Année de sortie : 2012
Pays: Indonésie
Réalisateur : Joko Anwar
Casting : Rio Dewanto, Hannah Al Rashid, Izzi Isman, Aridh Tritama
Quel art bien compliqué que le twist ! En effet, quand un réalisateur aborde cet outil narratif, il doit le faire avec précaution. Toute la réussite dépend de la manière dont il mène les spectateurs, fréquents désormais aux retournements de situation, avant de les surprendre de manière néanmoins logique (nombreux sont les films à twists qui ne tiennent plus la route lors d’un second visionnage). Il faut donc faire preuve de prudence, savoir préparer le terrain habilement et en même temps rester caché. La réussite d’un twist tient à cela : il faut être capable de se dissimuler en pleine lumière, dévoiler mais avec parcimonie. Le film d’aujourd’hui est l’un des plus beaux exemples récents de maîtrise scénaristique et de twist renversant.
Un homme se réveille en pleine nature. Après avoir découvert avec effroi le corps de sa femme enceinte, il comprend qu’un mystérieux tueur cherche à s’attaquer à lui et à ses enfants.
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Il est conseillé d’avoir vu le film avant de lire cette critique. Si vous ne l’avez pas encore vu, sachez qu’il est très bon et regardez le avant de continuer votre lecture.
Le réalisateur Joko Anwar le sait en préparant « Modus Anomali » : il va devoir jongler avec un budget minuscule (200 000 dollars) et un tournage en milieu naturel, généralement peu propice aux metteurs en scène (demandez à Steven Spielberg et Francis Ford Coppola leurs meilleurs souvenirs des « Dents de la mer » et « Apocalypse now »). Alors, aidé d’un script en béton et d’un Rio Dewanto investi dans son rôle principal, il prépare pendant six mois son tournage afin d’éviter le moindre souci de la part d’une nature coriace lors de ses neuf (!) journées de tournage.
Le résultat est une réussite épatante. La forêt où notre héros se réveille est sauvage, implacable, filmée de manière aussi crue que les meurtres. L’épreuve physique et mentale du protagoniste principal se voit partagée par le spectateur. Difficile de ne pas être ému par Rio Dewanto quand il regarde la vidéo du meurtre de sa femme enceinte.
Et puis, le drame. Le retournement de situation. Placé en plein milieu du récit quand il se trouve généralement à la fin de celui-ci. On pourrait croire à un manque de confiance d’Anwar envers son scénario et de la direction qu’il prend. C’est tout le contraire qui se passe avec un tout autre chemin que celui balisé que l’on craignait de suivre passivement. Le film se scinde donc en deux, avec cette première partie dédiée à une chasse à l’homme, suivie des implications du twist, expliquant le modus operandi animal de son assassin, meurtrier à la perversité telle que son plaisir vient moins des meurtres qu’il commet que de la manière dont il les met en scène tel un réalisateur aux goûts morbides.
Anwar nous a eus. Il nous avait mis en garde en nous plaçant par le biais d’un personnage à la mémoire affectée et pourtant, il nous surprend de manière efficace, sans que cette révélation ne semble téléphonée. Nous faisons donc face à un jeu de rôle des plus macabres, cycle sans fin d’une violence crue et d’un plaisir passant par la souffrance psychologique. Anwar a donc gagné en nous prouvant qu’un twist, bien que déjà utilisé précédemment, fonctionne toujours quand il est bien amené.