. Dans sa conclusion, le jeu dessine malgré tout une petite ouverture vers un avenir plus lumineux. L’existence est absurde mais ne demeure pas vaine pour autant. L’amour, la solidarité, la révolte, l’abnégation sont autant de sentiments qui viennent porter le joueur dans une ultime phase ou le ludisme et la narration ne font qu’un. Les Pods, nous accompagnant depuis le début de l’aventure, permettent alors de symboliser  que nous pouvons tous fabriquer du sens dans l’optique d’un avenir plus heureux. Une chose ressort de tout cela: Au final, une vie absurde, une vie humaine, vaudra toujours mieux que de suivre la voie tracée et imposée par un maître divin.

 


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