Mon Roi couple

Sortie: 21 octobre  2015

Durée: 1h55

Genre: Drame

Réalisé par Maiwenn

Avec Vincent Cassel, Louis Garrel et Emmanuelle Bercot

Nationalité: Française

Musique : Stephen Warbeck

 

 

 

 

 

Les vicissitudes de l’amour

 

Maiwenn est, depuis quelques années maintenant, une figure incontournable du cinéma d’auteur français. Après le film coup de poing que fut Polisse, montrant un autre visage de la police française, ne résumant pas cette dernière à des inspecteurs plongés au coeur d’enquêtes sordides ou à des agents de la Brigade Anti-Criminelle devant jouer avec les codes de la rue pour servir la république et maintenir l’ordre, elle avait su faire un portrait plus humain de cette institution, montrant que elle est aussi purement et simplement composée d’hommes et de femmes occupant une fonction publique et essayant de faire du mieux que possible, avec des moyens plus que limités, pour aider les gens. Avec Mon Roi, elle se déleste de  l’univers singulier que pouvait être celui de la Brigade de protection des mineurs, pour continuer d’aborder de front le vrai du cœur humain, à travers la décennie passionnelle et toxique d’un couple. Ici il n’est pas question de grands évènements, il n’y a pas de crimes ou de situations exceptionnelles à traverser telle qu’une maladie. Non, nous suivons tout simplement le quotidien et l’évolution de cette relation destructrice entre Marie-Antoinette et Georgio, nous amenant à nous demander pourquoi se sont-ils aimés ?  Comment s’est-elle retrouvée piégée par cette passion étouffante ? Comment est-il passé du prince charmant idéal à ce monstre d’égoïsme ? De par sa structure narrative reposant sur une double temporalité, en nous faisant suivre d’un coté les dix ans de leur relation, de l’autre la rééducation de  Marie-Antoinette suite à un accident lui ayant endommagé le genoux, Mon Roi prend la forme d’une analogie intéressante sur la reconstruction physique et mentale d’un individu lessivé par une histoire d’amour déchirante. Il est ici question de nous servir des moments de vérités de la vie de tous les jours, afin de montrer comment l’amour nait, s’effrite et finit par se dissoudre.

Mon Roi des débuts magiques

Une des choses qui ressort de Mon Roi et le rend particulièrement agréable est que Maiwenn n’a pas dressé de portraits manichéens. Marie-Antoinette est belle, charismatique, intelligente, drôle  et performe dans son métier d’avocat, l’éloignant de l’archétype de la femme dominée. Emmanuelle Bercot craignait justement que son personnage passe pour une idiote dont le spectateur ne pourrait pas comprendre son entêtement à rester avec cet homme. Fort heureusement, la plume de la réalisatrice et la symbiose entre les deux acteurs principaux permettent d’éviter totalement cet écueil. Georgio n’est pas un bourreau qui prend plaisir à détruire la vie de sa femme,  il est juste totalement inconscient et finit, au fur et à mesure des années, par se révéler être tristement narcissique et égoïste. Soyons d’accord, très rapidement dans le film on comprend que il n’est en rien l’homme idéal. Nous découvrons très vite qu’il est profondément égoïste et atteint du syndrome de Peter Pan. Pour Georgio la vie n’est pas envisageable sans les copains et sans se mettre régulièrement la tête à l’envers. Il ne conçoit également pas que les prises de têtes fassent partie du quotidien d’un couple, préférant fuir pour être présent, comme il le dit lui même, uniquement pour les bons moments. Toutefois, le film le fait de façon intelligente car la réalisatrice ne charge jamais le comportement de cet homme, évitant ainsi tout pathos et moment mélodramatique. Il est tour à tour séducteur, amoureux sincère et homme immature dépassé par sa condition de père de famille. Vincent Cassel livre une performance exceptionnelle, comme très souvent. Il nous présente durant ces deux heures de films un homme magnétique, emportant tout dans son passage, avant d’offrir une part plus sombre et incontrôlée de son personnage. Emmanuelle Bercot n’est pas en reste, proposant une prestation à la hauteur de son partenaire dans son interprétation de cette femme douce à la personnalité discrète, permettant ainsi au film de peindre un couple qui semble équilibré au premier regard. L’autre grande idée du film est de nous faire suivre la majeure partie du déroulé de cette relation par le point de vue de Solal, le frère de Marie-Antoinette, interprété par un convainquant Louis Garrel. Il permet de mettre rapidement le doigt sur ce déséquilibre et assiste impuissant, comme le spectateur, aux efforts des protagonistes pour le nier. Ils s’aiment et se déchirent, se font mutuellement du mal et épuisent ceux qui les entourent, entrainés dans cette ronde infernale et incessante.

