Depuis les origines du Cinématographe, le placement de produits existe. Les frères Lumière eux-même y ont eu recours puisque le fameux film La sortie d’une usine Lumière sorti en 1895 peut être considéré comme étant une publicité pour l’entreprise Lumière. Avec l’importance grandissante du cinéma au cœur de la culture populaire, il est donc logique que de nombreuses marques tentent de profiter du phénomène. Les placements de produits visent, dans ce contexte, à améliorer l’avis de la population sur l’entreprise. La présence d’une marque ou d’un produit à l’écran a pour but une meilleure image de marque. 

 

Qu’est-ce qu’un placement de produits au cinéma?

Ce peut être la présence rémunérée d’un produit ou d’une marque à l’écran mais ce peut aussi être un simple prêt afin de satisfaire des besoins liés au tournage ou au scénario. Ce prêt peut par exemple être une voiture. Dans les deux cas, cette pratique provient d’un accord entre la production du film et les annonceurs, généralement par l’intermédiaire d’une agence de publicité. De plus, si l’on en croit Joël Brée, professeur à l’Ecole Supérieure des Sciences Commerciales d’Angers, le placement ne représente qu’un faible coût pour les annonceurs alors qu’il possède un retour important sur l’investissement, notamment en terme d’image de marque. Toutefois, il peut aussi recouvrir la figuration de décors réelles (villes, régions,…). Ce procédé a pour but de renforcer le tourisme dans le territoire présenté. En effet, depuis quelques années se démocratise le tourisme cinématographique, qui consiste à visiter des lieux de tournages. Cela a pour conséquence une forte augmentation touristique dans certaines régions.

Le placement de produits existe ainsi depuis les origines du Cinématographe en tant que méthode visant à tirer avantage du moment privilégié où le placement est vu. En effet, lors du visionnage d’un film, l’attention du spectateur est considérée comme étant privilégiée car la présence de marques et de produits n’est pas assimilée à une démarche promotionnelle ou publicitaire. Leur présence semble logique: il y a des marques dans la vie, alors il y a des marques dans les films. Le spectateur ne conçoit alors pas l’apparition de la marque ou du produit comme étant un procédé mercantile. Le placement de produits est d’ailleurs plus efficace lorsqu’il n’est pas identifié en tant que tel. Ce procédé est longtemps resté inconnu du grand public, ne le considérant pas comme une contribution au financement des films. Il a été remarqué uniquement vers les années 2000, lorsque les médias ont commencé à en parler et lorsque les partenaires étaient explicitement inscrits au générique du film. Auparavant, le placement de produits était relativement mal vu (mais pas complètement délaissé non plus, pas d’inquiétudes, il était juste moins courant) puisque certaines marques refusaient un contrat uniquement par principe: c’est comme ça que M&M’S a refusé un placement de produit dans E.T., un très mauvais choix de la part de la marque. Cette situation a donc changé, puisque depuis une quinzaine d’années, le placement occupe une place de plus en plus importante dans l’économie du cinéma. Ainsi, la stratégie commerciale des marques est de plus en plus tournée vers le cinéma, de plus en plus de films sont aptes à accueillir des placements et de nombreuses agences spécialisées sont créées.

De plus, ce procédé peut revêtir plusieurs formes. En effet, selon Jean-Marc Lehu (écrivain du livre La marque est dans le Film et enseignant à la Sorbonne), nous pouvons remarquer quatre types de placements de produits: classique, institutionnel, évocateur et furtif. Le premier consiste simplement à faire apparaître le produit ou la marque à l’écran. Le deuxième à montrer la marque mais pas le produit, comme par exemple en montrant la façade d’un magasin ou un panneau publicitaire. Le placement évocateur montre uniquement le produit sans évoquer la marque, il est principalement utilisé pour des produits au design facilement reconnaissable. Le dernier type, furtif, est indétectable: ils font uniquement l’objet d’une mention au générique, comme c’est souvent le cas pour les costumes de marque utilisés par les acteurs. Cependant, il existe une exception à la règle. Si, pour un besoin particulier souvent lié au scénario, le réalisateur décide de faire apparaître le produit ou la marque sans avoir eu d’accord avec ladite marque, la présence à l’écran n’est donc ni contractualisée ni rémunérée. On parle alors d’inclusions de marques ou de produits filmiques. Ces inclusions sont appelées insertions publicitaires filmiques.

