NOS ANNEES FOLLES

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Réalisation : André Téchiné
Scénario : Cédric Anger, André Téchiné
d’après : le roman La Garçonne et l’Assassin
de : Fabrice Virgili, Danièle Voldman
Image : Julien Hirsch
Décors : Katia Wyszkop
Costumes : Pascaline Chavanne
Montage : Albertine Lastera
Musique : Alexis Rault
Producteur(s) : Laurent Pétin, Michèle Pétin
Production : ARP Sélection
Interprétation : Pierre Deladonchamps (Paul Grappe / Suzanne), Céline Sallette (Louise Grappe), Bonke (Ludwik)
Date de sortie : 13 septembre 2017
Durée : 1h43

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Téchiné reste fidèle à son thème des vertiges et errements amoureux dans ce récit en costumes d’un beau classicisme, bien servi par le jeu de Pierre Deladonchamps et Céline Sallette.
Après deux années au front, Paul se mutile et déserte. Mais comment se cacher, quand on est condamné à mort dans un Paris en guerre ? Louise le travestit en femme. Il devient Suzanne, entraîne son épouse dans le Paris libertin des Années folles. En 1925, enfin amnistié, Suzanne tentera de redevenir Paul…

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André Téchiné s’est inspiré de faits réels pour raconter ce parcours singulier, comme il l’avait entrepris avec La Fille du RER. Même si la trame évoque le François Ozon d’Une nouvelle amie, Téchiné opte pour un ton plus sombre et sobre. Le cinéaste avait en fait déjà abordé les questions de l’identité et de l’orientation sexuelles dans plusieurs de ses films dont Les Roseaux sauvages, Les Témoins et Quand j’avais 17 ans.

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Mais rarement il n’avait été aussi loin dans la description de la valse des sentiments et des questions liées aux identités de genre. Nos Années folles est d’abord une reconstitution soignée de la fin de la Première Guerre mondiale et du début des années 1920 qui n’est pas sans rappeler le classicisme d’un Bertrand Tavernier dans La Vie et rien d’autre. Mais Le poids des costumes ou le souci d’authenticité historique n’écrasent jamais le film qui n’abuse pas non plus des séquences « obligées » (le cynisme des gradés, la camaraderie des tranchées, les bals libertins de l’après-guerre).

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L’essentiel est ailleurs : dans l’amour sans réserve de Louise envers Pierre, qui aura dans un premier temps du mal à endosser l’apparence physique de Suzanne ; dans la relation trouble entre la jeune femme et sa « nouvelle amie », qui fait jaser les riverains ; dans le revirement de Pierre qui finit par s’habituer pleinement à son nouveau rôle, au point d’avoir du mal à s’en débarrasser une fois l’amnistie accordée. Car « Suzanne » revient hanter ses rêves.

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Un bâton de rouge à lèvres, une perruque bouclée, une robe à dentelles et un foulard destiné à cacher une pomme d’Adam ressortiront vite du placard. Pierre est alors confronté à un dilemme : retrouver la normalité, tout en gardant son statut d’ex-déserteur, ou assumer définitivement son identité de substitution, quitte à mettre en péril son couple. Cette hésitation entre la sécurité et la liberté était déjà au cœur des tourments des personnages de Catherine Deneuve dans Le Lieu du crime ou, à un moindre degré, de Manuel Blanc dans J’embrasse pas.

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Oscillant entre linéarité limpide et chronologie bousculée, ellipses et dialogues explicatifs, le film trouve vite ses marques dans un montage maîtrisé, qui évoque par moments la démarche de Max Ophuls, ne serait-ce que par les flashbacks qui suivent des séquences où Jacques est exhibé dans un cirque : le Monsieur Loyal à la fois jovial et inquiétant est un clin d’œil explicite au Peter Ustinov de Lola Montès. On trouvera dans le film d’autres références furtives à Renoir ou Becker.

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Comme toujours chez le réalisateur, la direction des acteurs est un atout majeur. Pierre Deladonchamps dévoile à nouveau la finesse de son jeu, après L’Inconnu du lac et Le Fils de Jean. Céline Sallette confirme le beau parcours qu’elle mène depuis L’Apollonide – souvenirs de la maison close . Les seconds rôles sont moins présents que dans les films antérieurs du cinéaste mais Grégoire Leprince-Ringuet, Michel Fau et Virginie Pradal entourent avec professionnalisme les deux têtes d’affiche.

