Sortie : 22 septembre 2021, sortie de l’édition physique : 28 février 2022
Durée : 1h44
Genre : Drame , Guerre , Historique
De Jasmila Žbanić
Avec Jasna Đuričić , Izudin Bajrovic , Boris Ler, Johan Heldenbergh, Raymond Thiry 
Musique : Paul M. van Brugge

 

 

Evoquer le traumatisme collectif relève de la plus grande difficulté. Il s’agit de poser un regard qui ne porterait pas atteinte à la force émotionnelle qui s’en dégage afin d’être juste.

Les événements qui se sont déroulés à Srebrenica sont encore inscrit dans l’esprit collectif car les génocides qui ont touchés l’Ex Yougoslavie sont récents et ont eu un impact sur le 21ème siècle.

Dans La Voix d’Aïda de Jasmila Žbanić, il y a un véritable parti pris de cinéma. La cinéaste fait le choix de représenter cette histoire par le prisme d’un personnage, Aïda, femme bosniaque et traductrice pour les forces de l’ONU.

Le film représente l’exode forcé des bosniaques de Srebrenica lors de l’arrivée des troupes serbes menées par Ratko Mladić. Il s’ouvre sur un travelling qui dévoile des visages, une famille, celle d’Aïda et laisse la place à un arbre écrasé par les chenilles des chars, images témoins de l’horreur de ce massacre.  L’armée serbe se sert de chars contre les civils, la disproportion est mise en valeur par la caméra et la barbarie est filmée à partir de ce qu’écrase le char, un arbre, une brouette et des objets.

 

 

La barbarie serbe s’insinue. Mladić, véritable ogre de cinéma, tente de s’humaniser en se faisant passer pour un humaniste qui prétend faciliter l’exode des bosniaques de manière pacifique. Lors d’une grande partie du long métrage, des négociations avec le militaire sont organisées par les soldats de l’ONU afin de régler de la meilleure façon cette situation. Lors d’une scène glaçante de négociations où le mari d’Aïda est utilisé comme représentant de son village, la mise en scène démontre la tension et l’horreur qu’inscrivent les serbes sur les visages de chaque bosniaques et onusien à table. Encore une fois, Mladić est caractérisé comme une créature incontrôlable qui est dénué d’émotions.

 

C’est lors de ce moment que le titre prend tout son sens, la voix d’Aïda est tout d’abord celle qui sert de pont entre les langues afin de permettre la discussion et donc la diplomatie. Dans un deuxième temps c’est celle d’une mère inquiète que l’on n’écoute pas.

Le combat d’Aïda, qui donne lieu à un ensemble de déambulations dans le camp de réfugiés, est avant tout de sauver sa famille. Un sauvetage qui ne se fera pas malgré la présence du personnel de l’ONU qui ne l’aidera pas. Lorsqu’elle se rend compte de la machination organisée par les serbes, qui séparent femmes et hommes lors de l’exode, il est déjà trop tard.

Ainsi, le film impose une terrible séquence d’exécution où les fils et le mari d’Aïda se font exécuter avec les hommes du village. On leur promet un « film », on ouvre les fenêtres de la pièce, on brandit des fusils et c’est ainsi que le groupe est exécuté froidement. A l’image de beaucoup de films qui évoquent des génocides ou des massacres, la violence est hors champ.

A l’instar de Requiem pour un Massacre d’Elem Klimov, on ne rentre pas dans la pièce où a lieu l’acte. Il n’est pas nécessaire d’y être, il suffit de le savoir.

 

La Voix d’Aïda se conclue par un saut dans le temps où la protagoniste est âgée et toujours hantée par ses blessures. Elle retrouve alors les corps de sa famille dans un charnier exhumé lors d’un traveling exceptionnel puisqu’il ne repose pas sur le pathos et cherche les émotions dans la pièce elle-même.

Encore une fois, Žbani oriente son regard vers la justesse de la tragédie afin de rappeler l’importance de cet événement et son impact sur l’être humain, sur le peuple bosniaque. Elle construit donc un film mémoriel qui atteint son apogée lors de cette finalité et ce travelling qui explore le charnier en gardant une distance, celle de l’humain.

 

 

 

L’édition :

 

Le film est sorti chez Condor depuis le 28 février 2022 dans un beau combo Blu-ray/DVD accompagné d’un entretien avec Jasmila Žbanić, d’un entretien avec Guillaume Ancel et d’un bonus uniquement sur le Blu-ray : le documentaire Les Voix de Srebrenica. 


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