Sortie : 5 janvier 1990, édition physique : 22 septembre 2021
Durée : 1h23
Genre : Crime/Horreur
De John McNaughton
Avec Michael Rooker, Tracy Arnold, Tom Towlesk, John McNaughton, Mary Demas
Musique :  Ken Hale, Steven A. Jones, Robert McNaughton

 

Résumé : Hanté par une enfance martyre, Henry Lee Lucas tue. La seule manière pour lui de se libérer de ses démons. Avec la complicité de Otis Toole, il écume les routes des Etats-Unis, choisissant ses victimes au hasard…

 

L’avis de Nicolas : 

 

Entrer dans la tête du monstre n’est jamais synonyme de facilité pour celui qui reçoit l’œuvre d’art. Cet élément peut se traduire par différents procédés qui dépendent de l’art qui sert à exprimer cette idée.

Le monstre est habituellement mis de côté afin de créer une distance avec le spectateur. Le postulat qui consiste à subjectiviser le regard du monstre est profondément délicat. C’est pourtant ce qu’arrive à faire de manière magistrale Henry portrait d’un serial killer de John McNaughton.

Ce qui frappe par avance avec ce film est sa faculté de s’ouvrir sur une première image subjective qui provoque pourtant de la distance. La première image est un cadavre de femme filmé sous toutes les coutures, esthétisé comme une œuvre picturale. Nous pénétrons alors dans l’esprit du meurtrier. Pourtant le film se permet de conserver de la distance car ce qui demeure est un sentiment d’effroi et de dégout face à cette image. Elle provoque indéniablement le malaise.

En tant que spectateur ce fut mon cas. J’étais partagé entre la pure sensation de flottement qui se dégage du plan et la putridité de l’ensemble. Il est indéniable que le cinéaste cherche à créer une immersion dans le cerveau d’Henry de par cette simple image. Sachant qu’Henry n’est pas montré et apparaît que bien plu tard.

 

Le cinéaste choisit d’ailleurs de construire le portrait d’Henry en partant du principe qu’il n’y a pas besoin d’introduire le personnage mais plutôt de le découvrir au fur et à mesure. C’est ainsi que l’on apprend qu’Henry est un fou sanguinaire en milieu de film et non dès le début.

Avec cette introduction « gratuite », McNaughton pousse le spectateur à continuer le film pour comprendre la présence de cette image et donc découvrir le tueur. C’est un procédé qui pourrait sembler se vautrer puisque le titre divulgâche totalement ce mystère.

Sauf que le but de cette structure n’est pas de reposer sur un ensemble de rebondissements scénaristiques mais plutôt de distiller le doute chez nous puisque les meurtres commis par Henry ne sont jamais montrés.

Henry n’est qu’un personnage étrange de prime abord mais ne semble pas être un fou qui tue. C’est là où tout l’intérêt du film se situe. Il s’agit d’interroger la représentation de la violence et surtout de nous confronter au quotidien du tueur en filmant ses interactions avec les autres.

 

Le film est ressorti chez Carlotta dans une belle édition restaurée le 22 septembre 2021. L’image est particulièrement propre tout en conservant ce caractère granuleux et sale du film. Il est dispo en blu-ray et dvd simple. Les éditions sont accompagnées d’un entretien avec le cinéaste (exclusivité blu-ray), du making off du film, d’un autre entretien avec le cinéaste, d’un entretien avec Joe Colman (exclusivité blu-ray), des scènes coupées et chutes du film commentées par le cinéaste et le documentariste David Gregory.

Henry portait d’un serial killer est loin d’être une grande œuvre car elle manque parfois de finesse et de force pour totalement m’embarquer. Il aurait fallu que le film aille plus loin dans son questionnement de la banalisation de la violence et surtout qu’elle tente de subjectiviser un peu plus son récit pour que l’implication soit totale.

 

 

 

L’avis de Liam : 

 

 

La réputation du film de John McNaughton a traversé plus de trois décennies avec toujours une certaine crainte face aux sensations que l’on peut éprouver devant pareil long-métrage. Sa ressortie chez Carlotta ne fera donc que conforter cette opinion au vu d’un traitement visuel et narratif brutal, ne pouvant en ce sens que diviser face aux tribulations de son personnage titre, incarné avec un magnétisme terrifiant par l’excellent Michael Rooker. Ce dernier porte ainsi superbement le film par quelques gestes, par un regard où l’on sent la déshumanisation et la crainte de cet aspect, quitte à ne jamais connaître une certaine normalité espérée.

 

 

Le film dresse ainsi un parallèle entre un Henry, perturbé par ses meurtres mais néanmoins poussé de manière permanente à perpétuer ses actes de violence, et Otis, basculant rapidement dans ce cycle jusqu’à perdre toute forme d’humain en lui. Là où les meurtres du premier sont d’abord installés par le résultat (cette accumulation de cadavres en début de métrage), le second se laisse emporter par son agressivité, se complaisant dans sa violence jusqu’à revoir ad nauseam un enregistrement de ses actes. Cette union dans la fureur sanglante permet de mieux diviser nos protagonistes, surtout dans leur rapport avec la sœur d’Otis, Becky, seul rempart doté d’un peu de cœur dans le film.

 

L’audience est de son côté forcée également à voir ces meurtres, comme appuyé à nouveau par une séquence montrant un massacre filmé par nos protagonistes. La passivité obligatoire de ce statut est donc constamment rappelée, poussant le public jusque dans ses retranchements, en quête d’une humanité et d’une empathie qui ne point que pour mieux être enlevée. Le budget réduit du film permet donc à John McNaughton de mieux appuyer cette âpreté jusque dans chaque recoin, avec une mise en scène quasi documentariste par son réalisme, nous laissant encore plus en souffrance une fois l’histoire de ce cauchemar urbain déshumanisé jusqu’au bout clôturée.

 

 

Près de 30 ans après sa sortie dans les salles françaises, « Henry portrait d’un serial killer » n’a pas perdu de sa superbe, de sa brutalité sèche et de sa violence marquante. Cette restauration 4K proposée dans une édition riche par Carlotta s’avère donc une belle occasion pour se prendre une telle baffe de cinéma excessif dans sa dureté comme on peut s’en prendre de moins en moins souvent actuellement. Âmes sensibles s’abstenir donc au vu de la froideur cruelle d’une œuvre qui nous laisse encore groggy un moment après sa découverte…


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