Sortie : 3 avril 1991,édition physique: 22  septembre 2021
Durée : 2h23
Genre : Drame
De Claude Chabrol
Avec Isabelle Huppert, Jean-François Balmer, Christophe Malavoy, Jean Yanne, Lucas Belvaux
Musique : Matthieu Chabrol

 

 

Au XIXe siècle, fille d’un paysan normand, Emma Bovary a été élevée dans un couvent élégant avant d’épouser un officier de santé. Nourrie de lectures romanesques, elle aspire à des amours romantiques et une vie de luxe que ne lui apportent ni son mari ni la bourgeoisie terne et pontifiante de la ville. Elle devient la maîtresse d’un hobereau local qui l’abandonne, puis d’un clerc de notaire, ainsi que la proie d’un marchand d’étoffes sans scrupules.

 

 

 

L’avis de Nicolas : 

 

L’adaptation du roman monde de Gustave Flaubert par Claude Chabrol semblait être une évidence tant le texte s’accordait si bien avec les obsessions du cinéaste.

Nous le savons, Claude Chabrol est un pur cinéaste de la cruauté qui prend un plaisir fou à dépeindre la gangrène qui touche le cercle bourgeois bien établi.

Donc, le malheur d’Emma Bovary ne pouvait qu’être un terrain conquis pour Chabrol.

 

 

 

 

Le premier constat qui peut être fait face à Madame Bovary est le génie qui découle des choix de casting. Isabelle Huppert est forcément un choix de génie pour jouer cette femme qui s’ennuie et rêve d’une amourette de conte oublié. Il est clair qu’Huppert retranscrit parfaitement cette sensation d’un personnage prisonnier d’une ronde infernale, celle de l’ennui.

De plus, le cynisme si particulier d’Isabelle Huppert ajoute une autre dimension au personnage d’Emma et la rend moins passive et plus forte.

 

 

Jean-François Balmer est également un très bon choix qui correspond quasi parfaitement à la représentation que l’on peut se faire du pauvre Charles Bovary. Son incarnation du personnage est très réussie puisqu’elle permet de comprendre très vite les limites du personnage et surtout ses faiblesses.

 

La mise en scène de Chabrol est toujours aussi exemplaire statique et pourtant si signifiante. Elle multiplie les jeux sur les contrastes colorimétriques pour afficher les émotions de ses personnages. La maison de Charles est souvent représentée avec des couleurs froides et ternes alors que la séquence du bal s’articule plutôt autour de couleurs lumineuses qui représentent une véritable épiphanie pour Emma.

 

Mais, Madame Bovary est très loin d’être le film le plus réussi de Chabrol à mes yeux. Le cinéaste semble se perdre dans une approche purement illustrative et trop littéraire du roman de Flaubert pour que le film puisse décoller et m’agripper dans le tourbillon infernal de l’ennui bourgeois.

Le seul ennui ressenti est externe au film et plombe la mise en scène pourtant si passionnante du cinéaste.

 

Malgré tout, Madame Bovary est un film qui possède des moments qui passionnent et sidère. Ce n’est pas une réussite mais ce n’est pas non plus un gâchis. Chabrol est certainement prisonnier du livre mais ça ne l’empêche d’aller parfois plus loin afin de construire des séquences très belles et émouvantes.

 

 

La voix off qui clôt le film aurait pu être évitée puisqu’elle diminue l’intensité dramatique de la fameuse conclusion du livre. C’est un pur moment illustratif qui s’avère agaçant malgré la part de fatalité qu’il ajoute.

Le film est ressorti en physique dans une magnifique version restaurée le 22 septembre 2021 chez Carlotta. Le film est accompagné d’une présentation du film par Joël Magny, d’un commentaire de Claude Chabrol et de « Claude Chabrol explique cinq scènes du film ».

Madame Bovary est une adaptation bancale et limitée de l’œuvre de Flaubert mais elle possède de véritables moments de cinéma qui n’appartiennent qu’à Chabrol et c’est déjà une très bonne chose en soit !

 

L’avis de Liam : 

 

La ressortie de plusieurs films de Claude Chabrol chez Carlotta nous permet de poser quelques mots sur son « Madame Bovary », adaptation du fameux roman de Gustave Flaubert avec Isabelle Huppert dans le rôle-titre. Son interprétation, alternant entre attitude assez maniérée et impulsivité, est ainsi à l’image même du long-métrage entier, ce qui devrait irriter les éternels détracteurs du cinéma français. Pourtant, l’aspect figé d’apparence de l’ensemble sied plutôt bien à la narration.

 

Ainsi, Emma Bovary se retrouve coincée dans une existence loin de ses aspirations, ce que Claude Chabrol filme d’abord avec un certain romantisme avant que la dureté quasiment naturaliste de l’intrigue prenne le dessus. L’insatisfaction au cœur du récit pousse à une destruction, résultant de cette quête aussi vaine que désespérée d’un épanouissement qui ne semble guère se trouver dans les relations amoureuses. Cette histoire de frustration conserve donc une certaine modernité, en particulier quand Emma se réfugie dans un consumérisme qui ne fera qu’appuyer sa chute.

 

 

C’est donc par moments que ressort une certaine forme de sensibilité, dans cet espoir quasi permanent mais toujours éloigné de bonheur. Chabrol attaque donc avec une agressivité maniérée cette illusion qui ne fait qu’augmenter encore plus notre malheur, au gré d’une réalisation soignée et d’un casting solide. Encore une fois, Isabelle Huppert donne le ton par son interprétation sur le film entier, offrant donc un équilibre émotionnel passionnant mais proche du nihilisme par sa froideur de façade.

 

 

« Madame Bovary » se distingue donc par ses nuances subtiles dans ses apparences classicistes pour mieux dépeindre l’impossibilité de tout un chacun d’accomplir une existence telle qu’on l’espère. Le bonheur est présent mais bien trop éloigné, ne laissant au final la place qu’à un abattement déchirant. Cette ressortie dans une édition toujours aussi soignée chez Carlotta (à l’image de la direction artistique du film) permet donc de mieux en apprécier sa tristesse permanente, 30 ans après sa sortie.

 


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