Réalisation : Charles Laughton
Origine : États-Unis
Durée : 93 minutes
Date de sortie : 29 Septembre 1955
Distribution : Robert Mitchum, Shelley Winters, Lilian Gish, Billy Chapin…

Bien… si on me demande quel est mon film préféré, mon top 1 absolu, je répondrais La nuit du chausseur. Si l’on me demandait quel est pour moi le plus grand film de tous les temps, je répondrais La nuit du chasseur.

 

Je vais ici, vous parler d’un chef d’œuvre, absolu, du 7ème art. Un film qui peut sans soucis se tenir à la table des plus grands, tels que Citizen Kane ou Vertigo. Si vous connaissez déjà ce film, vous savez de quoi je parle. Si vous ne le connaissez pas, j’espère vous donner envie de le découvrir. Parce que passer à côté serait criminel, pour vous, comme pour la cinéphilie.

Le calme avant la tempête

C’est difficile, très, de s’attaquer à un monument du cinéma. Donc, c’est peu rassuré que je vais vous présenter La nuit du chasseur, premier et dernier film de l’immense acteur Charles Laughton.

 

Il était une fois…

Dans les années 30, un homme, Ben Harper, est condamné à mort suite au braquage d’une banque. Son compagnon de cellule, Harry Powell, prédicateur itinérant, condamné pour vol de voiture à trente jours de prison, essaie tant bien que mal de lui faire avouer où se trouve le butin, jamais retrouvé. Mais Ben ne cède pas, et Harry finit par être libéré et Ben, exécuté.

Sauf que Harry ne renonce pas. Derrière sa condamnation pour vol, se cache en fait un prédateur de la pire espèce, épousant des veuves pour hériter d’elles, après les avoir assassiné.

Hors, persuadé que Ben a confié son secret à ses jeunes enfants, et sa femme se retrouvant veuve à son tour, Harry décide de se rendre auprès d’elle, de l’épouser, de faire parler les enfants, et de tous les assassiner une fois le « magot » en sa possession.

Grâce à son charme et sa volubilité, Harry ne tarde pas à gagner la confiance de toute la communauté, et à épouser Willa, la veuve de Ben Harper.

Mais le jeune fils de celle-ci, John, n’a aucune confiance dans le prédicateur. Il nie savoir où est l’argent, mais doit constamment surveiller sa petite sœur, bien plus malléable…

Le jeu cruel du chat et de la souris, commence…

En 1953, David Grubb écrit le roman La nuit du chasseur. Le livre passe plutôt inaperçu, jusqu’à ce que, en 1955,  l’acteur Charles Laughton ( L’île du Docteur Moreau, Quasimodo, Le fantôme de Canterville… bref, une filmographie riche et diverse que je vous invite à découvrir) décide de le porter à l’écran. Et autant dire qu’il va sublimer l’œuvre de base, un polar, très bon certes, mais assez convenu dans le traitement.

Très inspiré par le cinéma expressionniste allemand, Laughton base son film sur la dichotomie, sublimé par un noir et blanc majestueux et nous offre surtout une leçon de cinéma.

Si La nuit du chasseur est considéré comme un chef d’œuvre du film noir, il est bien, bien plus que ça. C’est un film noir, certes, mais aussi, un polar, un conte, un road movie, une comédie, un film d’horreur… La mise en scène est un régal, Laughton jouant sur les contrastes, les ombres, les ralentis, parfois grotesques, parfois épiques, toujours iconiques. Tout dans le film sonne juste, la réalisation étant impeccable et servi par un jeu d’acteur fabuleux. Celui-ci se situant toujours entre la mince frontière entre le réalisme et la théâtralisation, sonne de toute façon toujours parfaitement.

Et en cela, le fait d’avoir choisi l’excellentissime Robert Mitchum pour interpréter Harry Powell, n’est qu’une idée géniale de plus dans un film génial.

Robert Mitchum… Mon acteur préféré. L’un des acteurs les plus « cool » de l’histoire. Aussi bien en privé que sur scène et ayant inspiré grand nombre d’acteur après lui. Je vous conseille également de vous pencher sur sa filmographie, vous ne serez pas déçus, je pense. Riche, dense, toujours parfait dans ses rôles, il tient pourtant dans La nuit du chasseur, sa meilleure performance.

