Sara avait une sensation étrange, comme si aujourd’hui serait une journée différente par rapport à son quotidien monotone d’étudiante en médecine. Elle se retrouvait ainsi à faire son stage dans l’hôpital psychiatrique Loomis, plus précisément dans l’aile réservé aux critiques cinéma. Sa maître de stage, madame Anne Strode, passait avec elle devant les chambres tout en parlant de leurs résidents.
« Ici, c’est un critique spécialisé dans la science fiction qui a essayé de démêler les paradoxes temporels de Terminator Genisys. Devant tant d’incohérences, son cerveau a malheureusement grillé. Là, c’est un ancien critique des Cahiers qui a eu le malheur de regarder des films de Kev Adams. Sa famille a décidé de l’euthanasier tout à l’heure en organisant une intégrale Plus belle la vie… »
« Et lui ? »
La jeune femme désignait une chambre contenant un jeune homme à la barbe aussi rousse que ses cheveux chataîns.
« C’est Liam Debruel, un jeune homme beau, intelligent, charismatique, drôle, propre, ponctuel, végétarien, affable, canard mais surtout modeste. Il a regardé Halloween Resurrection pour Le coin des critiques ciné et depuis,il ne parle plus. C’est la joie pour ses proches mais pas pour Orel. On le place ici donc à l’électrocuter une heure par jour en espérant qu’il parle à nouveau »
« On peut vraiment électrocuter un patient une heure par jour ? »
« Oui, c’est passé avec le 49.3, en plus de l’autorisation à tuer dix personnes par an. Ce qui tombe bien, hier ma voisine écoutait du Jul à fond, je n’avais pas d’autre choix que de la décapiter »
Les deux femmes électrocutèrent donc une heure durant le jeune homme avant de repartir s’occuper d’un autre patient à coup de fils barbelés. Ce fut à ce moment là que Liam se dirigea vers un mur de sa chambre. Il en arracha le poster de Raquel Welch qui dissimulait de nombreuses bouteilles d’amaretto ainsi que des verres. Il en remplit un et sans se retourner, déclara : »Je paris que je t’en sers un »
En effet, à côté de la porte se trouvait Michael Myers, toujours aussi inexpressif derrière son masque de William Shatner customisé. Ce dernier s’installa sur une chaise tout en continuant de fixer le jeune homme du regard. Celui-ci se plaça face à lui et lui tendit un verre.
« Je savais que me faire interner serait le seul moyen pour que tu me retrouves. Maintenant, l’heure est venue de parler d’Halloween Resurrection». Le regard de Michael s’assombrit. « Oui, nous devons le faire Michael. En plus, cette introduction devient beaucoup trop longue »
« Pourquoi as-tu décidé de tourner ce film ? Je ne dis pas que tous tes films sont parfaits, loin de là. D’ailleurs, aucun n’a réussi à retrouver l’éclat de ton premier par dieu Carpenter mais bon, tu venais de terminer sur Halloween 20 après, qui était sympa et dont la fin déchirait ! Oui ? bon, tu te faisais décapiter mais franchement, soit on meurt en héros, soit on vit assez longtemps pour se voir endosser le rôle du méchant loser »
C’est à ce moment là que Sara rentra dans la chambre. Ses sentiments étaient partagés entre la surprise et la peur. Ce fut Liam qui prit la parole.
« Vous tombez à pic mademoiselle, nous avions besoin d’un regard neuf et neutre sur cet étron. Ne vous inquiétez pas, mon ami a déjà tué deux baby sitters et leurs compagnons sur son chemin, ça l’a calmé pour quelques heures ».
La jeune infirmière s’installa entre notre critique et notre tueur. Liam venait de sortir de Raquel Welch (enfin de son trou… enfin du trou dans le mur) une télévision et un lecteur dvd afin de mettre le dit maudit film : Halloween Resurrection !
Photographie provenant du dvd : « Le diable à retrouvé le chemin de sa maison » mais a oublié ses cours de français.