 

Quels sont les intérêts des réalisateurs à faire des placements de produits?

Les réalisateurs favorables aux placements de produits citent principalement trois raisons: la réduction budgétaire, la bonne intégration d’un produit à une scène et enfin l’apport de réalisme au film. En effet, nous pouvons constater que pour certains réalisateurs, le placement est perçu comme une publicité qui rapporte de l’argent ou du moins limite les coûts de production. Que ce soit un apport financier direct ou un prêt de matériel, les réalisateurs précisent que ce procédé simplifie les démarches liées au tournage. Il est finalement plus simple de conclure un partenariat avec une marque automobile plutôt que d’essayer de réunir les fonds nécessaires à l’achat de cette dernière. De plus, tenter de fabriquer un produit vraisemblable est finalement plus compliqué, plus long et plus cher.

Toutefois, certains réalisateurs et acteurs s’opposent au placement de produits. En effet, que ce soit Manoel de Oliveira, un réalisateur portugais, qui dit en 1933 «Il est nécessaire d’arracher l’industrie du cinéma des griffes néfastes du capitalisme» ou encore Michel Creton, un acteur français, qui déclare en 1997 «Selon un préjugé tenace, logique d’auteur et logique de marché seraient nécessairement inconciliables», il est indéniable qu’une résistance perdure face à ce type de procédés. Selon eux deux, la présence de marques et de produits à l’écran n’est pas acceptée. En effet, ces quelques opposants au capitalisme filmique dénoncent une soumission aux marques lorsque les réalisateurs et les producteurs décident d’insérer des produits et des marques dans leur diégèse.

En effet, la diégèse, c’est-à-dire l’univers propre au film, peut-elle être propice aux placements de produits? Pour certains réalisateurs, la diégèse est par définition une fiction et donc aucune marque dite «réelle» ne peut se présenter à l’écran. Pour d’autres, la marque sert à rendre le film plus plausible. De plus, faire apparaître une marque dans un film devient un acte de plus en plus naturel étant donné que la plupart des films sont des histoires contemporaines. Il est vrai que le réalisme filmique est renforcé lorsque le réalisateur crée un univers semblable à notre quotidien: les mêmes marques de voitures, de téléphones, etc… Cette amélioration du réalisme filmique est souvent mise en avant par les agences de publicité afin de valoriser l’utilisation de leurs produits. Cependant, un réalisateur ne peut pas réussir à obtenir un accord avec toutes les marques présentent dans le film. Qu’elles soient de manière visuelle (on voit le produit ou la marque), sonore (la marque est citée dans un dialogue, par exemple « On va à la Fnac? » ou encore « Chéri, tu peux me passer les clés de la Twingo? ») ou encore audiovisuelle (la marque est citée et présente à l’écran), les marques sont inscrites dans notre vie. En effet, il est difficile pour un réalisateur de tourner une scène dans un supermarché, par exemple, sans que l’enseigne soit reconnue ou sans faire apparaître de marques à l’écran. Dans le cas où le réalisateur souhaite faire apparaître une marque dans son film, deux possibilités s’offrent à lui: la première possibilité est d’en parler avec la production qui tentera de rentabiliser la présence de la marque à l’image. Toutefois, il est rare que la marque conclue un accord avec la production car elle n’a pas besoin de payer pour voir son produit apparaître à l’écran (si le réalisateur en a vraiment besoin). Le cas échéant, il peut décider d’utiliser le produit sans accord mais peut alors se heurter à l’interdiction de la marque et cela peut se terminer en procès. Cependant, ce type de procédures ne va jamais bien loin. En effet, les deux camps ont intérêt à ne pas exposer leurs désaccords au grand public afin de préserver une bonne image.

Pourquoi le cinéma est-il une cible de choix pour les marques?

