HHhH
“HHhH” était un acronyme utilisé par les SS pour désigner Reinhard Heydrich, l’âme damnée de Himmler. Surnommé “le Boucher de Prague” en raison de ses exactions commise en Bohême-Moravie (autre nom de la Tchécoslovaquie), Heydrich fut le premier dignitaire nazi assassiné par la résistance européenne. Le film raconte en parallèle son ascension au sein de la SS et la préparation de l’attentat qui lui coûta la vie par deux partisans, Jan Kubiš et Jozef Gabčík.
Réalisateur de La French, Cédric Jimenez dirige un casting international de choc pour cette coproduction prestigieuse : l’australien Jason Clarke (Heydrich), les britanniques Rosamund Pike (sa femme, Lina) et Jack O’Connell (Kubiš), l’américaine Mia Wasikowska et les français Céline Sallette et Gilles Lellouche.
Réalisateur : Cédric Jimenez
Acteurs : Rosamund Pike, Jack O’Connell, Jason Clarke
Distributeur : Mars Films
Genre : Action, Thriller, Historique
Nationalité : Français
Date de sortie : 7 juin 2017
Durée : 2h00mn
L’implacable décryptage de la capacité d’une idéologie à transformer un être banal en un monstre sanguinaire. L’ascension fulgurante de Reinhard Heydrich, militaire déchu, entraîné vers l’idéologie nazie par sa femme Lina. Bras droit d’Himmler et chef de la Gestapo, Heydrich devient l’un des hommes les plus dangereux du régime. Hitler le nomme à Prague pour prendre le commandement de la Bohême-Moravie et lui confie le soin d’imaginer un plan d’extermination définitif. Il est l’architecte de la Solution Finale. Face à lui, deux jeunes soldats, Jan Kubis et Jozef Gabcik. L’un est tchèque, l’autre slovaque.
Tous deux se sont engagés aux côtés de la Résistance, pour libérer leur pays de l’occupation allemande. Ils ont suivi un entraînement à Londres et se sont portés volontaires pour accomplir l’une des missions secrètes les plus importantes, et l’une des plus risquées aussi : éliminer Heydrich. Au cours de l’infiltration, Jan rencontre Anna Novak, tentant d’endiguer les sentiments qui montent en lui. Car les résistants le savent tous : leur cause passe avant leur vie. Le 27 mai 1942, les destins d’Heydrich, Jan et Jozef basculent, renversant le cours de l’Histoire.
Deux jeunes enfants blonds et élégamment vêtus s’ébattent dans un beau et grand jardin en compagnie d’un homme qui semble bien être leur père mais que l’on ne voit que de dos. Sa démarche saccadée et son ton autoritaire tranchent immédiatement avec l’ambiance de bonheur enfantin. La musique à la fois macabre et déchirante nous le confirme : ce qui nous attend ne sera pas que la description d’une gentille partie de campagne. Déjà la scène suivante se fige sur le visage d’un jeune homme qui s’apprête à tirer sur un chef nazi et dont le fusil mitrailleur s’enraye.
Adapté du roman homonyme de Laurent Binet, prix Goncourt en 2010, HHhH (Himmlers Hirn heisst Heydrich, soit Le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich) revient sur un épisode peu connu mais pourtant essentiel de la deuxième guerre mondiale : l’opération Anthropoid dont la mission est d’envoyer deux jeunes parachutistes tchécoslovaques formés à Londres préparer l’assassinat de Reinhart Heydrich, l’un des pires chefs du régime nazi. Vice protecteur de Bohême-Moravie, il joue un rôle majeur dans l’organisation de la Shoah et est en charge du contrôle des Einsatzgruppen (unités mobiles d’extermination chargés chargés de procéder à l’élimination des opposants réels ou imaginaires au IIIème Reich).
Après La French en 2014, Cédric Jimenez se tourne vers un thriller historique radical et sans concession. Opposant l’ascension effrayante d’un être sans foi ni loi à la bravoure héroïque de jeunes gens prêts à tout pour sauver leur pays, il revient sur l’un des thèmes qui le fascine le plus (sans doute parce qu’il en serait bien incapable, avoue t-il humblement ) : celui du sacrifice personnel pour le bénéfice d’une nation. Il sépare ainsi habilement son récit en deux parties bien distinctes mais inégales, de manière à permettre à la barbarie de la première de mettre en lumière l’héroïsme de la seconde.