Le film commence dans un hôpital psychiatrique où se trouve Laurie Strode (aka Jamie Lee Curtis Aka Final Girl Absolue). Deux infirmières discutent de son cas et font de l’exposition facile (quelle technique de paresseux de faire ça quand même, c’est comme quelqu’un commençais une critique comme ça ! Attendez deux secondes…). Elles expliquent que si Michael Myers n’est pas mort alors qu’il était censé avoir perdu la tête, c’est parce qu’il a échangé sa tenue avec un policier afin de disparaître facilement. Viens ensuite le retour attendu de notre boogeyman préféré, après avoir tué deux gardes dont un qui avait évidemment besoin de manger (il y a un quota à respecter voyons !) et qui s’attaque à nouveau à Laurie alors qu’elle se faisait passer pour vulnérable afin de se débarrasser de son méchant frère. Après une poursuite rapide, elle arrive à le capturer mais celui-ci la piège en la poussant à vérifier son identité sous son masque. Mal lui en prit : elle se retrouve poignardée puis, après avoir embrassé son frère (Cersei ?) en lui donnant rendez vous en enfer, elle finit par atterrir au sol après une chute qui lui est fatale. C’est donc ainsi qu’en quinze minutes, le film tue le personnage iconique de survivante et la vraie héroïne de la saga
Si en voyant la scène, Michael semblait sourire (plus à cause du souvenir du baiser que de la mort de sa sœur), Liam fulminait déjà. Il fallut cinq seringues de morphines enrichies à la vodka pour le calmer.
L’histoire reprend avec Sara. Non pas l’infirmière mais une jeune étudiante qui est hyper contente car elle et ses deux amis, une fille légèrement superficielle et un jeune homme de couleur qui ne sera caractérisé uniquement par son amour de la cuisine (grand travail scénaristique derrière) dans une émission de télé réalité (aussi connue comme nouvelle arme de lobotomie). Le concept est simple : ils vont devoir, avec d’autres participants, être enfermés dans la maison de Michael Myers afin d’expliquer pourquoi il est devenu si méchant, bien que certains aient une théorie comme notre ami cuisinier qui lâche que c’est dû à son alimentation. « La preuve : Adolf Hitler était végétarien et manquait donc de protéines ! ».
En entendant cette réplique à nouveau, Liam ne savait pas ce qui lui donnait une furieuse envie de meurtre : cette erreur commune que le seul moyen d’avoir des protéines était de manger de la viande ou bien la stupidité de cette réplique.
On rencontre ainsi les autres candidats : un mec qui drague l’amie de Sarah, un autre montré comme très louche et une jeune femme apparemment très cultivée et n’hésitant pas à le montrer. Il faut ajouter à cette pauvreté de caractérisation que les deux derniers personnages cités se montrent hostiles l’un envers l’autre avant de coucher ensemble cinq minutes après. Ceci a du être la conversation entre les scénaristes Larry Brand et Sean Hood.
« Hey, il nous faut absolument une paire de nibards pour combler le mâle qui mate ce film sa main dans le caleçon ! »
« Bah, montrons ceux de l’intello là. De toute façon, on l’a écrit intelligente, faut bien qu’on montre que la seule fille vraiment maligne de la bande, c’est l’héroïne. Parce que bon hein, tout le monde sait qu’une femme avec plus de deux neurones est arrogante et nympho ! »
Exagéré ? Peut être. Réaliste ? Sûrement.
En plus, face à ces stéréotypes, Sara se démarque lors de sa présentation en… criant très fort au point de casser un verre. Euh… On aurait pu annoncer que l’on avait affaire à une Castafiore mutante comme héroïne. C’est sûr que ça change du personnage de survivante de Laurie Strode…
Il est encore vite temps de parler du producteur de l’émission, Busta Rhymes uniquement caractérisé par son amour du kung fu, de son assistante jouée par Tyra Banks (aussi utile dans l’histoire qu’un script chez Michael Bay) et Deckard, un ami de Sara à longue distance joué par Ryan Merryman, qui connaitra quelques années plus tard un voyage le menant jusqu’au bout du chemin, à sa … destination finale ! (Cette blague est sponsorisée par les dernières grosses productions comiques françaises).
