Pays : États-Unis
Année : 1931
Casting : Fredric March, Miriam Hopkins, Rose Hobart

Le cinéma est une industrie. C’est ainsi que le but cherché en permanence par certains producteurs est une rentabilité rapide et conséquente, d’où la création de certains projets abherrants et le lancement de suites à des produits indigestes mais rentables. Dans ce même but, beaucoup cherchent à aspetiser leurs œuvres, de crainte de déplaire à leur public ou bien de ne pas pouvoir ratisser large avec une classification trop restreinte. Et pourtant, de nombreux films se sont vus reconnus pour avoir l’audace de remettre en question leurs spectateurs. C’est exactement le cas de celui-que nous allons aborder aujourd’hui.

Le docteur Jekyll est un scientifique respectable mis à bout. Ses théories se voient ainsi jugées excentriques par ses collègues plus âgés et son mariage mis à mal par son beau-père. Lors de ses recherches sur la dualité de l’être humain, il va malheureusement libérer un alter ego aux instincts plus primaires : Mister Hyde…

 

Le récit créé par Robert Louis Stevenson a connu de nombreuses adaptations. Cela n’est guère étonnant : cette histoire permet de s’interroger sur la dualité de l’Homme, ses instincts les plus bestiaux qu’il se doit de réfréner pour être vu comme une personne convenable. La transformation de Jekyll et Hyde se révèle due à une pression sociale forte, tellement forte que l’éminent docteur s’abandonne dans la dépravation. Nous pouvons établir un lien avec « L’homme invisible », étant donné que les deux partagent la même déchéance physique conduisant à une même déchéance morale. La reconnaissance ici de la pression sociale permet de s’interroger également si les sociétés trop oppressantes ne créent pas leurs propres monstres. En tentant d’imposer un point de vue commun aux gens, les responsables de notre structure sociale ne font qu’aggraver la situation et repoussent les individus dans leurs limites morales, conduisant ainsi à la création de « monstres moraux ».

Mais ces derniers ne sont pas uniquement le fruit de créations artistiques, bien au contraire. Il suffit de jeter un œil à l’histoire pour voir le nombre de personnes néfastes que la société a créées involontairement. Cela peut toucher n’importe qui, même les spectateurs et Rouben Mamoulian n’hésite pas à le montrer. On commence ainsi le film par des plans subjectifs, nous mettant dès son début dans la peau du Docteur Jekyll pour mieux nous intéresser à ce qu’il va vivre. Plus encore, le film joue souvent sur des faces caméras, obligeant le public à faire face aux événements narrés. Quand Ivy regarde Jekyll nue sous ses draps tout en agitant sa jambe, ce n’est pas qu’à lui qu’elle s’adresse mais également à l’audience confrontée à son appétit sexuel. Toute personne a des besoins, physiques et idéologiques, et les assouvir peut se montrer en contradiction avec ce que notre structure sociale veut. C’est ce que nous explique Rouben Mamoulian sans honte et sans crainte de se mettre ses spectateurs à dos.

Ce « Docteur Jekyll et Mister Hyde » est donc un chef d’œuvre intemporel, par ses thématiques et sa mise en scène novatrice. Qu’un film de 1931 aie plus d’audace et de réflexion derrière que la plupart des divertissements insipides qui sortent sur nos écrans devrait nous poser des questions sur le système de production cinématographique et les attentes du public.


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Liam Debruel
Amoureux du cinéma. À la recherche de films de qualités en tout genre,qu'importe la catégorie dans laquelle il faut le ranger. Le cinéma est selon moi un art qui peut changer notre vision du monde ou du moins nous faire voyager quelques heures. Fan notamment de JJ Abrams,Christopher Nolan, Edgar Wright,Fabrice Du Welz,Denis Villeneuve, Steven Spielberg,Alfred Hitchcock,Pascal Laugier, Brad Bird ,Guillermo Del Toro, Tim Burton,Quentin Tarantino et Alexandre Bustillo et julien Maury notamment.Écrit aussi pour les sites Church of nowhere et Le quotidien du cinéma. Je m'occupe également des Sinistres Purges où j'essaie d'aborder avec humour un film que je trouve personnellement mauvais tout en essayant de rester le plus objectif possible :)

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