De plus en plus de marques s’intéressent au cinéma. En effet, selon Catherine Emond (fondatrice de l’entreprise Casablanca, une agence de publicités), le placement a un coût largement inférieur à ce qu’il rapporte et offre une bonne visibilité au produit. De plus, avec cinq à dix marques par film, la publicité fait face à peu de concurrents. Il permet aussi de développer le capital sympathie de la marque puisque les spectateurs ont choisi le film, le thème et les acteurs leurs sont donc proches. Cependant, le placement nécessite de mettre en place de nombreuses conditions afin de maximiser son impact.

En effet, le placement doit être bien réfléchi afin d’augmenter son impact. Par exemple, idéalement, il faut contextualiser l’utilisation du produit ou l’apparition de la marque, c’est-à-dire qu’il faut justifier la présence de la marque ou du produit à l’écran. Toutefois, le contexte ne doit pas nuire à la marque. Il faut ainsi éviter les scènes pouvant choquer. De plus, une marque peut profiter d’un placement pour relancer la vente d’un produit spécifique (ex: Nestlé rachète Rowntree, à qui appartient à Wonka, et décide d’être fournisseur pour le film Charlie et la Chocolaterie afin de relancer les ventes).

De plus, un placement peut avoir des impacts plus indirects. Par exemple, il a été montré que l’apparition d’une marque (ou de quoi que ce soit qui lui soit associée) à l’écran valorise et motive le personnel de l’entreprise (que l’on qualifie alors de public interne). Cela augmenterait le moral et la productivité. Ainsi, la possibilité de permettre aux employés de participer directement au tournage du film peut tout aussi bien servir d’objectif ou de motivation pour ces derniers.

Qu’est-ce qu’un bon placement de produits du point de vue des marques?

Il est essentiel pour les marques que leur produit soit vu. Cependant, il ne doit pas créer de coupure dans le film. Cela à tendance à gêner autant les producteurs, les réalisateurs que les marques. C’est d’ailleurs pour cela que les citations dans un dialogue sont souvent refusées car elles sont susceptibles de marquer une connotation publicitaire car elles peuvent, entre autre, être mal intégrées au scénario. En effet, pour qu’un produit ou une marque soit bien intégré(e) au scénario, le produit ou la marque doit posséder un vrai rôle dans le film. Ce peut être compliqué d’adapter l’histoire mais si l’intégration est bien faite, l’impact sur le spectateur est bien supérieur à un simple placement. Toutefois, ce type de placement étant moins courant, il faut trouver un autre moyen faisant en sorte que le produit soit mémorisé par le spectateur.

Ainsi, les marques considèrent trois facteurs de manière simultanée: l’espace, le temps et le nombre d’apparitions. Certaines marques n’hésitent donc pas à modifier leur produit afin de le rendre plus voyant: en grossissant le logo, en choisissant une couleur plus voyante ou encore en donnant une forme moins courante au produit. Cependant ces modifications ne remplacent pas la valeur de la position centrale. En effet, la présence au centre de l’écran est la preuve que le produit sera vu et mémorisé par le spectateur. Toutefois, la position centrale est quasiment aussi risquée qu’une insertion dans un dialogue: elle a tendance à couper le rythme du film. Il faut alors trouver un prétexte pour justifier cette présence au milieu de l’écran. En excluant l’intégration au scénario qui peut justifier quasiment n’importe quel placement, la meilleure option est de trouver un produit créant un contexte logique. C’est pourquoi l’un des produits les plus utilisés lors de placements est la montre: le personnage veut connaître l’heure, il regarde sa montre et par un raccord regard, nous retrouvons la montre au centre de l’écran. Le spectateur n’est pas perturbé et le produit a été mémorisé. Le même principe pourrait techniquement s’appliquer à l’utilisation d’un téléphone mais la mise en avant du produit tient alors complètement d’un étalement des caractéristiques du téléphone plus que d’un banal raccord regard, effet en partie provoqué par la marque estampillée en gros sur le téléphone (la mise en avant de la gamme des Sony XPeria dans les récents James Bond n’a rien de naturel ou d’esthétique). La question du placement central peut aussi se poser pour des lieux. S’il est clairement identifié car les personnages y évoluent, le placement est considéré comme central. De plus, l’identification d’un commerce et/ou d’un lieu peut résulter sur une augmentation de l’activité dans la ville, voire dans la région.

