Date de sortie française : 14 novembre 2018

De Amanda Kernell

Avec Lenne Cecilia Sparrok, Hanna Alström, Anders Berg

Genre : Drame

Nationalité : Suédois, Norvégien, Danois

Musique : Kristian Eidnes Andersen 

 

Synopsis : Elle, 14 ans, est jeune fille d’origine Sâmi. Elève en internat, exposée au racisme des années 30 et à l’humiliation des évaluations ethniques, elle commence à rêver d’une autre vie. Pour s’émanciper et affirmer ce qu’elle souhaite devenir, elle n’a d’autres choix que rompre tous les liens avec sa famille et sa culture.

 

 

Un premier film original 

Sami, Une jeunesse en Laponie, est le premier long-métrage de la réalisatrice suédoise Amanda Kernell. Celui-ci fait suite à sa précédente réalisation, un court-métrage portant sur le même sujet : le peuple et la culture same, la difficulté de se distancer de ses racines, tout en y conservant un attachement.

Le métrage permet en effet de lever quelque peu le voile sur l’histoire du peuple same (appelés à tort lapons (mot provenant de l’ancien suédois et signifiant « porteur de aillons »)) qui se réparti entre le nord de l’Europe entre la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie.
Le film, sorti en 2016 en Suède, a été auréolé de plusieurs récompenses depuis : notamment le Lux Prize, le Dragon Award Best Nordic Film au festival du film de Gotebörg, le Human Value Award au festival international du film de Thessalonique, le deuxième prix et le prix de la meilleure actrice au festival du film international de Tokyo et l’Europa Cinema Label à la Mostra de Venise, en 2017.

Une histoire sous forme de flash-back

Le film débute en nous présentant Cristina, dame suédoise âgée, qui refuse de se rendre à l’enterrement de sa sœur en terre same, elle-même ayant rejeté son passé. Son fils parvient toutefois à l’en convaincre et s’ensuit un flash-back de la jeunesse de Cristina, dont le nom était, à cette époque, Elle Marja.

Le spectateur se voit donc projeté dans les années 1930 et constate le racisme dont font preuve les Suédois à l’égard des Samis : envoi en internat et cours « adaptés » (il serait impensable de dispenser les mêmes leçons aux petits suédois), évaluations ethniques (mesures et prises de poids humiliantes), insultes et rabaissements à répétition. Les Suédois les percevaient en effet comme « inférieurs » et  les persécutaient ou les étudiaient comme s’ils étaient des animaux.

(Sur)Vivant dans cette époque à l’ambiance peu agréable, Elle Marja choisira de se surpasser dans ses études, se détachant peu à peu de ses amis et de sa famille, rêvant d’une meilleure vie qui, selon elle, ne peut devenir réelle qu’en étant suédoise. A l’opposé, sa sœur ainsi que les autres élèves samis, ne souhaiteront en aucun cas se rapprocher de la « vraie » culture suédoise qui les fait tant souffrir. Ainsi, face au refus de sa professeure de l’aider et à l’incapacité de ses proches de comprendre son mal-être, Elle-Marja ne pourra compter que sur elle-même et aura bien du mal à prendre et à concrétiser sa décision : partir pour Uppsala pour vivre une meilleure vie.

Un « coming of age » différent

Elle y parviendra toutefois et devra surmonter bien d’autres épreuves, ce n’est là que le début de son « voyage ». Comment faire dans une ville inconnue, sans amis ni famille, lorsque l’on est déjà jugé de haut et rejeté systématiquement ? Et c’est là que réside l’essentiel du film qui, au-delà de présenter un pan peu connu de l’Histoire, est une variation du « coming of age » ou du « teen movie », avec ses difficultés, ses découvertes, ses joies et ses déconvenues habituelles… tout en les plaçant dans un contexte historique différent de ceux auxquels ces genres nous ont habitués.

En effet, on peut à ce sujet s’interroger sur le titre français du film, qui ajoute « Une jeunesse en Laponie », alors que d’une part, tout comme « lapon », « laponie » a une consonance péjorative et d’autre part la jeunesse de Cristina ne se déroule pas uniquement en Laponie. Le titre original signifie littéralement « sang sami » et semble plus adéquat. Car, si la « culture » sami a en effet une importance prépondérante tout au long du film, la Laponie en elle-même n’en est pas l’unité de lieu principale.

 

Une volonté de véracité

Si le film vaut davantage pour son histoire que pour ses réalisations techniques, il n’en est pas moins très beau à regarder, avec notamment une manière de présenter les personnages les uns par rapport aux autres qui permet de comprendre leurs liens ou les rapports qu’ils entretiennent (tacitement ou pas), ou encore les émotions qu’ils ressentent.

Par ailleurs, l’histoire semble particulièrement vraie. Et, en effet, au-delà se baser sur une vraie partie de l’Histoire, la réalisatrice, elle-même d’origine same fait savoir que certains de ses parents ont souhaité rejeter leurs origines. Les actrices et acteurs ne sont pas des professionnel(le)s, ce sont des Samis dont l’activité habituelle principale est l’élevage de rennes. Ils et elles ont été choisi(e)s dans le but de « coller » au maximum avec la réalité. Cristina et sa sœur sont d’ailleurs sœurs dans la vie réelle également : Lene Cecilia Sparrok et Mia Erikia Sparrok.

 

Entre film « historique », drame, coming of age/teen movie, avec une réalisation soignée, de beaux visuels et l’originalité de son sujet, Sami Une Jeunesse en Laponie est un film qui mérite réellement d’être vu et dont il faudrait davantage parler. On regrettera toutefois une fin assez expéditive qui manque quelque peu de détails concernant la vie adulte de Cristina.


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