Pays : France, Philippines
Année : 1981
Casting : Féodor Atkine, Eiko Matsuda, Gloria Diaz, …
En hommage à son réalisateur décédé il y a plusieurs semaines, Carlotta ressort « Cinq et la peau » dans une nouvelle édition.
Ivan est un français résidant à Manille. Dans cette ville où il se sent perdu, il part vers une quête des sens à tout prix…
Pierre Rissient est un grand fan de Lino Brocka, qu’il a rendu populaire en France et dont nous vous parlions lors de la sortie d’un coffret lui étant dédié encore une fois chez Carlotta. Cela se ressent dès la localisation de son long-métrage mais également dans ce suivi de personnages à la sensation de perte dans la capitale philippine. La ville est filmée sans fard aucun, avec le grain d’une caméra 35 mm proche de son héros. Difficile de ne pas y trouver la personnalité cinéphilique de Rissient, au gré de citations et de déclarations par le biais d’une voix off dissociée de l’image. Les dialogues comptent moins que les gestes, les regards et leurs significations. Les pensées reprennent les commandes, la vérité derrière l’action comptant plus et se dévoilant sans pudeur aux spectateurs. Qu’importe le flacon, tant qu’on ait l’ivresse.
Cette ivresse se retrouve d’ailleurs dans son titre, « Cinq et la peau », nom d’un vin consommé par notre anti-héros. Mais elle se retrouve dans le ton du film même, où tout est prétexte à une quête de vie, de sensation transcendant l’existence. Peu étonnant dès lors que cette recherche passe par une recherche de satisfaction sexuelle, le physique semblant le chemin principal pour atteindre l’extase. Pourtant, c’est par la pensée que passe la satisfaction et l’affranchissement des affres de la douleur, au point que la sexualité passe peu à peu au second plan comme semble l’attester la scène du club, où les ondulations des danseuses n’importent plus vraiment aux yeux d’Ivan. On en revient à ce titre, « Cinq et la peau », faisant également référence à une dissociation entre les cinq sens et le contact physique. C’est en les réassociant que l’on arrive à une forme de plénitude émotionnelle.
Ce mouvement sans fin de la pensée est appuyé par un montage n’hésitant jamais à coller des images diverses à la promenade mentale de l’écrivain. On sent alors un souffle créateur que cet homme n’arrive jamais à appréhender totalement, dépassé par ses idées au rythme incessant. Celle-ci finit bien évidemment par dépasser l’aventure physique d’Ivan, interprété avec une certaine arrogance par Féodor Atkine. Ce dernier livre une prestation jouant sur le fil de l’empathie envers ce personnage assez hautain par sa culture mais avec qui on peut partager son chemin de croix mental.
Tout en le faisant ressortir en salles depuis hier, Carlotta offre au film une distribution physique valant le coup d’œil curieux. Le DVD que nous avons reçu est techniquement impeccable. Il faut savoir qu’il est également disponible dans une édition DVD-Blu Ray de prestige comprenant entre autres deux longs documentaires sur le réalisateur , des cartes ainsi qu’une affiche. Tout cela sera disponible dès le 6 juin.
« Cinq et la peau » aurait pu toucher à l’œuvre prétentieuse, mais il en relève de son visionnage un film envoûtant, déclaration d’amour à l’art et à la réflexion inhérente à celle-ci par cette perte physique et mentale d’un artiste cherchant l’absolu. De quoi se rappeler Pierre Rissient pour encore plusieurs années…