Sortie : 11 SEPTEMBRE 2024 EN SALLE, 2 AVRIL 2025 EN DVD/BLU RAY
Durée : 1H08
Genre : DOCUMENTAIRE
De MATI DIOP
Avec Gildas Adannou, Habib Ahandessi, Joséa Guedje
En tant qu’amateur d’images et de formes d’images, Dahomey de Mati Diop a su créer en moi une émotion rare. Celle de la confrontation au réel, celui qui frappe le cœur et nous confronte au passé le plus brutal. Parler du passé par le prisme du présent relève toujours d’un exercice d’équilibriste. Le risque de cette cohabitation temporelle peut provoquer la formation d’anachronismes déviants qui perdront celui qui reçoit l’œuvre. Ce n’est pas le cas du film de Mati Diop, qui se sert du documentaire pour confronter le présent à la mémoire du passé.
Dahomey s’articule autour d’un fait : la restitution par la France d’un trésor pillé par les autorités coloniales au Bénin. Ainsi, 26 trésors royaux sont rapportés au Dahomey en 2021, événement suivi par la caméra de Mati Diop afin de produire un document vidéo permettant à la fois de vivre en direct l’événement et d’en saisir tous les enjeux.
Mais le caractère unique de Dahomey se situe surtout au niveau d’un choix assez singulier de construction des faits. Le film se divise en plusieurs parties et fait le choix de jouer entre différents points de vue. Ainsi, la moitié du film est vécue à travers les yeux d’un des fétiches restitués au Dahomey.
Le premier plan ouvre le film sur un de ces fameux marchands de Tour Eiffel miniaturisées et clignotantes, qui évoquent à la fois l’idée du fétiche, de l’objet représentatif d’une culture et donc d’une identité. Ce plan évoque une sorte d’installation artistique qui convoque une idée précise, celle de l’incarnation d’un vide mémoriel, car même si, dans le cas de ce plan, le vendeur est absent, l’on se doute qu’il peut s’agir d’un immigré, d’une personne sans terre et possiblement originaire d’un pays d’Afrique, qui se retrouve à vendre des fétiches d’un pays qui a réduit en cendres sa culture. Par la suite, l’image se concentre sur un entrepôt et plonge dans les méandres de son obscurité pour nous confronter à un des objets bientôt restitués, et, comme un film d’aventure, nous suivrons les pérégrinations du fétiche sans terre qui rentre trop tardivement dans son pays. L’objet s’adresse directement au spectateur en évoquant, dans sa langue maternelle, des monologues intérieurs poétisés qui ajoutent une dimension onirique au film. Dahomey devient presque une incarnation de ce que l’on peut appeler l’afrofuturisme, mouvement de science-fiction qui s’amuse à reprendre les codes du genre en y ajoutant des éléments des cultures des pays d’Afrique.
Ainsi, le film provoque une charge émotionnelle car nous suivons et vivons simultanément les émotions de cet objet incarné qui redécouvre son pays après des années de conservation en France. Le fétiche n’est pas incarné, il est neutre, ce qui rajoute une portée universelle et permet de mieux saisir ce sentiment de confusion et de déracinement. C’est la première force de la mise en scène de Mati Diop, qui permet de créer de l’émotion envers quelque chose d’inerte qui exprime des sentiments sans pour autant user de plans misérabilistes ou purement « fictionnels ».
Car c’est là où se situe toute la singularité de Dahomey, qui mélange la fiction et le documentaire en assumant pleinement que la documentation vidéo relève du cinéma et d’une dynamique de mise en scène. L’élément le plus représentatif de cette conception scénique du documentaire se retrouve indéniablement dans la dernière partie du film, qui se permet de représenter un débat composé de jeunes étudiants autour de la thématique de la culture béninoise et de cette restitution. Il s’avère que ce débat est provoqué par la réalisatrice, ce qui lui permet d’être maîtresse de son exécution et de saisir les idées qui alimentent son film.
Ainsi, Dahomey devient une œuvre hybride qui va au-delà du film à thèse en permettant à l’esthétisme de questionner les enjeux qui entourent cet événement afin de connaître l’avenir d’un pays et d’une culture à travers des images fantômes.
Le film est disponible depuis le 2 Avril 2025 en DVD et Blu-ray chez Blaq out accompagné d’un livret de 24 pages