Pays : États-Unis, France, Espagne, Italie
Année : 1975
Casting : Jack Nicholson, Maria Schneider, Jenny Runacre, …

Le dernier coffret ultra collector de Carlotta revient sur le seizième film du réalisateur de « Blow up ».

Alors qu’il découvre le cadavre d’un homme, David Locke, journaliste, décide de se faire passer pour mort et prendre l’existence du défunt.

Antonioni semble toujours autant intéressé par l’observation de la passivité de ses héros, renvoyant à la place du spectateur face à ses longs-métrages. Ici, ce statut d’observant sans action amène à endosser l’identité d’un mort afin de se trouver lui-même. En se destituant de sa vie, il atteint une forme de point de non-retour émotionnel en cherchant radicalement à reprendre en main son destin. En abandonnant sa vie et le rôle qui lui a été établi, il se permet de se réapproprier son espoir de liberté d’action et d’influence. Pourtant, il va s’établir sur un chemin d’autodestruction assez logique, transformant la répétition en tragi-comédie digne de définir correctement notre vie.

On peut comprendre les raisons de David Locke derrière son acte, condamné à voir ses décisions être véhiculées de manière prévisible sans possibilité d’agir. Il n’est dès lors pas étonnant de le voir dès le début enchaîner actions ratées dans un décor désertique impersonnel. Le voir reprendre son existence en main devrait donc être un aboutissement, mais quelque chose se bloque. Bien que l’on sente une forme d’épanouissement, Antonioni filme tout cela avec une distance certaine, comme s’il nous faisait réfléchir aux conséquences de son acte. Bien que nous ne soyons plus dans l’atmosphère pesante pré-transformation tournant à l’échec absurde, l’échappatoire de Locke ne peut être que vouée à l’échec, l’inéluctabilité de son existence se retournant dans un cycle autodestructeur des plus féroces. La fille dont il tombe amoureux n’a même pas de nom et se conforme en une simple silhouette, débordant certes du charme de Maria Schneider, mais dont la vacuité mène à l’absence de transfiguration sentimentale.

En cela, Jack Nicholson livre une performance impeccable en tant que protagoniste en quête absolue d’idéal actif mais se retrouvant par la force des choses dans une passivité lourde de sens. La fatalité des rôles que nous fait endosser la société ne peut que se retourner contre nous, ironie mordante de la vie qui ajoute une amertume puissante lors du visionnage du film. Cherchant à disparaitre, Locke ne fait que réimmerger, bateau esseulé dans un océan de solitude existentiel. Antonioni filme cela avec une mise en scène des plus réfléchies, semblant presque s’amuser du désarroi de son héros pour mieux annoncer le nihilisme émotionnel du récit, sa facture entropique inévitable.

Comme toujours, le coffret Ultra Collector constitue un immanquable aussi bien pour la qualité de sa technique que celle de ses suppléments. Entre son gros livret offrant une analyse du récit bien plus approfondie que cette modeste critique, le témoignage télévisé d’Antonioni, un retour sur sa carrière, son regard sur le monde du photo roman, son autoportrait ou son analyse de la fin de son long-métrage, cette édition constitue une excellente occasion de découvrir le réalisateur italien avec profondeur et passion.

« Profession : Reporter » est donc une œuvre entropique hypnotisante, le genre de film qui ne dissimule guère le désarroi qu’il cherche à provoquer et n’en provoque qu’encore plus sa fascination. Un tel long-métrage se devait d’être savouré dans une édition de qualité, c’est désormais chose faite avec ce coffret Ultra Collector de Carlotta…


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