Après qu’un assistant caméra se soit fait poignarder dans la maison de Michael Myers, il est temps pour nos candidats de rentrer d ans la dite demeure afin de partir donc à la quête du secret derrière les meurtres de Michael Myers. Chaque candidat se voit ainsi porter des caméras sur eux afin que les spectateurs puisent observer l’émission sous tout les angles et aux producteurs d’essayer de toucher au found footage à une époque post Blair Witch mais pré Paranormal Activity (aussi connu sous point de non retour au niveau des petites productions horrifiques). C’est donc comme cela que, pendant que notre cuistot cherche des épices dans la cuisine (soupir…), Deckard peut la regarder à la télévision de la soirée costumée où lui et sont amis sont censés être Vincent Vega et Jules Winnfield.
C’est le moment que choisit Michael pour ENFIN se débarrasser de ces petits cons têtes à claques. Ainsi, chacun se fait tuer à son tour de manière variée, même notre ami fanatique de gastronomie qui finira poignardé après avoir balancé une punchline alimentaire. On aura beau rire, on vient de perdre le personnage le mieux écrit du film. Au final, Sara arrive à échapper à de nombreuses reprises grâce à l’aide à distance de Deckard ainsi que du producteur de l’émission, qui arrive à vaincre Michael Myers grâce au karaté (GROS SOUPIR) et en l’électrocutant dans les parties (vite, de la morphine !), ce qui poussera notre malheureux boogeyman à finir brûlé. Mais alors que son autopsie doit avoir lieu, il se décide à rouvrir un œil, synonyme de suite probable en cas de succès commercial et critique (Spoiler : ce ne fut pas le cas).
La projection finie, Liam se tourna vers Sara et Michael.
« Vous êtes d’accord, ce film est absolument mauvais ?»
Michael baissa la tête de honte.
« Bordel Michael, je sais qu’après tu t’es relevé avec le reboot de Rob Zombie et sa suite mais pourquoi t’être commis dans une telle nullité ? La mise en scène est vide et artificielle, les personnages sont creux,… Comment peut-on vouloir faire un film aussi vide après un bon retour tel qu’Halloween, 20 ans après ? »
« Si je peux me permettre… » murmura Sara.
« Quoi, vous l’avez trouvé bon ? » demanda Liam sur un ton fort énervé
« Non, pas du tout mais je me demande si le film ne fonctionne pas mieux comme une critique de la télé réalité ? »
Le jeune homme fut dubitatif.
« Le côté purement artificiel de la mise en scène, les manipulations de l’émission afin de faire croire à leurs manigances, l’absence de travail de caractérisation,… Et si tout cela n’était qu’une manière à peine déguisée de critiquer le manque de fond des télés réalités et de faire d’un spectacle abrutissant une satire des mêmes émissions débilitantes télévisuelles ? Surtout que le film est sorti à une époque où ces émissions commençaient à apparaître et prêtaient déjà à la critique et la polémique, notamment sur le voyeurisme des spectateurs comme dépeints ici.»
Liam et Michael se tournèrent l’un vers l’autre interloqués avant de revenir vers Sara.
« Vous venez de défendre un film atrocement mauvais en le transformant en quelque chose de sensé et de pas mauvais ? »
« Il me semble.»
« Bon ben…Je crois que ma tâche est inutile désormais ».
Le critique pris ses affaires du plus profond de Raquel Welch (enfin du trou caché derrière son poster, ce n’est pas si compliqué bordel !) et sortit de sa chambre afin de regagner le monde extérieur quand Sara l’interpella.
« Attendez ! »
Il se tourna vers sa direction.
« Est-ce que vous reviendrez un jour afin de chroniquer les furoncles produits par le septième art ? »
Il lui adressa un sourire charmeur et lâcha :
« Seul l’avenir nous le dira ».
Il s’apprêtait à partir mais se retourna vite une nouvelle fois
« L’avenir mais aussi le nombre de vues de cette chronique ».
Il partit donc vers de nouvelles aventures, en quête des beautés et des monstruosités engendrés par le cinéma, laissant derrière lui une jeune infirmière, quelques bouteilles d’amaretto et un tueur en série qui allait se remettre à massacrer des jeunes tant qu’Hollywood ne le lâcherait pas.
La fin ?