Le regard acéré, les contours du visage saillants, la chevelure parfaitement aryenne, Jason Clarke se coule sans la moindre faute de goût dans le rôle peu amène de celui qui fut surnommé « le boucher de Prague » ou « la bête blonde ». Militaire ambitieux à la carrière contrariée par une banale affaire de mœurs, Reinhardt Heydrich n’est sans doute ni pire, ni meilleur qu’un autre. Sa femme Lisa (l’impeccable Rosamund Pike) dont le minois angélique ne laisse guère soupçonner une âme de nazie convaincue que le régime hitlérien est la seule issue à la crise morale et économique que traverse le pays le pousse à en devenir l’un des plus grands représentants.
C’est avec une minutie chirurgicale que le réalisateur nous décrit ce couple de hauts dignitaires allemands laissant le spectateur partagé entre effroi et fascination. Tendres et attentionnés entre eux ou avec leurs enfants, ils deviennent d’une inhumanité totale et inconsciente dès lors qu’il s’agit d’éradiquer ceux qu’ils considèrent comme des ennemis politiques. Incrédule et porté par une mise en scène non seulement soignée et documentée mais aussi agrémentée de multiples effets et de couleurs somptueuses, on suit sans en prendre une miette le parcours machiavélique de ces personnages débarrassés sans aucun état d’âme de toute moralité.
Aussi, la deuxième partie à la force moins percutante et à la réalisation plus classique convainc plus difficilement. Nos jeunes résistants, si sympathiques soient-ils, souffrent à coup sûr de la prestation impressionnante de Jason Clarke et leurs personnages insuffisamment définis ne parviennent à susciter aucun sentiment d’empathie ou de peur. Les scènes de tuerie ou de torture à la brutalité réaliste ne distillent plus qu’un sentiment de malaise insupportable.
Si un casting international (on y croise le temps de quelques courtes scènes Gilles Lellouche ou Céline Salette) nous contraint à subir des dialogues en langue anglaise quelque peu nuisibles à la véracité d’un récit autour d’un pan de l’histoire de l’Allemagne, le point fort du film reste la musique que l’on doit à Guillaume Roussel (déjà présent sur La French). Son intensité et son adéquation totale avec chaque phase de l’histoire apportent une dimension lyrique non négligeable et permettent au spectateur de ne jamais lâcher prise.
Un film choc et saisissant qui ne devrait pas laisser indifférent les amateurs d’histoire contemporaine et qui, détail non négligeable, nous donne l’occasion de découvrir toute l’immensité du talent de Jason Clarke.
Entretien avec Cédric Jimenez, le réalisateur de « La French » qui a adapté le best-seller de Laurent Binet consacré au sinistre nazi Reinhard Heydrich.
Pour commencer, comment prononce-t-on le titre ?
C.J : On dit les quatre « H », à la suite, tout simplement.
Vous n’avez-vous jamais songé à en changer ? C’est un peu crypté.
C.J : On y a pensé mais c’est celui du roman de Laurent Binet qui est un best-seller international, par conséquent, on n’y a pas touché.
Est-ce un film de commande ?
C.J : Il se trouve que le producteur de La French, Ilan Goldman, avait envie d’adapter le roman que j’avais lu et aimé. Quand il m’en a parlé, je me suis montré très intéressé. Ça s’est fait de manière assez simple.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans cette histoire ?
C.J : Heydrich n’est pas un vilain de chez Marvel. C’est un être humain qui incarne le pire de l’humanité. Cela m’intéressait de comprendre comment on peut aller si loin dans la monstruosité dans un contexte qui favorise les pulsions les plus noires et les plus sanguinaires. Son ascension au sein de l’appareil nazi était en ce sens passionnant à traiter tout comme le fut la réponse de la résistance tchèque à ses exactions.
En voyant HHhH, on pense à Walkyrie de Bryan Singer dans lequel Tom Cruise incarnait l’un des officiers allemands déterminés à tuer Hitler. Était-ce une référence ?
C.J : Pour tout dire, Tom Cruise, que j’adore, me gêne dans le rôle. J’ai du mal à me détacher du fait que c’est Tom Cruise, la star, qui est à l’écran. Quand on incarne des personnages historiques, c’est important, je trouve, d’oublier l’acteur. J’ai voulu Jason Clarke (qui joue Heydrich) précisément pour cette raison : c’est un immense acteur australien, connu des cinéphiles, mais ce n’est pas une mégastar ni une personnalité très publique.
Avez-vous pensé à tourner en allemand et en tchèque ?
C.J : Pour tout dire, Tom Cruise, que j’adore, me gêne dans le rôle. J’ai du mal à me détacher du fait que c’est Tom Cruise, la star, qui est à l’écran. Quand on incarne des personnages historiques, c’est important, je trouve, d’oublier l’acteur. J’ai voulu Jason Clarke (qui joue Heydrich) précisément pour cette raison : c’est un immense acteur australien, connu des cinéphiles, mais ce n’est pas une méga star ni une personnalité très publique.