« Plus le méchant est réussi, meilleur sera le film ! » disait Alfred Hitchcock.

 

Qui suis-je pour le contredire ? Et que dire alors de La nuit du chasseur ?

Disons le tout net, Harry Powell est certainement l’un des meilleurs antagonistes de fiction. Oubliez Freddy Kruger, Jason Voorhes et Michael Myers… L’ultime croque-mitaine c’est lui. Charmeur, vénéneux, drôle, toujours mis en scène de façon iconique, menaçant, mielleux, veule, lâche, ne s’en prenant qu’un femmes et aux enfants, manipulateur, menteur, misogyne, psychopathe, violent, se cachant sous un masque de respectabilité, puritain… Dois je continuer ? Le personnage est puant et détestable, sublimé cependant par l’interprétation de Robert Mitchum et une mise en scène classieuse. Son apparence pourtant anodine, est transcendée par ses habits de pasteurs et les tatouages Love et Hate qu’il porte sur les phalanges. Que se soit dans sa première apparition à John Harper en ombre portée sur le mur de sa chambre ou quand il déblatère sur le pouvoir du bien sur le mal en se faisant affronter ses mains, quand il poursuit au ralenti ses jeunes victimes dans un escalier, ou quand il pousse la chansonnette, le personnage transpire la classe. Bien des films, divers et variés, lui rendront hommages par la suite, que se soit dans son apparence (Jeepers Creepers) ou dans sa mentalité (Le bossu de notre dame), Harry Powell version Laughtonn’est ni plus ni moins qu’une icône du cinéma.

(Je précise version Laughton, car La nuit du chasseur à eut droit à un remake sous forme de téléfilm en 1991 avec Richard Chamberlain… Je ne vous le conseille pas. Par contre je vous conseille fortement Brimstone de Martin Koolhoven, qui n’est pas un remake stricto sensu, mais un hommage appuyé au chef d’œuvre de Laughton. On y perd en poésie ce qu’on y gagne en violence, mais le film vaut vraiment le coup d’œil.)

Nous avons donc là, un premier film maîtrisé de bout en bout, formidablement joué et mis en scène…

Et pourtant, je vous ai dit que c’était le seul film réalisé par Charles Laughton… On va ici aborder l’une des plus grosses injustices de l’histoire du cinéma.

Si aujourd’hui, La nuit du chasseur n’a plus rien à prouver, se situant dans tous les tops des meilleurs films de tous les temps, à sa sortie, le film, sûrement trop en avance, car quand même très original pour l’époque, c’est fait lynché par la critique et le public, notamment en France dans Les cahiers du cinéma par notre François Truffaut national, qui encore une fois nous prouvait qu’en matière de goût, il n’avait pas le nez creux (il critiquera plus tard Rencontre du troisième type de Spielberg, répétant à qui voulait l’entendre, qu’il regrettait d’avoir tourner dedans… Bien content que Tarantino lui taille des shorts rétroactifs à celui là !).

Cela découragea donc Charles Laughton de se remettre à la réalisation. On pourrait conclure cet article sur cette note un peu négative, en se plaignant que du coup Laughton ne nous aura jamais offert d’autre chef d’œuvres… En soi, c’est vrai, et c’est dommage, mais la question est la suivante : aurait il pu faire mieux ? Ou aussi bien ? Même si, c’est dommage pour lui, que la critique l’ait découragé de poursuivre dans cette voix, il nous à offert un chef d’œuvre. Je répète beaucoup ce terme, mais c’est vrai : La nuit du chasseur en est un. Et dans sa filmographie, en termes de réalisation, Laughton n’a aucun film moyen, passable, ou juste bon. Il n’a qu’un chef d’œuvre.

Un film intemporel, reconnu, admiré…

A mon humble avis, c’est plutôt pas mal comme héritage, et pour l’ensemble de votre œuvre, M. Laughton, je vous remercie.


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