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L’ANALYSE :

La belle réussite que fut Quand on a 17 ans en 2016 laissait espérer que le cinéma d’André Téchiné avait retrouvé sa belle vigueur d’antan, surclassant – probablement grâce au concours de Céline Sciamma au scénario – le romanesque essoufflé d’Impardonnables et, dans une moindre mesure, de L’Homme qu’on aimait trop. Malheureusement, à constater l’échec presque total de Nos années folles à se mettre au niveau de son titre provocateur et plein de promesses, il est à se demander où est passé le désir du cinéaste, tant le film – terne et sans aspérités – semble être passé complètement à côté de son sujet.

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En adaptant La Garçonne et l’Assassin de Fabrice Virgili et Danièle Voldman, les deux scénaristes s’offraient pourtant une belle matière pour sortir des sentiers battus : soit l’histoire de Paul Grappe qui, ne souhaitant plus retourner dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, accepte à l’initiative de son épouse Louise de se travestir et de se faire appeler Suzanne pour mieux disparaître des radars de l’armée française. Sauf qu’une fois la guerre finie, Paul a beaucoup de mal à quitter son personnage de Suzanne avec lequel il a fini par se confondre.

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Devenu un prostitué régulier du bois de Boulogne, célébré chaque soir dans un cabaret interlope parisien qui a décidé d’adapter son histoire extraordinaire, Paul ne peut se résoudre à retrouver sa vie d’avant et à assumer son futur rôle de père. On imagine bien comment ce trouble dans le genre que le trentenaire cultive au grand désarroi de son épouse (dont l’ambiguïté, piste intéressante en amorce du récit, se meut peu à peu en détresse circonstanciée bien trop prévisible) et va mettre en péril leur couple… jusqu’au point de non-retour qu’un spectateur attentif aura largement eu le temps d’anticiper.

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Immersion dans la France post-Belle Époque, Nos années folles fait évidemment écho aux fantastiques années 1920 au cours desquelles les mœurs se sont libérées. De nombreuses scènes ne manquent pas d’y faire référence dans un souci de contextualisation (le travail des femmes, les conversations qui évoquent leur possible droit de vote), jusque dans le caractère débridé et exubérant que certains arborent sans complexe (Michel Fau, dans un rôle d’excentrique directeur de cabaret qui est dans la droite lignée de sa composition dans le boursouflé Marguerite).

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Si le travail de reconstitution n’est pas ce qu’on retiendra du résultat final (les prises de vue sur Paris volontairement anachroniques, des scènes de liesses limitées à des petits périmètres pour éviter d’avoir à sortir l’artillerie lourde côté décors et costumes), c’est aussi parce qu’André Téchiné n’a jamais été très à l’aise avec ce type de dispositif. C’est d’ailleurs lorsqu’il s’éloigne sciemment de ce devoir de véracité historique que le film trouve ses meilleurs moments.

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À contre-pied du naturalisme pataud qui menace la plupart des scènes de Nos années folles, la mise en scène trouve un souffle bienvenu lorsqu’elle assume complètement l’artifice : on pense par exemple à cette belle séquence au cours de laquelle Paul/Suzanne rejoue au théâtre ses errances nocturnes en s’adonnant à une chorégraphie sensuelle, que la caméra accompagne avec fluidité dans chaque mouvement.

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On retrouve lors de ces trop brefs moments le goût que Téchiné a toujours eu pour le théâtre de Brecht et qui faisait tout le sel de ses premières œuvres (Barocco, Souvenirs d’en France) où le baroque prenait le pas sur le souci de réalisme psychologique.
Dans ce 22e long-métrage, on sent bien que le réalisateur n’a que faire de l’intériorité de Paul : jamais il ne cherchera à nous expliquer les raisons pour lesquelles il éprouve le besoin de continuer à se travestir, quitte à opérer des sautes dans le temps (cette drôle d’ellipse qui, d’un homme mal à l’aise avec l’idée de s’habiller en femme, en fait sans aucune transition un aficionado de la prostitution) qui ne jouent pas en faveur de l’empathie qu’on pourrait ressentir pour Paul et son parcours tortueux. Prenant le contre-pied de ce qui aurait pu constituer des attentes standard d’un public plus enclin à regarder un avatar des Dossiers de l’Écran, Nos années folles veut donc déplacer le trouble ailleurs… mais où ?

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C’est bien la question que l’on se pose au fur et à mesure de l’1h40 que dure le film, tant les problèmes manifestes d’écriture ne sont jamais compensés par la proposition formelle : assez laid de bout en bout au niveau de l’image (tout au plus retiendra-t-on quelques plans au cours desquels les grands yeux bleus de Paul en Suzanne dévorent l’écran), le film laisse même passer quelques affreux raccords assez impardonnables. Du décalage que peut induire sur le plan esthétique une pareille situation (le travestissement sur fond de guerre des tranchées), on préférera revoir l’audacieux La France de Serge Bozon.

