Un biopic académique pour retracer un épisode clé de la vie du premier « guitare hero »
Réalisateur : Etienne Comar
Acteurs : Cécile de France, Reda Kateb, Beata Palya, Bimbam Merstein
Genre : Biopic
Nationalité : Français
Distributeur : Pathé Distribution
Date de sortie : 26 avril 2017
Durée : 1h55mn
Festival : Luxembourg city film festival
Note 3,5/5
A Paris en 1943, sous l’Occupation, le musicien Django Reinhardt est au sommet de son art. Guitariste génial et insouciant, au swing aérien, il triomphe dans les grandes salles de spectacle alors qu’en Europe ses frères Tziganes sont persécutés. Ses affaires se gâtent lorsque la propagande nazie veut l’envoyer jouer en Allemagne pour une série de concerts.
Après l’indélicat A bras ouverts et sa vision contestable de la culture des gens du voyage, Django, consacré à l’un de leurs plus éminents membres, apparaît comme une bouffée d’air pur. Le réalisateur Etienne Comar est surtout connu comme producteur et scénariste. Ayant expérimenté personnellement l’adage qui prétend que « la musique adoucit les mœurs », pour sa première fois derrière la caméra, il a souhaité faire le portrait d’un musicien dans la tourmente.
Il choisit l’un des guitaristes les plus influents de l’histoire du jazz, le grand Django Rheinardt, Tzigane issu des terrains vagues de la Zone Parisienne et concentre son récit sur les années d’Occupation, de manière à démontrer cette faculté qu’a la musique de vous extraire du monde. Entre tragédie et sérénité, la première scène située dans une forêt des Ardennes rassemble une famille de Tziganes, dont un musicien aveugle qui ne veut pas entendre le bruit qui se rapproche, au point d’y laisser sa vie.
Au cœur de ces années 40, Django est alors au summum de son succès, le swing est officiellement banni par les autorités allemandes, les Tziganes sont persécutés dans toute l’Europe mais lui ne semble rien voir. Un peu par égoïsme certes mais surtout parce qu’il est tout entier tourné vers son art. Les séquences musicales très réussies nous persuadent sans difficulté de la force avec laquelle Django vit sa musique et de sa capacité à nous communiquer sa passion.
La prestation de Reda Kateb, qui a appris à jouer de la guitare pendant un an, et qui semble totalement habité lors de ces incroyables scènes de concert insuffle toute son humanité à ce personnage en demi-ton, ce « doux-fauve » comme le surnommait Jean Cocteau. Tantôt nonchalant, tantôt bondissant mais toujours charmeur et charismatique, le roi du jazz manouche vit entouré de femmes. Si Cécile de France use de toutes les facettes de son talent pour donner corps à ce personnage complexe de femme ambiguë, c’est bien Bimbam Merstein, dans la peau de Negros, la mère de Django, qui capte toute l’attention. Actrice non professionnelle déjà présente dans Swing de Tony Gatlif, ce petit bout de femme à la personnalité bien marquée est criante de vérité
A l’instar de Django qui considère que la guerre n’est pas son affaire mais plutôt celle des « Gadjé » (les non-Tziganes), le réalisateur nous fait grâce d’une reconstitution historique de cette période 39-45 trop souvent abordée au cinéma. Toutefois, il est impossible d’ignorer les bombardements et encore bien plus l’intensification des rafles qui obligent Django et sa famille à s’exiler à Thonon-Les-Bains, dans l’espoir de pouvoir gagner la Suisse tout prochainement. Malgré cette tension qui s’accentue, le récit reste linéaire et la réalisation sans panache continue à ronronner dans une totale indifférence, laissant au spectateur la frustrante sensation d’être abandonné au bord de l’action.
Seul le final nous accordera une émotion portée à son comble grâce à l’interprétation du « Requiem pour mes frères Tziganes ». Cette partition désormais perdue est jouée une seule fois à la libération à la mémoire de tous les Tziganes assassinés durant la deuxième guerre mondiale. L’affichage de la photo de chacun de ces malheureux sacrifiés rappelle que la persécution des minorités et des apatrides qui n’ont nulle part où aller se poursuit inexorablement. Aujourd’hui autant qu’hier.
Bande annonce