Nous sommes en 2003. « Le retour du roi » assoit Peter Jackson au sommet du box-office et des Oscars, Quentin Tarantino nous électrise avec « Kill Bill », Park Chan Wook nous claque avec « Old Boy », Pixar nous émeut avec « Le monde de Nemo » et « Matrix » sort ses suites. Pendant ce temps-là, en France, on a droit à « Taxi3 », « Le cœur des hommes 2 » et aux « Triplettes de Belleville ». Mais 2003 a surtout fourni un film hors du commun qui lancera la vague des « French Frayeurs » extrêmes tels que « Martyrs » de Pascal Laugier (déjà chroniqué sur ce site par notre chère Laetitia), « A l’intérieur » d’Alexandre Bustillo et Julien Maury (aussi chroniqué sur le site par votre serviteur) ou encore « Frontière(s) » de Xavier Gens (là aussi…ah bah non tiens, mais ça ne devrait pas tarder.) Ce film, qui va révéler aussi un auteur très doué dans le genre, s’appelle « Haute tension ».
Marie (Cécile De France) part à la campagne avec son amie Alex (Maïwenn) rejoindre les parents de celle-ci. C’est alors qu’elles se voient attaquées par un mystérieux agresseur, adepte de plaisirs buccaux prodigués par les têtes de jeunes demoiselles. Marie va alors tout faire pour sauver Alex, au péril de sa vie…
ATTENTION! CETTE CRITIQUE CONTIENT DES SPOILERS SUR « HAUTE TENSION »! IL VAUT MIEUX LIRE CELLE-CI APRES AVOIR VU LE FILM (QUI EST BIEN, RASSUREZ VOUS)!
Il se dégage du film d’Alexandre Aja une rage bouillonnante et violente se concrétisant à l’écran par une violence frontale encore marquante (notamment une décapitation dans des escaliers entrée dans les annales du gore). Mais cette rage, pas seulement issue de l’esprit d’un jeune réalisateur influencé avec son ami Grégory Levasseur par les films d’horreur des années 80, est aussi la thématique même du film avec le personnage de Marie, luttant tout le récit contre cette rancœur intérieure due à son insatisfaction sexuelle. Celle-ci se voit transposée en une figure mâle violente et étouffante qui finira par exploser au contact d’une famille « proprette » l’ayant déjà inscrite dans leur structure schématique qu’approuverait « le mariage pour tous » en tant qu’amie de la famille alors que Marie souhaite bien plus.
Marie affronte donc son propre subconscient (ce qui est déjà annoncé par son rêve au début du film) afin de montrer à l’être qu’elle aime sa valeur et la force de son amour. Si ce twist a déjà été vu dans d’autres récits, il trouve ici un sens particulier que beaucoup de personnes ont vite critiqué en le qualifiant d’inconsistant lors d’une seconde vision, notamment ces scènes où Marie et le tueur sont ensemble. Or il est évident que leur présence commune n’est qu’un outil cinématographique déjà utilisé par d’autres afin de camoufler ce retournement de situation, mais aussi pour bien mettre à l’écran cette confrontation psychique dans l’esprit de Marie tout en étant annoncé (est-ce qu’Alex semble réellement regarder Marie quand celle-ci tente à plusieurs reprises de la libérer alors que le tueur est là ? ) Quant à la scène de la « fellation », elle est simplement annonciatrice du cauchemar qui va s’abattre sur Alex et sa famille.
Ainsi, bien que « Haute Tension » fonctionne en tant que film d’horreur gore divertissant, il porte en lui un amour sincère et fou tel que peu de réalisateurs l’ont retranscrit à l’écran (le seul exemple venant en tête de votre critique étant le superbe « Alleluia » de Fabrice Du Welz, déjà chroniqué sur le site), préférant représenter ce sentiment de manière bien lisse et propre (pas besoin de donner d’exemples, il y a déjà assez de films confondant romantisme et overdose d’eau de rose fanée).
Rempli de scènes superbes (ah cette séquence en voiture avec « New born » de Muse en fond…) et une interprétation forte de la part de ses acteurs (peut-on parler de meilleur rôle de Cécile De France ? C’est à vous de juger), « Haute Tension » est un grand film de la part d’un réalisateur trop sous-estimé de la part d’un milieu où le cinéma de genre n’a aucune valeur (CF cette polémique que les Césars ne récompensent que trop rarement les comédies françaises alors que le cinéma de genre ne se voit quasiment jamais représenté dans les compétitions de ce style). Ce à quoi il faut répondre que « Haute Tension » a bien plus de cœur et de tripes que des films à plus gros budgets et certaines œuvres prétentieuses n’étant créées que pour les récompenses. Mais bon, il semble qu’il faudra encore attendre pour que ce genre de films soient vus à leur réelle valeur…