Ce genre de modalités constitue la plus grosse partie d’un contrat entre l’équipe de production et la marque. Généralement, ces relations sont gérées par des agences publicitaires. Il arrive parfois que la marque contourne l’agence afin de réduire légèrement les coûts de l’offre, mais aussi d’être plus proche des producteurs afin d’avoir un meilleur contrôle du placement. Malgré tout, l’agence publicitaire reste de vigueur pour éviter des problèmes tels que des arnaques ou des non-respects du contrat. Ces dernières ont pour objectif de veiller à ce que la marque soit présentée de manière positive. En effet, il faut ainsi considérer l’histoire du film (éviter les incohérences, les sujets polémiques, les scènes violentes ou à caractère cru), les acteurs susceptibles d’être associés à la marque (l’influence qu’ils peuvent avoir sur l’image de la marque), le personnage mettant en scène le produit (vérifier qu’il agit selon les valeurs de la marque et s’il ne la dénigre pas au cours d’un dialogue), la rigueur de l’équipe de production (vérifier les antécédents lors d’anciens tournages), la présence d’une incompatibilité contractuelle (vérifier qu’un acteur pouvant être associé à la marque ne soit pas sous contrat avec une marque concurrente), la mise en scène du produit (visibilité, temps, nombre d’apparitions), l’approvisionnement du produit, le financement (souvent effectué postproduction ou à la sortie du film au cinéma), la présence de remerciements lors du générique de fin ou encore la communication. La plupart du temps, le contrat démarre dès la signature et prend fin à la sortie en DVD, à la diffusion du film à la télévision ou encore à la fin des droits d’auteur. Le contrat comporte aussi une clause de confidentialité afin de ne pas amplifier l’aspect commercial du film ou encore de ne pas gêner la communication promotionnelle du film.

En effet, la relation entre les marques et le cinéma nécessite une bonne communication.

Comment gérer la communication liée au partenariat?

L’objectif d’une bonne communication est de montrer l’existence d’un partenariat entre la marque et le film. Toutefois, cette communication ne doit pas être parasitaire, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas nuire à un des deux partis. Cela peut provenir d’un mauvais placement, d’une critique faite à la marque à un instant précis ou d’une communication trop présente. En effet, une trop forte connotation publicitaire incite les spectateurs à considérer le film uniquement comme une immense publicité, ce qui gâcherait l’aspect privilégié du placement et donnerait une mauvaise image de marque. Cependant, une marque doit profiter du phénomène lié au film afin d’optimiser l’impact de la collaboration.

Par exemple, un site à but promotionnel peut être créé à l’occasion de la sortie du film. Il est alors envisageable d’indiquer les partenaires. En retour, le site de la marque peut ainsi tirer profit de l’image du film et communique sur sa sortie annoncée. Une telle opération de communication croisée (= tie-in) permet d’accroître la visibilité du placement. Cependant ce genre d’opérations communicatives doivent être prévues à l’avance afin d’obtenir tous les accords afin de ne pas bloquer les opérations mais aussi d’éviter de faire monter les coûts du partenariat.

De plus, les marques refusent souvent que ce soit le «méchant» du film qui utilise le produit: non seulement parce qu’il correspond rarement à l’image que la marque souhaite avoir, mais aussi parce que les marques ne veulent pas que leur produit puisse être détruit au cours du tournage.

Avec sa grande importance, il est normal que le cinéma attire les marques, qui tentent de profiter de cette influence. Cette alliance a ainsi mené à la création de règles à respecter, comme par exemple le temps et la place occupée à l’écran, afin que les deux partis en profitent: il faut que les producteurs réduisent les coûts et que les marques augmentent leurs ventes tout en limitant l’aspect commercial du film et en assurant une bonne image de la marque. La démocratisation du placement de produits a alors permis la création d’agences de publicités qui agissent en tant qu’entremetteuses et qui permettent le respect des contrats et des exigences.

Exemples de placements de produits visuels:

Le Cinquième Élément, Luc Besson, 1997

 

Jurassic World, Colin Trevoro, 2015

 

Kingsman, Matthew Vaughn, 2014

 

Sources:

La publicité est dans le film, Jean-Marc Lehu

Les produits et les marques au cinéma, Delphine Le Nozach


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