Compte rendu du 4ème jour : Samedi 20 mai, quatrième journée du 70e Festival de Cannes, déboulent en lice pour la Palme d’or « The Square » (Ruben Östlund) et « 120 Battements par minute » (Robin Campillo). Pari conceptuel raté pour le premier, et éloge du sensible pour le second. Pendant ce temps, Barbet Schroeder présentait hors compétition son nouveau documentaire, « Le vénérable W. » (retour à la ligne)
Après Snow Therapy, proto film catastrophe de l’intime articulant les rancunes et petites déceptions de chacun sous couvert de tragi-comédie qui avait connu un franc succès public et dans une certaine mesure critique, Ruben Östlund revient avec The Square. En dépit d’un concept de base particulièrement cérébral et stimulant, la somme de ses parties finit en route par diluer la trame originale. Elisabeth Moss, en femme perdue et clairvoyante, parvient à sidérer sur quelques scènes, de même que Terry Notary en performer gorille stupéfiant cherchant les failles dans les apparences et le narcissisme du beau monde. Pas suffisant toutefois pour redonner à The Square de ce liant organique qui fait les grands films.
Le portrait des années phares d’Act Up et ses militants prêts à en découdre avec le Sida et l’opinion publique lovée dans l’indifférence générale par Robin Campillo fonctionne quant à lui à merveille. En l’espace de deux films (Les Revenants en 2004 et Eastern Boys en 2013), le cinéaste français avait su insuffler au paysage cinématographique hexagonal un nouveau souffle. 120 battements par minute poursuit cette trajectoire, avec au casting le prodigieux Nahuel Perez Biscayart. À la lisière de la mort, ces corps vibrants qui livrent leurs dernières forces dans le combat touchent une forme de poésie oubliée, cafardeuse et sensible.
Hors compétition, le documentaire Le Vénérable W. signé Barbet Schroeder passe au crible la façon dont un courant fascisant des moines bouddhistes de Birmanie – le groupe extrémiste 969 – a progressivement répandu l’idée de la nécessité absolue d’une épuration des islamistes du pays. Le vénérable W., c’est le nom du prédicateur islamophobe dont le cinéaste se propose de tirer le portrait. À l’instar de L’avocat de la terreur, autre documentaire de Schroder, ou encore de Duch, le maître des forges de l’enfer, de Rithy Panh, Le Vénérable W. donne l’occasion au réalisateur suisse de s’adonner à l’une des choses qu’il fait le mieux : explorer le mal et sa porosité avec le bien. Outre un regard très dense sur la guerre civile que traverse la Birmanie, le documentaire donne un portrait stupéfiant de l’horreur banalisée. Un récit douloureux, mais nécessaire.
Ce dimanche 21 mai, la cinquième journée verra se mesurer en compétition les films Le Redoutable, de Michel Hazanavicius, et la production Netflix The Meyerowitz Stories, de Noah Baumbach.
Article de Pierre Bryant rédacteur a Cannes