Sempiternelles questions… « Alors, tu as aimé le film ? », « Est-ce qu’il est bien ? », « Lequel préfères-tu ? » Entre ceux qui prônent une subjectivité intégrale (« les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas ! ») et les dictateurs du beau (« objectivement, j’ai raison »), n’y a-t-il pas des réflexions plus nuances et abouties ? Telles étaient mes attentes en lisant « La valeur d’un film, philosophie du beau au cinéma » d’Eric Dufour, édité chez Armand Colin. Je vous propose d’ouvrir le débat en dressant rapidement ce que j’ai retenu et interprété de cet ouvrage.

De base, deux grandes conceptions du cinéma peuvent s’opposer : ceux qui sont davantage centrés sur la réalité, comme si on associait le cinéma au théâtre, et ceux relevant de l’héritage de Méliès davantage basés sur les effets spéciaux, c’est-à-dire tout ce que le cinéma peut se permettre et que le théâtre ne peut pas. On peut également opposer la conception où la réalisation priorise la narration, c’est-à-dire l’enchainement cohérent des différents éléments d’une intrigue qui se déroule sous nos yeux et la conception davantage formaliste où chaque plan ne prend véritablement sens qu’en rapport avec l’ensemble. Certains d’entre nous ont déjà une sensibilité plus développée pour tel ou tel type de film, même si évidemment, rien n’est manichéen et la plupart des films croisent ces différentes conceptions.

On peut également s’interroger sur la dimension sociale et politique d’un film. Certains festivals mettent régulièrement en avant ces œuvres qui ont la volonté de faire progresser les mentalités sur le triptyque classique : la classe sociale, l’origine ethnique et le genre. On reproche parfois à des films comme Moonlight, La Vie d’Adèle ou Moi Daniel Blake de surfer sur la bien-pensance au détriment de la qualité technique ou du plaisir procudré. D’autres mettront en avant l’utilité de ces films, avançant que la culture permet de faire bouger les lignes et ouvrir les esprits étriqués. Mais puisque l’on parle de remise de prix, fatalement rejaillit l’épineuse question : peut-on objectivement définir un bon (un beau ?) film ?

Certains analystes de cinéma ont tenté de catégoriser les films : les westerns, les films à suspense, les films de braquage, etc… Pour mieux hiérarchiser ? Peut-on dire qu’un film d’arts et essais est meilleur qu’un blockbuster ? Selon quels critères ? Un meilleur montage, un meilleur cadrage, une meilleure photographie ? On peut aussi entreprendre cette démarche pour classer des films d’une même catégorie en réfléchissant par exemple sur les critères d’un bon thriller en huis-clos. Mais non seulement ces critères seraient eux aussi subjectifs, mais de surcroit, il est difficile de ranger de nombreux films dans une seule catégorie.

Les plus pragmatiques se réfugieront dans la notion de plaisir. C’est là que certaines problématiques me semblent vraiment intéressantes. Quand on dit aimer un film, aime-t-on tout du film ? Qu’est-ce qui fait pencher la balance du côté du « bon » ou du « mauvais ? » Aura-t-on le même ressenti sur un film à n’importe quel moment de sa vie, quelque soit le contexte de visionnage ? Si l’on voit plusieurs fois un même film, aura-t-on toujours le même avis ? Ces nombreuses questions illustrent bien toute la subjectivité et la relativité des ressentis. Finalement, ces sensations ne sont-elles pas davantage la matérialisation de son propre intérieur, reléguant le film au rang de médium permettant de faire émerger son propre soi ? Un film nous émeut parce que nous sommes vulnérables émotionnellement à cet instant, et plus particulièrement sur ce type de sujet ?