Mon Roi cercle incessant

Avec Mon Roi, Maiwenn montre une nouvelle fois son talent en temps qu’auteur. Elle montre surtout qu’elle a compris ce qui fait une relation entre deux individus. Les rires, les pleures, toutes ces tranches de vie qu’elle nous sert ici avec talent sont d’une authenticité rare. Les moments de bonheur qu’ils partagent sont divins et euphorisants, ce qui permet de créer un contraste saisissant avec l’indifférence et la distance qui finit par se créer entre les deux personnages. Pourtant, l’entreprise du film  n’est pas de nous montrer la disparition pure et simple de l’amour. Georgio reste, jusqu’au bout, présent dans les moindres moments de la vie de Marie-Antoinette. À bien des égards, Georgio ressemble finalement a beaucoup d’homme. Beaucoup trouvent que le personnage est un pervers narcissique, la réalité est bien plus complexe que cela. Un pervers narcissique est un homme qui prend plaisir à prendre des femmes sous sa coupe pour les détruire et flatter son ego. Geogio n’est rien de tout cela. Comme beaucoup d’hommes de notre génération il est simplement lâche et immature. Il veut l’étiquette du couple parfait et, plus tard, de la famille parfaite mais il ne veut pas assumer les inconvénients du rôle de mari et de père. Georgio est un menteur, il est roublard, mais il aime véritablement le personnage de Marie-Antoinette. Georgio règne sur les gens qui l’entourent. C’est son inconscience pour certaines choses qui le font mal agir, comme un roi qui se croit être omniscient mais qui fait finalement beaucoup d’erreurs. Les deux personnages sont autant dépendants l’un que l’autre. Ils ne se lâchent jamais vraiment comme en témoigne la dernière scène du film, ouverte, mais symbolique de cet impossible séparation complète. Vivre sans Georgio est vitale, mais vivre sans l’aimer, c’est plus discutable. Pouvons nous vraiment tourner la page d’une relation de plus de dix ans ? En particulier quand un enfant est né de cette union ? J’imagine que chacun interprétera Mon Roi et sa fin en fonction de son vécu. Certains y verront une forme d’amour éternelle, d’autre y verront un dernier regard tendre, le genre que l’on adresse à un enfant capricieux qui a fini par se retrouver sans rien. Bien que la majorité de leur relation soit composée de moments conflictuels et de désillusions, Maïwenn surprend en distillant de l’amour dans chaque scène, même quand il est inattendu et que nos deux personnages sont plongés au milieu d’une dispute. Quoi de plus réaliste qu’une tentative d’humour pour arracher un sourire à celle  qu’on aime pour essayer d’éteindre le conflit ? Par ce biais elle montre à quel point le roi que s’est construit Marie-Antoinette l’envahit toute entière, rendant son affranchissement encore plus magnifique et admirable. Nous mettons souvent fin à une relation pour les mêmes raisons que nous l’avons commencé car notre regard a changé. Marie-Antoinette a vieilli, elle est devenue une femme que Georgio ne peut en en aucun cas rendre heureuse malgré une forme de sincérité évidente.

Sourires arrachés

Evidemment, Mon Roi n’est pas parfait et Maiwenn oublie parfois sa subtilité au placard, en atteste une discussion d’une débilité affligeante Marie-Antoinette et son kiné au début du film ainsi que la fameuse scène du repas entre amis dans le dernier tiers du film qui peut être profondément gênante à regarder même si j’entends que certains diront que c’était le but rechercher. Malheureusement je trouve l’exercice d’équilibre raté lors de ce moment précis, venant contraster avec la maitrise du reste du film. Ces petits moments d’errances empêchent le film de se hisser au rang d’incontournable du cinéma français et de trôner fièrement aux cotés d’oeuvres telles que Nous ne vieillirons pas ensemble de Maurice Pialat. Toutefois, nous avons ici un bien bel objet filmique, porté par une réalisatrice talentueuse qui arrive à filmer au plus près les émotions de ses personnages, offrant à la fois une magnifique descente aux enfers et une sublime renaissance. Georgio est incapable de sauver celle qu’il aime, incapable de l’aider comme le devrait un partenaire de vie. Il est incapable de changer pour elle, incapable d’être là comme il faut et quand il le faut.  Malgré tout cela, Marie-Antoinette continue de l’aimer,  bien qu’elle reconnait elle même ne pas ou ne plus le connaître.  Elle ne sait plus pourquoi, mais elle l’aime démesurément. Maïwenn a su parfaitement imager le fait que l’amour est aussi doux que violent, qu’il est fort et destructeur. En dépit de sa longueur et de l’aspect cyclique de leur relation faite d’amour, de séparations et de retrouvailles, on ne s’ennuie à aucun moment. De Mon Roi ressort une vérité brutale, une authenticité telle qu’on en voit peu dans ce genre d’histoires qui tournent très souvent en soupes mélodramatiques. Plus que cette vérité brute, nous nous retrouvons face à un constat terrible de l’amour : Le détachement est impossible.

 


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