Prod DB © Roger Corman Productions / DR THE INTRUDER (THE INTRUDER) de Roger Corman 1962 USA avec William Shatner miroir, coquetterie, vanite, narcissisme, d'apres le roman de Charles Beaumont autres titres : I Hate Your Guts! Shame The Stranger (GB)

Pour sa sortie Blu-ray et dvd chez Carlotta, nous revenons aujourd’hui sur The Intruder, film réalisé par Roger Corman.

La critique de Anne-Laure

Présenté comme un « brûlot politique », le film, inspiré d’une histoire vraie, prend place dans une petite ville des Etats-Unis, à une époque où les droits civiques de tout un chacun n’étaient pas correctement respectés et où la haine était spontanée.

L’on suit l’arrivée d’un homme, Adam Cramer, dans cette ville et les manipulations qu’il emploiera pour convaincre les habitants de se dresser contre une nouvelle loi qui vient d’être acceptée et permettant à des élèves noirs de s’inscrire au lycée « des blancs ».

Dans ces premiers instants, le film parvient à créer un sentiment de doute chez les spectateurs, qui s’interrogent sur cet étrange nouveau venu et sur ses intentions effectives. Qui est-il et que veut-il ?
Bien rapidement toutefois, la situation et ses motivations sont mises en lumière et le film prend un tournant que l’on pourrait qualifier de « psychologique », tant tout est axé sur la manipulation du principal intéressé sur l’opinion publique, à coup de conversations plus ou moins secrètes et personnalisées ou de grands discours populistes, d’où émane une immense violence qui n’est pas que verbale.

Le film montre ainsi l’immense pouvoir que peut acquérir un individu sur tout un ensemble de personnes qui se préfèrent se laisser séduire par les « beaux discours » d’un inconnu que de tenter une réflexion au sujet de la situation. La facilité avec laquelle Adam Cramer parvient à manier ainsi la quasi-totalité des habitants peut dès lors sembler aussi déconcertante que réaliste. Forcément, au-delà de cette mise en image de l’acquisition d’une prétendue autorité en profitant d’une situation de départ habilement étudiée, le film est une immense dénonciation du racisme, démontrant à chaque instant l’absurdité des réactions et actions des individus souhaitant empêcher l’accès de l’école aux nouveaux élèves.

L’on notera toutefois une certaine pauvreté d’écriture concernant les personnages féminins, pauvres humaines sans défense, ne pouvant être que victimes ou manipulatrices idiotes dépourvues de toutes réflexions, forcées de rester constamment en retrait ou de suivre aveuglement les agissements de leurs compagnons masculins…

L’on constate également, de manière assez prégnante, que le réalisateur n’a pas disposé d’énormément de moyens pour réaliser son film. Toutefois, pour son sujet, la maîtrise avec laquelle il parvient à démonter la haine, la manipulation progressive et le profit pour servir ses propres ambitions, The Intruder est extrêmement percutant. Les difficultés qu’a causées le tournage ne sont dès lors pas étonnantes, tant d’un point de vue technique que d’un point de vue du sujet abordé.

La critique de Liam

L’auteur de ces lignes était déjà revenu sur le film lors de sa ressortie en salles. Il est dès lors évident que la critique du Blu-Ray ne différera pas trop sur le fond tant « The Intruder » reste toujours aussi fort et important. C’est donc le même malaise qui nous étreint en le regardant, notamment face au charisme d’un jeune William Shatner. Ce dernier transpire d’un magnétisme malaisant, notamment par sa figure aussi innocente que ses propos et ses actes sont infâmes. Sa représentation d’un lobby conservateur effrayé par le changement et prêt à tout pour qu’aucun noir ne puisse avoir accès aux cours est terrifiante, notamment par l’ambivalence marquée avec sa politesse et sa maîtrise totale de son comportement.

Cette même maîtrise se retrouve dans la mise en scène d’un Roger Corman captant la colère sourde au fond des habitants ainsi que la crainte d’un inconnu qui va irrémédiablement exploser. Il part d’une situation « microscopique » (le mal-être d’une petite ville) pour se tourner vers l’analyse macroscopique de toute l’Amérique. Le portrait assez nuancé qu’il fait des habitants permet néanmoins de se questionner un peu plus et d’éviter le manichéisme de façade. C’est ainsi que si certains sont profondément racistes, la plupart les suivent par crainte et par la manipulation de leaders charismatiques. Corman s’attaque donc directement à ces politiciens et autres meneurs d’opinion qui profitent des doutes de leur communauté pour diriger leur peur et leur haine envers une certaine partie de la population. Pas besoin de donner d’exemples tant ceux-ci sont nombreux et connus, voire même encore actuels et ce sans avoir à sortir de l’Hexagone…

Une nouvelle fois, Carlotta prend soin techniquement du film pour sa distribution en Blu-Ray et DVD. Le premier dispose d’un master haute définition tandis que le second profite d’un nouveau master restauré, tout comme la diffusion en salles. Les bonus consistent en un entretien de dix minutes entre Roger Corman et William Shatner concernant le tournage du film et une bande-annonce.

Si vous avez loupé sa ressortie en salles, cette diffusion en Blu-Ray et DVD du brûlot de Roger Corman devrait vous permettre de profiter d’une œuvre puissante, fortement chargée politiquement et malheureusement toujours d’actualité. Sans aucun doute toujours un immanquable, et ce, 58 ans après sa sortie.


LAISSER UNE RÉPONSE

Veuillez saisir votre commentaire !
Veuillez entrer votre nom ici