Compte rendu de la 3ème journée : Entre « La Lune de Jupiter » (Kornel Mundruczó), « Okja » (Bong Joon-ho) et « Visages Villages » (Agnès Varda et JR), se jouait dans les salles obscures du palais des festivals un combat d’ordre politique. Résultat laborieux pour Mundruczó, enchanteur pour Joon-ho et Varda.
Pour sa sixième sélection à Cannes et sa troisième en compétition officielle, le cinéaste Hongrois Kornel Mundruczo a présenté La Lune de Jupiter, une œuvre typée sociale et fantastique abordant la crise des migrants sous un angle singulier. Mais au-delà de l’originalité, le metteur en scène se perd dans un exercice d’hybridation balourd et mal dégrossi. Il y avait pourtant quelque chose d’assez jouissif dans la première demi-heure à voir débarquer en compétition du Festival de Cannes un film compatible avec le cinéma de genre – au demeurant réalisé par un cinéaste qui tournait depuis quelques temps autour de cette dynamique sans complètement s’y résoudre. La subversion n’est toutefois que de courte durée, tant Mundruczo se perd entre effets de cinéma pompeux, discours politique, moral ou religieux.
Avec Okja, Bong Joon-ho figure parmi les réalisateurs les plus attendus de cette 70e édition. Non pas que le sud-Coréen ait quelque chance de remporter un prix au Palmarès – le fait que son film soit distribué exclusivement par Netflix pourrait bien le disqualifier à l’instar de The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach, Almodovar ayant déclaré que les films à Cannes se devaient de sortir en salles -, mais ses derniers films comptaient parmi les métrages les plus percutants sur le créneau des satires politiques croisant le cinéma de genre. En 2016 à Cannes, Dernier train pour Busan (Yeon Sang-ho), notamment, s’inspirait de son Transperceneige pour dresser un portrait sans concession du social devenu produit de marché. Cette fois plus resserré et intime sans pour autant se déparer de la causticité qui a fait sa légende, son Okja suit l’histoire d’une jeune fille dont le compagnon extraordinaire est enlevé par une multinationale peu scrupuleuse. Résultat : un conte habile qui trouve sa place aux côtés des oeuvres les plus réussies de Bong-Joon Ho.
Pour l’anecdote, la projection du film au Grand Théâtre Lumière avait d’abord été interrompue suite à un problème de rideau tronquant le format d’image. Les sifflets du public donnaient au départ le sentiment d’un Netflix bashing, mais il n’en était rien (ou presque). À noter aussi qu’il est tout à fait amusant de voir une production Netflix s’en prendre avec autant de panache aux multinationales.
Agnès Varda présentait quant à elle hors compétition Visages Villages, film coréalisé avec le photographe JR. Sur les routes, le duo a immortalisé puis écouté des habitants des quatre coins de la France, dans la veine d’un Depardon. Cette oreille innocente, hors jugement et altruiste, c’est peut-être la chose qu’aucun politique n’a tendu ces dernières années. Sous le signe de la mémoire, le documentaire alterne entre cadrages sur le vif et prises de parole légèrement scénarisées. La bonhommie à fleur de peau d’Agnès Varda entre en collision avec l’entrain de JR. Un voyage simple et nostalgique tout en justesse. bonne soirée j’ai encore une projection à la Quinzaine des réalisateurs !
Notre rédacteur Pierre Bryant a Cannes