Fort logiquement, on en arrive à une autre donnée qui me semble importante : les attentes. Quand on choisit de visionner un film, il y a (ou non d’ailleurs) un ensemble d’attentes. On adore l’acteur principal et on va donc mettre le focus sur sa prestation. Nous sommes fans de scènes d’action et nous serons particulièrement friands à ces moments. Nous avons besoin d’un grand moment de détente décébrée nous allons juger le film sur le plaisir jouissif qu’il nous procurera, fut-ce t’il rétrograde. Nous nous embourgeoisons et nous serons particulièrement réceptifs à ce film ouzbèke en VO non sous-titré ou à ce vieux classique des années 50 qui a été depuis 4 fois rebooté. Nous entrons dans une phase où les enfants prennent une part importante dans le quotidien et nous serons en recherche de vrais films familiaux pouvant plaire aux petits comme aux grands. Un bon film sera alors celui qui aura comblé nos attentes, même si certains veulent avant tout être surpris.

Ces attentes renvoient également à la position sociale renvoyée par l’avis que nous manifestons et l’appartenance à un groupe que cette sentence entraine. Trouver la dernière Palme d’or magnifique vous place directement dans le clan des cinéphiles avertis et distingués. Adorer Cinquante nuances de Grey vous permet de faire partie des branchés à la sexualité débridée et assumée. Suivre minutieusement l’intégralité de l’Univers Marvel permet de tisser des liens sociaux auprès des nombreux fanas de la culture pop. Tous ces enjeux ont leur importance (consciente ou inconsciente) au moment de lever le pouce ou de le baisser.

En dernière partie, on peut s’interroger sur l’usage d’un film, notion qui va prendre deux formes. Tout d’abord, que nous fait le film ? Est-ce qu’un bon film, ce n’est pas un film qui nous donne de l’espoir, qui ravive notre joie de vivre, qui ouvre notre esprit, qui nous permet de comprendre pourquoi telle ou telle situation personnelle s’est déroulée ainsi ? La deuxième piste de l’usage d’un film, c’est de se demander ce que l’on fait du film. Comment allons-nous utiliser ce film sur le court,  le moyen, le long terme ? Il y a des films qui font du bien sur le moment, et que l’on oublie presque instantanément. Et il y a des films qui marquent toute une vie… N’est-ce pas ça finalement la définition d’un bon film ?

Vous l’aurez compris, philosophie oblige, on ne peut pas répondre de manière catégorique à cette question. C’est d’ailleurs tout ce qui fait la richesse du débat… N’hésitez pas à lire l’ouvrage référencé au début de cet article : vous pourrez approfondir ce sujet si vaste !


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Nicolas, 37 ans, du Nord de la France. Professeur des écoles. Je suis un cinéphile éclectique qui peut alterner entre blockbusters, films d’auteur, films français, américains, petits films étrangers, classiques du cinéma. J’aime quand les films ont de la matière : matière à discussion, à interprétation, à observation, à réflexion… Quelques films que j’adore pour cerner un peu mes goûts : Matrix, Mommy, Timbuktu, la Cité de la Peur, Mission Cléopâtre, Ennemy, Seven, Fight Club, Usual Suspect, Truman Show, Demain, Big fish, La Haine, La Vie est belle, Django, Rubber, Shutter Island...

1 COMMENTAIRE

  1. Un très bon article, je suis d’accord avec ce qui est dit, aimer un film ou ne pas l’aimer c’est subjectif, ça dépend si ça comble nos attentes, moi je ne suis pas exigeante dans mes attentes mais dans les genres des films, je ne suis pas fan des films fantastiques je les aime sans plus alors que mes amies adorent ça, je ne suis pas fan des films de super héros je les évite et je ne suis pas fan de DC et marvel et je n’aime pas trop les films d’horreur aussi. J’ai déjà parlé à des gens qui adorent les séries comme moi et elles ne sont pas contentes des fins contrairement à moi et elles arrêtent la série sans voir la fin je trouve ça bête mais chacun fait ce qu’il veut, c’est pourquoi j’entends toujours de leur part « la fin est bâclé » alors que je ne trouve pas

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