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Quatrième film vu lors du Festival Anima qui se tient à Bruxelles jusqu’au 10 mars, Buñuel en el laberinto de las tortugas est le premier long-métrage du réalisateur espagnol Salvador Simó. Il s’agit d’une adaptation de la bande-dessinée éponyme écrite par Fermín Solís en 2011. La projection à laquelle nous avons assisté (en présence du réalisateur) était une des premières présentations du film au public

Pays d’origine : Espagne
Réalisateur : Salvador Simó
Titre original : Buñuel en el laberinto de las tortugas
Aussi appelé : Buñuel dans le labyrinthe des tortues, Buñuel après l’âge d’or, Buñuel in the labyrinth of the turtles
Genre : Drame
Date de sortie française (prévue) : 19 juin 2019

Buñuel dans le labyrinthe des tortues s’articule autour du tournage du seul documentaire réalisé par Luis Buñuel : Terre sans pain (Las Hurdes. Tierra sin pan en langue originale), datant de 1933.
L’artiste espagnol est davantage connu pour ses réalisations surréalistes et engagées allant à l’encontre la bourgeoisie, de l’Église ou plus généralement des conventions sociales établies. Aussi, le nom de « Buñuel » évoque directement Un Chien Andalou (1929) ou l’Âge d’or (1930).

C’est justement à la suite de la projection parisienne de ce dernier que commence le récit. Les spectateurs, particulièrement scandalisés, sa famille et certains de ses amis tournent le dos et ferment leur porte à l’artiste qui se retrouve dans l’impossibilité de poursuivre son art…jusqu’à ce que son ami Ramón Acin, par chance, gagne à la loterie. Ce coup du hasard aussi incroyable que bienvenu permettra le financement de Terre sans pain, moyen-métrage de 27 minutes.

Dans les années 1930, Las Hurdes est une région d’Espagne constituée de villages particulièrement pauvres. Oubliés de presque tous, les Hurdanos survivent tant bien que mal malgré le manque d’hygiène et de nourriture. Les maisons n’ont presque pas de mobilier ou d’équipement, encore moins d’installations électriques ou d’eau courante. Les plus riches et respectés sont ceux qui mendient dans les villes voisines.
C’est dans ce paysage que Buñuel choisit de poser ses caméras afin de montrer au monde la misère qui se situe à deux pas.

Il n’est pas rare que le cinéma d’animation adapte un matériel préexistant, notamment des bandes-dessinées ou romans graphiques. Dans le cas de Buñuel dans le Labyrinthe des Tortues, le film se montre plus complet que le livre. Le réalisateur, Salvador Simó, sur place lors de la projection à laquelle nous avons assisté, a précisé qu’il avait effectué d’autres recherches afin de compléter l’histoire folle de ce tournage encore plus fou. Ces ajouts sont les bienvenus pour parfaire les zones d’ombres ou manquements entre différents événements que l’on pouvait ressentir à la lecture de l’œuvre de Fermín Solís. Visuellement, le graphisme de la bande dessinée est repris à peu près à l’identique. Le tracé, plutôt anguleux, contraste avec les formes que nous avons l’habitude de côtoyer dans les films d’animation.

Qu’il s’agisse de la bande-dessinée ou du film, l’on nous montre le tournage de ce documentaire, un peu à la manière d’un témoignage. Ainsi, l’on voit de quelles manières certaines scènes particulièrement « scandaleuses » ont été, en réalité, mises en scène.
Si le choix de « dramatisation » peut être perçu comme un manque d’honnêteté par rapport à ce qui se déroulait réellement, voire comme une instrumentalisation de la réalité à d’autres fins, il est justifié par le personnage de l’artiste qui rappelle que tout se base sur du réel, sur des événements qui peuvent ou auraient pu arriver. De fait, parvenir à capter « l’image » nécessaire à un changement de mentalité (souhaité) n’est pas chose aisée. Le but que poursuit l’équipe de tournage en montrant ces villages semblant vivre encore au moyen-âge est donc de bousculer ou de contrarier les mentalités, notamment bourgeoises. Bien que les moyens et les images diffèrent, l’on retrouve dans cette démarche une optique qui se rapproche du surréalisme.

L’histoire donne ainsi un éclairage non seulement sur le tournage, particulier, de ce documentaire, mais aussi sur l’artiste lui-même ; il démontre sa complexité, son engagement dans une veine sociale, mais aussi de nombreux paradoxes qui le constituait. Comme tout (bon) film ayant trait au surréalisme, une place importante est laissée au subconscient par les rêves (ou plutôt les cauchemars) de Luis Buñuel qui se mêlent et se confondent avec la réalité.

Enfin, c’est évidemment une image de l’Espagne du début des années 1930 qui nous est montrée, tout comme l’on pouvait déjà le voir dans le documentaire lui-même. Aussi, certaines scènes présentes dans ce dernier sont remontrées, mais en donnant à voir non seulement ce que la caméra filme, mais aussi ce qui se déroule de « l’autre côté ».

Le doute demeurera toutefois quant à déterminer ce qui, dans Terre sans Pain, a été scénarisé dans un unique but de scandale et ce qui l’a été dans une volonté de véracité. Néanmoins, Buñuel dans le labyrinthe des tortues fait réellement figure d’original et permet de lever le voile sur les circonstances de réalisation d’un travail peu connu d’un artiste pourtant très connu. A ce sujet, nous recommandons de visualiser le documentaire avant ce film, de manière à ce que les scènes « dédoublées » aient plus d’impact.

La sortie du film est prévue en France pour le mois de juin, sous le nom Buñuel après l’âge d’or.

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Tous les Films vus à Anima en 2019 (liste en évolution jusqu’au 11 mars)

Virus Tropical
Okko et les fantômes
Miraï, ma petite soeur
Buñuel dans le labyrinthe des tortues
Chris the Swiss
Ruben Brandt, Collector
Tito et les oiseaux
Je veux manger ton pancréas
Another day of life
Penguin Highway
Le Château de Cagliostro
The Tower
Funan
Palmarès


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