Thriller fantastique américain sorti le 15 février 2017 (2h27 min) réalisé par Gore Verbinski

Avec Dane DeHaan, Jason Isaacs, Mia Goth

Accueil mitigé dans les critiques, vu sans réelles attentes, que vaut ce film très stylisé ?

A quoi cette œuvre originale fait-elle référence ?

Entre Gore Verbinski et une très burtonnienne Mia Goth, le cadre est d’emblée planté : ça sera gothique et gore ! Blague à part, le réalisateur n’est pas du tout un inconnu puisqu’il a signé les trois premiers opus de Pirate des Caraïbes. C’est à lui que l’on doit aussi la catastrophe (au moins au box office) Lone Ranger. Ici, changement de style avec un thriller fantastique pour celui qui a créé la grenouille de Budweiser. Véritable encyclopédie du cinéma, le quinquagénaire adore glisser des références dans ce Cure for life.

L’ambiance de cet institut de cure ressemble à celle de Shutter Island dans sa dimension angoisse paranoïaque, même si ici, tout est plus glauque. Le parallélisme peut d’ailleurs s’étendre à l’acteur Dane Dehaan, dont la ressemblance (flatteuse) avec Monsieur Di Caprio dont le rôle rappelle aussi le jeune ambitieux du Loup de Wall Street. Le côté gothique et l’arrivée en train sont-ils un clin d’œil à Dracula ? La scène du dentiste à Orange Mécanique ? La dimension métaphorique où l’aspect formel est particulièrement soigné m’a aussi fait penser au dernier (et très réussi) The Neon Demon.

Et le fond dans tout ça ?

                Là où le chef d’œuvre de Nicolas Winding Refn traitait de l’apparence, nous avons le droit ici à une allégorie de la société de consommation. Le responsable de l’institut, interprété par un Jason Isaacs qui n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour être flippant, symbolise cette système où le travail dicte un rythme impossible, ce qui nécessite le recours éhonté à des soins et à des loisirs. Mais cette société où la modernité est mise en avant comme véritable progrès permet à cet institut de faire croire que la cure est le remède, alors qu’elle en est le poison.

                Avec un tournant fantastique qui fonctionne bien, on découvre ce Baron qui développe les thèses du surhomme de Nietzche et cette notion de race pure si chère à Hitler. Cet être abject veut rester éternel, comme ce système mis en place qui veut perdurer en pompant la cervelle, le corps et la vie de tous ces humains cobayes malgré eux alors qu’ils croient avoir la chance de bénéficier de purs moments de détente. Le salut (avec une fin réussie et cohérente) passera forcément par l’amour et le refus de ce diktat du travail… Favoriser le vélo à la grosse berline : et si nous arrêtions de courir tout le temps tout en nous euthanasiant de loisirs débilisants ?

En quoi la forme est-elle au service du fond ?

                Malgré un rythme plutôt calme, les 2 heures 27 passent rapidement. Le film assume plutôt bien son côté malsain avec des scènes qui font le tour des angoisses classiques : la claustrophobie, la perte des dents, les anguilles, la noyade… On aurait encore pu aller plus loin, mais Verbinsky ne nous sert pas une œuvre lisse, à l’image de cette masturbation étrange pendant que notre héros est en train de mourir ! Peut-on s’échapper de cet institut qui ressemble à une boite de Pandore des phobies ? Si le village voisin ne semble pas très accueillant, n’est-il pas au final ce Paradis éloigné des contraintes du travail et du toujours plus-toujours plus vite ?

Au milieu de tout ça, notre pauvre Lockhart (« cœur enfermé ») tente de dénouer les secrets de ce lieu si intrigant. Est-il lucide ou fou ? Cette paranoïa est sublimée par la caméra qui met en valeur l’enfermement. Jouant sur les plans subjectifs en se plaçant au cœur de l’action, on se retrouve dans la peau du héros à la recherche d’une issue, dans un bâtiment regorgeant de reflets de dupes. Ce jeu de miroirs augmente la possibilité des issues cachés, mais augmente également le ressenti de confinement. La scène dans la cuve m’a prise aux tripes ! On a du mal à discerner le vrai du fantasmé, comme ce personnage principal dont on ne connait même pas le prénom (pour mieux le dépersonnaliser dans un souci d’universalisation ?) et qui semble se perdre dans ce repaire de faux-semblants. L’ambivalence des éléments où l’eau et le feu se révèlent mortels pour le bien comme pour le mal est aussi magnifiquement traitée.

Mais alors, c’est un chef d’œuvre ?

Cette critique est élogieuse : un film qui associe une forme soignée au service d’un fond réfléchi (politique et contemporain ?), ce n’est pas si courant. Et quel plaisir de voir un bon film américain non franchisé ! J’ai trouvé cette réalisation cohérente de bout en bout. L’équilibre entre mystères et révélations est plutôt bien dosé et même si les indices ne sont donnés qu’au compte-goutte (sans mauvais jeu de mots), la fin n’est pas parachutée sans lien avec le reste. Les liens allégoriques permettent aussi de chercher et de donner du sens aux différents éléments divulgués.

C’est d’ailleurs là l’un des points que je n’ai pas résolu : les flashbacks du héros. En quoi servent-ils le propos du film ? Cela reste encore obscur pour moi. La figurine de danseuse représente-t-elle la pureté originelle, l’enfance pas encore corrompue par la société de consommation ? La perte du père symbolise-t-elle le salut chez ce jeune homme qui ne se construit pas comme un mâle primaire devrait le faire : en écrasant les autres dans ce monde de compétitivité ? C’est là l’une des limites du film selon moi : tous les spectateurs ne prendront pas de plaisir à chercher les liens un peu trop capilo-tracté. Sur la forme, les effets quasi permanents et le recours systématique à une lumière ultra retravaillée pourra fatiguer le regard des plus sceptiques.

Pour conclure, un film qui ne plaira pas à tout le monde mais que j’ai particulièrement aimé pour sa cohérence entre le fond et la forme !

 


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Nicolas, 37 ans, du Nord de la France. Professeur des écoles. Je suis un cinéphile éclectique qui peut alterner entre blockbusters, films d’auteur, films français, américains, petits films étrangers, classiques du cinéma. J’aime quand les films ont de la matière : matière à discussion, à interprétation, à observation, à réflexion… Quelques films que j’adore pour cerner un peu mes goûts : Matrix, Mommy, Timbuktu, la Cité de la Peur, Mission Cléopâtre, Ennemy, Seven, Fight Club, Usual Suspect, Truman Show, Demain, Big fish, La Haine, La Vie est belle, Django, Rubber, Shutter Island...

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