Pays : États-Unis
Année : 2006
Casting : Tobin Bell, Shawnee Smith, Angus Macfadyen, …
Le genre du torture porn a souvent été mis de côté par de nombreux fans du septième art. D’un côté, on peut les comprendre au vu de certains titres étant tombés dans le gore pour le gore sans aucune réflexion thématique derrière. Mais d’un autre côté, certains titres mériteraient d’être un peu plus mis en avant. Aujourd’hui, abordons donc le troisième volet d’une saga importante dans le domaine.
John Kramer fait enlever un médecin afin d’essayer de survivre à sa maladie. D’un autre côté, un homme ayant perdu son garçon dans un accident se retrouve dans les pièges du Tueur au puzzle…
Quand on parle de torture porn, deux « sagas » viennent directement à l’esprit : « Hostel » et « Saw ». Si certains de leurs volets sont tombés dans l’horreur graphique grand guignolesque, il est intéressant de voir comment chacune aborde la valeur du corps. Dans une critique précédente, nous disions que dans la première, réalisée par Eli Roth, la chair prenait une valeur économique, un prolongement de la manière dont l’être humain se vend au quotidien. En effet, après la vente du corps comme objet sexuel, comment ne pas imaginer celui-ci devenir un produit servant à assouvir des fantasmes bien plus sanglants ? Pour « Saw », il y a une ambition moins matérielle qu’idéologique. Le Tueur se voit ainsi comme une figure divine qui punit ceux ne profitant pas de la vie quand la sienne risque de disparaître d’un moment à l’autre. Le corps est donc un moyen de torture permettant de faire comprendre l’aspect futile et fragile de notre existence.
Pour plonger dans l’aspect purement idéologique, ce troisième volet est intéressant pour les liens que l’on peut établir avec la religion. D’abord, avec la mort d’un personnage dans une position presque christique, assassiné par une fausse figure divine qui s’en retrouvera punie. Ensuite, l’histoire que va suivre le père est un exemple encore plus flagrant. Il va traverser un véritable chemin de croix, opportunité que lui offre le Tueur de pardonner ou bien de punir ceux qu’il juge responsables de sa perte. C’est donc un cadeau divin qui lui est donné : en effet, pour beaucoup, qui est le véritable juge de l’Homme si ce n’est un Dieu lui-même ? Il va au final mettre en question l’entité divine qu’est le Tueur au puzzle, ce qui lui vaudra une sentence irrévocable, tout comme celle de l’apprenti qui a trahi ce même tueur.
Pour revenir aux mécanismes des pièces, ils interrogent également la soif de son public pour la violence. Celle-ci commence ainsi dans une forme d’explosion d’hémoglobine avant de revenir vers quelque chose de plus tangible physiquement. C’est ainsi que l’opération de John Kramer se voit aidée par des plans quasi cliniques renforçant la crédibilité de l’action, tout en dégoûtant plus les spectateurs que par n’importe quel éventrement facile. Ici, on peut même se mettre en lien avec le personnage principal pour son envie de vengeance meurtrière, au vu du drame qu’il a vécu. Il y a donc un rapport plus humain qui est créé et permet quelques interrogations morales sur la justice que chacun veut se faire après avoir vécu un événement dramatique. Est-ce parce que l’on nous offre l’opportunité de nous venger de manière physique que l’on peut réellement le faire moralement ? Doit-on répondre à la violence par la violence ? En faisant cela, on risque de rentrer dans un cycle sans fin et provoquer plus de dégâts qu’en essayant de se guérir soi-même de son deuil. « L’enfer, c’est les autres » dit-on. Et pourtant, c’est bien par notre propre volonté que l’on peut provoquer ledit enfer.
Bénéficiant d’une mise en scène correcte tentant de garder le style original de James Wan et un casting assez bon, ce troisième volet de « Saw » est un film de genre recommandable cristallisant les opportunités réflexives de la saga en général, ce que n’arriveront pas vraiment à faire ses suites. Espérons que le prochain volet, mis en scène par Michael et Peter « Prédestination » Spierig, revienne à ce niveau de fond narratif plutôt qu’à celui de simple divertissement gore des derniers volets…