Sortie : 31 mars 1971, 19 septembre 2023 en Blu-ray
Durée : 1h30
Genre : Thriller
De Peter Bogdanovich
Avec Tim O’Kelly, Boris Karloff, Arthur Peterson, Pete Belcher, Tanya Morgan
Commencer une filmographie par un tel film relève du miracle, Peter Bogdanovich est né dans les écuries de Roger Corman et réussi avec La Cible le pari de proposer une première œuvre profondément complexe. Cinéaste passionné par le cinéma, il en infuse chacune de ses œuvres afin d’encrer ses films dans une continuité cinématographique et également historique. Dans le cas de La Cible, l’enjeu est de prendre une figure emblématique comme Boris Karloff, véritable monstre de cinéma, qui se confronte à une autre créature moderne, le tireur embusqué qui provoque la panique sociale.
Karloff incarne un acteur de cinéma d’épouvante, Byron Orlok, qui décide de mettre fin à sa carrière. Il prépare sa dernière apparition publique lors d’une séance dans un drive in où il y présentera son dernier film. En parallèle, Bobby Thompson, assureur passionné par les armes à feu assassine de sang froid toute sa famille et met en place une chasse à l’homme hasardeuse et terrifiante. Bogdanovich mélange la fiction cinématographique et la réalité sociale de son pays. Thompson incarne le traumatisme éternel des Etats Unis, l’assassinat du Président Kennedy par Lee Harvey Oswald. Bobby est une figure qui se rapproche du tireur embusqué ayant abattu le président des États Unis le 22 novembre 1963.
Le monstre n’est plus l’acteur de cinéma d’épouvante qui apparaissait sous une tonne de maquillage pour incarner des figures identifiables. C’est au contraire la banalité du mal qui est filmée d’une manière très brut dans La Cible. La séquence qui est la plus représentative de cette approche est la longue fusillade de l’autoroute. Bobby se cache sur le toit d’un silo d’une exploitation agricole. Il regarde les voitures qui passent et se met à tirer sur tout ce qui bouge. La longueur de la scène et l’usage de plan long permettent de s’imprégner de l’horreur de la situation. Adieu les effets faciles d’un cinéma illustratif, Bogdanovich préfère l’épure et produit une mise en scène sans pitié qui créé une distanciation face à la situation qui met mal à l’aise.
Il capte, avec ce film, la violence d’un monde moderne plus insidieux qui ne dévoile pas ses cartes. Bobby n’est qu’un produit d’une société qui broie l’être humain. Il est le fils d’une famille traditionnelle États-unienne où il baigne dans une sorte de fiction étouffante. Et puis il y a l’achat si simple d’armes, la présence de ces outils de mort dans sa chambre inquiète déjà le spectateur mais dans le pays de la liberté éternelle il est normal de posséder tout un armada.
Lors de la séquence du drive in où la fusillade finale se produit, Karloff se dirige vers le tireur et apparaît en même temps que son double imagé du film projeté. Bobby n’arrive pas a faire la différence et l’acteur le punit afin de mettre un terme à l’horreur. Lors de cette séquence le cinéma devient indissociable de la réalité que le film décrit. Les nouveaux monstres ne sont que des êtres tristes, rien ne change…
Le film est édité par Carlotta et sorti depuis le 19 septembre 2023 en Blu-ray et en édition collector prestige combo Blu-ray/DVD. Il est accompagné :
. COMMENTAIRE AUDIO DE PETER BOGDANOVICH (VOSTF)
. LA CIBLE : UNE INTRODUCTION DE PETER BOGDANOVICH (2003 – 14 mn)
. SIDÉRATION (27 mn – HD)
Un entretien inédit avec Jean-Baptiste Thoret, historien du cinéma et réalisateur.
L’édition collector :
FAC-SIMILÉ D’UN COURRIER DE PETER BOGDANOVICH ADRESSÉ À ALFRED HITCHCOCK
. JEU DE 12 PHOTOS DE TOURNAGE
. AFFICHE