La Visite est une œuvre qui puise dans la banalité du quotidien, d’êtres maussades, de cadres désespérément stoïques, pour rappeler à l’Homme les nécessités et joyaux enfuis de son existence. Ce métrage pourrait être appréhendé de la plus simple des manières. Traiter la banalité avec banalité reviendrait à admettre que la majeure partie de notre vie ne demeurerait qu’insipidité. Or c’est en réalité se condamner soi-même car la banalité, intrinsèquement, forme un paradoxe : dépréciative, nous cherchons à l’éviter car la réussite semble découler de la spécificité, de l’artificialité, mais ce n’est qu’un leurre. Finalement, seuls l’obsession monomaniaque de conjurer la banalité, seuls un anticonformisme trop appuyé, une avidité déraisonnée d’ascension sociale, de gloire, de prestige, nous réduisent à embraser cette si redoutée et frivole banalité.

Alors qu’une jeune femme partie de Bruxelles à pieds cherche à rejoindre Paris, elle va séjourner, dîner, dialoguer, communiquer, échanger, respirer avec divers ménages et autres rencontres éphémères. Ensemble, ils vont se prêter des journaux, s’échanger des M&M’s, un verre d’eau, dormir sous le même toit, parler anglais, manger des brochettes de viande, faire route, cuisiner, se comprendre…

 

 

Tous ces moments, parfois laconiques, se savourent avec onctuosité. Leur fond, leur motif, importent peu. La manière avec laquelle on les vit, elle, oui. Ainsi le film, à travers sa caméra, ses personnages, arrive à catalyser toute cette splendeur et vitalité exogène. Tous ceux qui prennent part à ce périple d’une heure resteront, à jamais, viscéralement ancrés dans le récit et auront même tendance à l’embellir à moins qu’ils ne l’aient déjà eux-même étés.

Étrangement le seul personnage qui a l’air souvent évasif, déconnecté, peut-être même contrarié voire triste est le protagoniste, celui qui est pourtant le référent du spectateur, le point de vue central, un personnage-miroir. Il est tout à fait concevable que ce ne soit qu’un trait de personnalité, ou bien que le spectateur le perçoive ainsi mais ce personnage ne ressemblerait-il pas à la plupart d’entre nous ? Cet Homme en perpétuelle retenue, éperdument aliéné, qui ne prend que rarement le temps d’apprécier l’unicité de chaque événement, de chacune de ses seconde mais aussi d’en apprécier la rareté et, tout bonnement, d’en sortir ranimé.

Alors bien sûr ce film n’a pas de réelle structure mais ça n’a franchement pas d’importance ! La vie n’en a pas non plus, hormis peut-être pour les déterministes et/ou fatalistes convaincus. A défaut de nous conter une histoire linéaire, aussi rigide et déterminée que peuvent l’être les voies du Thalys, le film nous propose d’assister à de beaux instants biscornus desquels se dégage un dilemme existentiel : mieux vaut-il apprécier une histoire sempiternellement plate ou succinctement passionnante ?

 

Le film de Nicolas Guicheteau est à découvrir sur Universciné 

 


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