Année : 2012
Pays : États-Unis, Royaume-Uni, Espagne
Casting : Clive Owen, Carice van houten, Daniel Brühl,…
Le cinéma fantastique est l’un des plus importants mais le plus sous -estimé de la production grand public. En effet, beaucoup lui jetent un regard hautain, le réduisant à de l’artifice grand public alors qu’il peut, avec talent, être vecteur d’émotions fortes et universelles. Aujourd’hui, revenons sur l’un de ces titres peu abordés mais pourtant fort thématiquement : « Intruders « ‘, réalisé par Juan Carlos Fresnadillo.
Un petit garçon espagnol et une jeune fille anglaise se voient hantés par la même créature sans visage. Leurs parents vont alors tenter de trouver un moyen de les sauver…
Le début du film introduit l’idée qu’il sera narré d’un point de vue subjectif. Cela a peut – être été déjà vu maintes fois mais cette remise en question du narrateur est amené avec assez de subtilité pour conserver un twist aussi fort dans son histoire que dans les thématiques abordées. En cela, il faut se rappeler la place dans l’intrigue des contes. Ces derniers, comme de nombreuses histoires, servent à apprendre aux enfants des leçons sur la vie. Mais on oublie souvent que les adultes ont également besoin de ces récits pour se rappeler ou comprendre des situations aussi bien extraordinaires que quotidiennes. La narration fictive a une place importante dans la construction mentale et idéologique de chaque être humain et un film peut avoir un réel impact sur une personne. Dans la logique de certains maîtres du genre hispanophone comme Juan Antonio Bayona et Guillermo Del Toro, Juan Carlos Fresnadillo profite de ce format pour toucher à quelque chose d’assez intime et universel à la fois : la place du parent dans la vie de ses enfants.
En effet, il est logique que la relation entre ceux-ci est forte et la manière dont cela est représenté est fait de manière sincère et touchante, aidé par un casting impliqué. Les parents ont également cette image forte qui est portée par la croyance qu’ont en eux leur progéniture. L’importance de cette foi n’est pas négligeable et relève d’une peur de ne pas réussir à accomplir totalement cette relation ou la mener dans un impasse. La place du religieux n’est donc pas négligeable dans le récit et explicite cette crainte qui est des plus humaine. Existe t-il plus grande peur que celle d’échouer son existence ou ses relations personnelles? Peut-on trouver des parents qui n’éprouvent aucune crainte vis à vis de leurs enfants et ne souhaitent pas les protéger? Cela est montré tout au long du film avec une force émotionnelle qui devrait remuer les tripes de tout père ou mère en devenir. L’enfant est un cadeau fragile qu’il faut défendre de tout, y compris de soi même.
Le système narratif du film (l’alternance entre les mésaventures des deux familles ) permet de montrer l’ambivalence entre deux cultures et deux parents de sexe différents avant de les unir par une révélation intéressane qui permet de transmettre sa leçon en touchant à nouveau à l’universel et à l’intimiste. D’abord, en faisant comprendre que l’être humain est égal dans ses cauchemars profondément humains. Ensuite, en développant cette double peur : celle de défendre son enfant par le biais du mensonge, quitte à lui faire plus de bien que de mal, et celle de se confronter soi-même à ses démons. Ces derniers sont tout aussi transmissibles que les gênes et il faut être capable d’y faire face, même si nos propres parents les ont ignorés. La confrontation est inévitable et la retarder ne fait qu’augmenter le risque de voir son monstre revenir plus tard plus fort et avec en ligne de mire sa progéniture. La fuite ne constitue qu’une bombe à retardement dont on est censé protéger ceux qui comptent à notre coeur. S’il n’y a pas remise en question de ses actes et de ceux de ses aînés, on se dirige alors vers une catastrophe monumentale.
Juan Carlos Fresnadillo nous rappelle avec son « Intruders » que l’horreur est plus forte quand elle inclut un facteur humain essentiel et dont pourtant nombreuses productions sont dépourvus. Le réalisateur du déjà très bon « 28 jours plus tard » offre une perle fantastique bien trop sous estimée dissertant avec amour et émotion sur la force des récits sur l’être humain et sur la peur d’être parent mais, plus encore, la peur des responsabilités que l’on porte avec l’âge. Soyons de meilleurs adultes que nos aînés pour que la prochaine génération soit préservée de nos erreurs et de nos monstres…