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L’autre gros problème de Nos années folles – et c’est plutôt inhabituel chez André Téchiné – c’est l’absence de direction au niveau des acteurs. Si Michel Fau, en grand professionnel du théâtre qu’il est, s’en tire honorablement et que Céline Salette parvient – comme toujours – à extirper son personnage des limites que lui dessinait ce scénario trop bâclé, on ne pourra pas en dire autant du pauvre Grégoire Leprince-Ringuet, dont le personnage paraît complètement à contretemps du film, engoncé dans des dialogues sur-écrits et une posture inconfortable.

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Mais surtout, Pierre Deladonchamps semble complètement en roue libre : plus à l’aise chez Guiraudie qui n’attend rien d’autre de ses acteurs qu’un sous-jeu en adéquation avec son univers, il fait ici tout son possible pour parvenir à faire exister son personnage, entre accès de violence et crises de larmes. Mais le résultat est ici assez catastrophique : sans grâce particulière, manifestement mal à l’aise dans son accoutrement (là où Duris excellait dans le pourtant peu passionnant Une nouvelle amie), Pierre Deladonchamps n’a même pas l’air de savoir exactement ce qu’on attend de lui, ni ce que le film veut raconter de son personnage obscur.

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Et on ne peut que comprendre sa détresse tant le réalisateur semble aux abonnés absents, indifférent à la réussite de son (télé)film, comme s’il en avait acté lui-même l’échec avant que celui ne soit terminé. S’il était capable d’un peu plus de générosité envers ses personnages et son sujet, on pourrait voir dans Nos années folles un film bouleversant car malade du fantôme de Suzanne que Paul ne peut se résoudre à faire disparaître.

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Mais au lieu de cela, c’est au fantôme d’André Téchiné que l’on pense tristement, celui d’un réalisateur autrefois tant aimé mais dont le cinéma n’est aujourd’hui plus qu’une copie désincarnée de lui-même.

3,5/10


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Pierre Bryant
Cinéphile depuis mon plus jeune âge, c'est à 8 ans que je suis allé voir mon 1er film en salle : Titanic de James Cameron. Pas étonnant que je sois fan de Léo et Kate Winslet... Je concède ne pas avoir le temps de regarder les séries TV bonne jouer aux jeux vidéos ... Je vois en moyenne 3 films/jour et je dois avouer un penchant pour le cinéma d'auteur et celui que l'on nomme "d'art et essai"... Le Festival de Cannes est mon oxygène. Il m'alimente, me cultive, me passionne, m'émerveille, me fait voyager, pleurer, rire, sourire, frissonner, aimer, détester, adorer, me passionner pour la vie, les gens et les cultures qui y sont représentées que ce soit par le biais de la sélection officielle en compétition, hors compétition, la semaine de la critique, La Quinzaine des réalisateurs, la section Un certain regard, les séances spéciales et de minuit ... environ 200 chef-d'œuvres venant des 4 coins du monde pour combler tous nos sens durant 2 semaines... Pour ma part je suis un fan absolu de Woody Allen, Xavier Dolan ou Nicolas Winding Refn. J'avoue ne vouer aucun culte si ce n'est à Scorsese, Tarantino, Nolan, Kubrick, Spielberg, Fincher, Lynch, les Coen, les Dardennes, Jarmush, Von Trier, Van Sant, Farhadi, Chan-wook, Ritchie, Terrence Malick, Ridley Scott, Loach, Moretti, Sarentino, Villeneuve, Inaritu, Cameron, Coppola... et j'en passe et des meilleurs. Si vous me demandez quels sont les acteurs ou actrices que j'admire je vous répondrais simplement des "mecs" bien comme DiCaprio, Bale, Cooper, Cumberbacth, Fassbender, Hardy, Edgerton, Bridges, Gosling, Damon, Pitt, Clooney, Penn, Hanks, Dujardin, Cluzet, Schoenaerts, Kateb, Arestrup, Douglas, Firth, Day-Lewis, Denzel, Viggo, Goldman, Alan Arkins, Affleck, Withaker, Leto, Redford... .... Quant aux femmes j'admire la nouvelle génération comme Alicia Vikander, Brie Larson, Emma Stone, Jennifer Lawrence, Saoirse Ronan, Rooney Mara, Sara Forestier, Vimala Pons, Adèle Heanel... et la plus ancienne avec des Kate Winslet, Cate Blanchett, Marion' Cotillard, Juliette Binoche, Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Meryl Streep, Amy Adams, Viola Davis, Octavia Spencer, Nathalie Portman, Julianne Moore, Naomi Watts... .... Voilà pour mes choix, mes envies, mes désirs, mes choix dans ce qui constitue plus d'un tiers de ma vie : le cinéma ❤️

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