Le Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud
La Guerre du feu, Le Nom de la rose, Sept ans au Tibet ou encore Stalingrad, depuis les années 70, Jean-Jacques Annaud s’est fait un nom et construit une carrière en marge de ses confrères. Ambitieux, perfectionniste et technicien hors pair, il est devenu au fil des années un des cinéastes hexagonale français les plus reconnus.
Après une succession d’échecs commerciaux et critiques tel sa Sa Majesté Minor ou Or noir, il revient cette année à la tête d’une coproduction franco-chinoise, adaptation du roman Le Totem du loup de Jiang Rong, l’un des best-sellers Chinois les plus vendus, rien que ça.
Il s’agit la d’un réel défi à tous les points de vue : grosse production à plus de 40 M$, s’étalant sur un travail de 7 ans. tourné en Mongolie en décors totalement naturels, parler en mandarin et en mongoles, avec de nombreux comédiens ne parlant pas la même langue, avec des animaux réels et non recrées numériquement. Les loups furent élevés pendant 3 ans dès leur plus jeune âge afin d’être au plus près de l’homme et ainsi s’immiscer au mieux au cœur du tournage et étant entraînés par des spécialistes. Sans oublier la censure chinoise associée à l’image d’Annaud depuis le tournage de Sept ans au Tibet.
Bref, Le Dernier Loup est sans aucun doute le projet le plus colossal jamais dirigé par le réalisateur. Jean-Jacques Annaud revient donc a un genre qu’il affectionne, le film d’aventure animalier, après L’Ours et Deux Frères. Et que vaut donc le contenu du film en lui même ? Pour moi, le pari est réussi, haut-la-main.
Le Dernier Loup est une épopée historique captivante et émouvante, portrait a travers les loups d’une révolution culturelle qui vient détruire une harmonie naturelle, mêlant habilement la fable animale, récit d’aventure, politique et écologie.
Jean-Jacques Annaud est un maître dans l’art pour conter une histoire a travers une adaptation ( Le Nom de la rose, Sept ans au Tibet ou L’Amant en sont) tout en évitant l’immersion politiques pour conserver tout l’esprit romanesque de son récit.
Autre exercice que le réalisateur maîtrise à la perfection : le récit initiatique tel Le Nom de la rose ou le mode de vie nomade entre un jeune et son maître, et du parcours spirituel dans le rapport de l’homme à son environnement et le film n’échappe pas a ces trames.
Jean-Jacques Annaud avait parfois tendance à humaniser les animaux de ses films précédents, mais ici il garde une approche plus réaliste en traitant les loups à leur place de prédateur.
L’approche a l’écran est donc extrêmement respectueuse et réaliste du statut de l’animal.
L’intelligence du traitement narratif ne touche pas que les loups mais aussi les personnages humains qui ne sont jamais enfermés dans des caricatures et clichés trop facile, tel le gentil et le méchant.
Le film est étonnamment le plus dur du cinéaste que j’ai pu voir (a ne pas mettre sous tout les regards) car le réalisateur met rigoureusement en scène la destruction de l’homme et utilise tous les outils du cinéma en terme de narration et de dramaturgie sans jamais toutefois tomber dans le pathos.
Le Dernier Loup permet aussi a Jean-Jacques Annaud de renouer avec ses belles fresques d’aventures, lui le grand amateur de tournages en extérieur magnifiant la beauté de son sujet. Car oui comme souvent la photographie a comme souvent de l’importance dans ces œuvres peuplé d’images d’une grande puissance.
Chaque séquence mettant en scène les loups sont donc renforcées et plusieurs scènes s’avéreront marquantes autant sur le plan de l’action fluide que de la dramaturgie.
Sans spoiler, certaines scènes sont de véritables bravoures techniques, puissante et symbolique, car elle représente la réponse directe et implacable de la nature face à la cruauté de l’homme.
Mention et pensée au célèbre compositeur de musique James Horner décédé en juin dernier. Ces compositions pour des long-métrages sont devenus des classiques tel Titanic, Aliens, le retour, Braveheart, Zorro, Le Nom de la rose, ou encore Apollo 13 et celle du Dernier loup est juste sublime, surtout celle de la scène finale.
Mais le dernier long-métrage de Annaud n’est pas sans petit défaut. Prévisible, de manière générale, assez candide par moment, et manquant d’un certain problème de rythme narratif.
Il aurait aussi clairement mérité un traitement plus approfondi de ces personnages ou il est difficile de s’attacher a eux, comme le jeune Chen Zhen, malgré le travail honorable des acteurs.
Avec ce film, Jean-Jacques Annaud prouve qu’il est encore un des fervants artisans du cinéma populaire Français hexagonale d’une grande ambition Le film est une fable saisissante sur la nature de l’animal et de l’homme, un vrai récit.
Il manque malgré tout ce petit quelque chose qui aurait fait du Dernier Loup un des très grand film de Annaud, mais reste néanmoins son meilleur depuis bien des années. Un retour aux sources évident.
5/6