Drame historique sorti le 8 février 2017 (2h42) réalisé par Martin Scorsese

Avec Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson

30 ans après La dernière tentation du Christ, la légende Scorsese propose une nouvelle réflexion sur la foi.

Parler de la foi sans tomber dans le piège du prosélytisme ?

            Nous entrons dans une partie de l’Histoire pas forcément très connue. Japon, XVIIème siècle : le Père Ferreira demeure introuvable, dans un pays où le christianisme a été banni et où ses fidèles sont persécutés. Deux jeunes prêtes jésuites partent à sa recherche. Retrouver leur mentor sera loin d’être aisé, mais ils peuvent compter sur leur foi inébranlable… jusqu’où ?

Alors que la « laïcité » est à la mode aujourd’hui, cet essai sur la foi peut avoir une résonance toute actuelle. Comme souvent, on espère que le sujet soit traité sans prosélytisme. Les Américains ont parfois l’habitude de se donner le beau rôle dans leurs films. Mais ici, les conflits entre Jésuites et Japonais sont globalement abordés avec équilibre même si les héros sont chrétiens et que le spectateur est donc davantage exposé à leur point de vue.

Le film regorge de nombreuses scènes de torture mais les Japonais apparaissent davantage comme des autochtones qui défendent la culture de leur pays plutôt que comme des barbares impitoyables. La beauté du Japon est d’ailleurs merveilleusement mise en valeur avec des paysages somptueux. La nature apparait neutre, comme si elle assistait impuissante à ses affrontements sanglants entre humains.

Quelle place dans la filmographie de Scorsese ?

            Simplement, on peut dire que le film est maîtrisé de bout en bout. L’ami Martin n’a plus rien à prouver à personne, et ça se voit. Les plans s’enchainent, intelligents, bien cadrés, bien montés, avec une place laissée à chacun. Le scénario s’exécute tranquillement, loin des standards survitaminés du cinéma américain actuel.

On touche ici à ce qui rebutera beaucoup de spectateurs : la durée et surtout le rythme. Silence est lent et monorythme. Aucun moment ne vient dynamiser l’ensemble ou casser le métronome. Mais n’est-ce pas le propre du film ? Un héros, figure de proue de sa religion, qui aurait tellement besoin de quelques mots de son Dieu pour l’aider à avancer dans ces moments si difficiles ? Une longue attente, éprouvante… face à un Silence têtu ?

C’est un choix, assumé et nécessaire, sans concession. Alors évidemment, le public préfèrera Le Loup de Wall Street, Shutter Island, Les Infiltrés, Casino, Raging Bull, Taxi Driver… Je m’excuse de ne pas pouvoir citer tous les chefs d’œuvre du réalisateur qui laisse une œuvre énorme derrière lui. A 74 ans, on ne court plus à tout prix après le succès , surtout quand on l’a autant connu.

Qu’aurions-nous fait à la place de ces héros ?

            L’Histoire est sexiste : le casting est finalement exclusivement masculin ! Surtout connu pour ses rôles d’action man, Liam Neeson livre ici une prestation toute en sobriété et en émotions. Je m’attendais à le voir dans un flashback montrant son combat avec les Japonais, mais nous serions sortis du propos du film ! On ne le voit finalement pas tant que ça, mais l’acteur se montre juste et dans le ton.

Et les deux p’tits jeunes ? Adam Driver,qui semble trainer derrière lui un bashing injuste depuis qu’il a retiré son masque dans Star Wars 7 (d’ailleurs, c’est un peu comme s’ils allaient chercher sur son île un Luke ayant perdu sa foi !) est discret mais bon. Son personnage aurait peut-être mérité d’être plus étoffé. On ne sait d’ailleurs rien du passé des deux prêtres. A moins que cela ne soit volontaire : ils se sont juste abandonnés à leurs croyances, le reste ne compte pas. Andrew Garfield est moins inspiré que dans le très bon « Tu ne tueras point » de Mel Gibson où il est multi-nominé, le jeune acteur se montre néanmoins plutôt convaincant.

J’ai trouvé le film très cohérent, sauf peut-être la fin. Attention spoilers ! Le fait que le héros finisse par entendre les mots de Dieu m’a interpelé : est-ce que le film n’aurait pas été plus fort si le silence avait perduré ? A moins qu’il ne s’invente des voix (consciemment ou inconsciemment) pour prendre cette décision si difficile ? Ou alors on se dit que la seule fois où Dieu lui a parlé, c’était pour le sauver d’une mort certaine, sachant que la dernière image (forte) montre qu’il n’a pas perdu ses croyances.

En définitive, voici un film que l’on peut ranger dans la catégorie des très réussis mais qui ne plaira pas forcément à grand monde, principalement à cause d’un rythme trop lent et d’une durée fatale.


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Nicolas, 37 ans, du Nord de la France. Professeur des écoles. Je suis un cinéphile éclectique qui peut alterner entre blockbusters, films d’auteur, films français, américains, petits films étrangers, classiques du cinéma. J’aime quand les films ont de la matière : matière à discussion, à interprétation, à observation, à réflexion… Quelques films que j’adore pour cerner un peu mes goûts : Matrix, Mommy, Timbuktu, la Cité de la Peur, Mission Cléopâtre, Ennemy, Seven, Fight Club, Usual Suspect, Truman Show, Demain, Big fish, La Haine, La Vie est belle, Django, Rubber, Shutter Island...

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