Drame franco-belge réalisé par Lucas Belvaux sorti le 22 février 2017 (1h58)

Avec Emilie Dequenne, André Dussolier, Guillaume Gouix

Après « Le ciel attendra » sorti il y a quelques mois, voici une nouvelle exploration politique de notre société. Mais cette fois-ci, ce n’est pas Daech qui cherche à embrigader l’héroïne, c’est un parti d’extrême droite français.

Pauline, infirmière dans les Hauts-de-France, est très appréciée dans sa ville d’Hénart (Beaumont ?). Par le biais de Docteur André Dussolier, le Bloc National va se rapprocher d’elle pour la convaincre de devenir leur tête de liste aux prochaines élections municipales.

Pour ce genre de film, deux questions m’interrogent par avance…

LE FILM SE TIENT-IL ELOIGNE DES CARICATURES ?

                Notre héroïne – interprétée par une Emilie Dequenne convaincante de simplicité – ne se contente pas de travailler et d’échanger avec un docteur branché patriotisme. Elle a la chance de retrouver Stéphane (Guillaume Gouix à son aise)  son amour d’enfance, plus connu sous le nom de Stanko, membre d’une milice néo-nazie (même si on comprend qu’il est là pour montrer la volonté de polissage du parti). Ajoutons que le fils de cette mère célibataire fréquente un meilleur ami qui s’occupe secrètement d’un site fasciste (avec sa mère comme première fan). Ça fait beaucoup, on est d’accord !

Quels sont les contre-poids à ce contexte favorable à l’embrigadement ? Un père communiste et bien bourru. Une amie qui ose se faire entendre lorsque les fêtes entre potes deviennent trop portées sur les propos un tantinet raciste. Une famille de patientes musulmanes éminemment déçues du changement de leur infirmière préférée. C’est mince. Et les membres du Bloc dans tout ça ? Dussolier joue bien son rôle de manipulateur beau parleur, tout dévouée à Agnès Dorgelle (avec une Catherine Jacob pas du tout crédible), Présidente du parti d’extrême droit, elle qui a repris la succession de son père jugé trop raciste. Vous l’avez compris : toute ressemblance avec des personnes existantes ne serait que pure coïncidence.

Lucas Belvaux (réalisateur du bon et récent « Pas son genre ») semble hésiter entre fiction et réalité, entre rester neutre et montrer les dangers de ce piège politique. Son choix des personnages se révèle être trop extrême, ce qui rend au final le propos peu crédible, un comble pour ce genre de film !

ET LE CINEMA DANS TOUT CA ?

                Si cette production française s’inscrit dans une visée politique et sociale, nous sommes néanmoins en droit d’attendre que les idées de l’auteur soient traitées via une grammaire cinématographique un minimum recherchée.

Le film commence plutôt bien : une succession de plans de moins en moins larges posent le décor : une commune du Nord de la France, avec ses terrils, ses anciens corons, cette ambiance populaire d’une France pas très riche qui travaille pour subsister. Différentes routes s’enchevêtrent, on peut prendre divers chemins, certains vont plus vite que d’autres, mais ne mènent pas forcément au même endroit. La fin fera le parallèle avec le début, ce qui est plutôt intéressant.

En dehors de ça, la mise en scène est très pauvre. Le récit est dramatiquement linéaire, on se croirait dans un téléfilm calibré se contentant du minimum. Le cadrage manque de diversité et d’intentions, les petits moments d’action sont affligeants, à l’image d’une bande son très pauvre. Ce manque d’ambition cinématographique impacte sur l’intrigue qui se déroule beaucoup trop vite. Le spectateur n’a pas le temps de s’attacher à des personnages peu fouillés. Pauline bascule très vite de ses idées de gauche au Bloc, c’est très vite l’amour fou entre elle et Stéphane… Encore une fois, on perd en crédibilité.

ET SI ON REFAISAIT LE FILM ?

                Le film est décevant, clairement. Nous n’irons pas jusqu’à dire comme Florian Phillipot que c’est un navet. Evidemment, notre humanisme serait tenté d’encenser un film qui ose montrer les agissements perfides d’un parti capitalisant sur les peurs et le démagogisme. Mais pour cela, il aurait fallu davantage de nuances, de subtilité et de matériel cinématographique.

Pourquoi ne pas positionner Stéphane en ancien néo-nazi ayant raccroché depuis dix ans et qui tente de protéger Pauline des stratégies habituelles du Bloc ? Placer le copain du fils en position  de se faire embrigader par Daesh, ce qui aurait créé un parallèle intéressant à explorer ? Prendre le temps de poser les personnages, laisser Pauline hésiter, osciller, s’interroger ? Utiliser une narration non linéaire avec des flashbacks ?

Au final, il y avait de la matière à faire un film plus approfondi, plus ambitieux. On retiendra le côté didactique : s’il peut éviter à certains de tomber dans les dérives extrémistes, ça sera déjà une belle victoire pour ce film !

 

 

 

 

 


Article précédentDragons 2 de Dean Deblois
Article suivantL’Agence de George Nolfi
Nicolas, 37 ans, du Nord de la France. Professeur des écoles. Je suis un cinéphile éclectique qui peut alterner entre blockbusters, films d’auteur, films français, américains, petits films étrangers, classiques du cinéma. J’aime quand les films ont de la matière : matière à discussion, à interprétation, à observation, à réflexion… Quelques films que j’adore pour cerner un peu mes goûts : Matrix, Mommy, Timbuktu, la Cité de la Peur, Mission Cléopâtre, Ennemy, Seven, Fight Club, Usual Suspect, Truman Show, Demain, Big fish, La Haine, La Vie est belle, Django, Rubber, Shutter Island...

LAISSER UNE RÉPONSE

Veuillez saisir votre commentaire !
Veuillez entrer votre nom ici