Date de sortie 28 juin 2017 sur Netflix (1h 58min)
De Joon-Ho Bong
Avec Seo-Hyun Ahn, Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal, Paul Dano, Steven Yeun, Lily Collins, Daniel Henshall, Devon Bostick …
Genres Aventure, Science fiction, Drame
Nationalités Sud-Coréen, Américain
Synopsis
Pendant dix années idylliques, la jeune Mija s’est occupée sans relâche d’Okja, un énorme animal au grand cœur, auquel elle a tenu compagnie au beau milieu des montagnes de Corée du Sud. Mais la situation évolue quand une multinationale familiale capture Okja et transporte l’animal jusqu’à New York où Lucy Mirando, la directrice narcissique et égocentrique de l’entreprise, a de grands projets pour le cher ami de la jeune fille.
Sans tactique particulière, mais fixée sur son objectif, Mija se lance dans une véritable mission de sauvetage. Son périple éreintant se complique lorsqu’elle croise la route de différents groupes de capitalistes, démonstrateurs et consommateurs déterminés à s’emparer du destin d’Okja, tandis que la jeune Mija tente de ramener son ami en Corée
L’AVIS DE LIAM
4,5/5
Il est ironique que le dernier film de Bong Joon-Ho se soit fait remarquer à Cannes de par sa création et donc diffusion sur Netflix. En effet, cela est symptomatique du système de production d’un art de plus en plus tourné vers la rentabilité que vers la qualité. Il devient donc évident en voyant « Okja » qu’aucun major n’aurait pu accepter de le produire et, qu’au vu de la manière dont il tourne son intrigue, il n’aurait pu connaitre les joies d’une sortie sur plusieurs écrans.
En effet, il allie aussi bien instants féériques (la relation entre l’héroïne et Okja rappelle les productions Amblin) que cynisme (l’ouverture) et cruauté (l’abattoir). Là où certains polissent pour plaire au plus grand nombre, Joon-Ho se permet de toucher à différents styles pour narrer son conte dans une société où la production est préférable à la création. Voir le réalisateur recréer certaines images des médias ou reprendre les codes de la promotion de certaines entreprises pour mieux les retourner permet de constater qu’il n’a pas succombé au simple niais. Là où il avait offert des exemples de ce que pouvaient être de très bons films de monstres ou de récits post-apocalyptiques, il démontre ce que pourraient (et devraient) être les longs métrages grands publics : des récits utilisant l’imaginaire et le merveilleux pour mettre leur public face aux dérives d’une réalité de la consommation.
Sans chercher à aseptiser une société où l’on oublie les processus de production de notre alimentation, Joon-Ho use de la satire mordante pour taper sur l’utilisation des médias et les agissements des grosses sociétés de manière à toucher un large public sans se l’aliéner. C’est donc quelque chose d’ironique et enrageant de voir qu’ « Okja » ne pourra le faire en passant par les écrans de cinéma au vu de la fébrilité de certains studios et diffuseurs d’offrir une œuvre qui ne caresse pas son spectateur dans le sens du poil et ne rentre pas dans un moule précis. Remercions donc Netflix de laisser une certaine liberté à ses artistes et de nous offrir avec « Okja » un des meilleurs films de l’année.
L’avis de Charles
Mettons de côté la polémique autour du fait que Netflix produise et diffuse sur sa plate-forme Okja. Car ce long-métrage est une nouvelle aventure aux accents internationaux pour le réalisateur Joon-Ho Bong après Snowpiercer en 2013 et encore une fois, comme les coréens savent le faire depuis pas mal d’années, Bong tape dans la réflexion sociétale. Okja raconte l’histoire d’une multinationale lanceant un projet de super cochons, elevés aux quatre coins du monde pendant 10 ans. Le film se concentre principalement sur le cochon nommé Okja élevé en Corée du Sud par Mija et son grand-père.
Ce que j’apprécie avec Okja, c’est qu’il nous propose une lecture multiple sur l’exploitation animale et sa commercialisation, ainsi que la façon de concevoir son mode d’alimentation des animaux par rapport à son approche sur le traitement de bêtes. La petite Mija aime beaucoup jouer avec son gros cochon, elle le nourrit, elle le pouponne, elle court avec. Cependant, le film ne cherche pas à nous interdire de manger des animaux, mais il oriente plutôt la réflexion sur la façon de les traiter, y compris dans les abattoirs. Ceci est simple à voir : Mija n’est pas végétarienne, son plat préféré est le ragout de poulet. Par extension, il est intéressant de constater que chacun se positionnera sur son mode d’alimentation, que l’on soit carnivore, végétarien, végétalien ou vegan (les vrais vegans bien sûr, mais les fake vegans avec des vestes en vrai cuir par exemple).
L’important dans le film est de comprendre qu’il peut exister des façons plus éthiques pour exploiter des animaux. Les super cochons dans Okja subissent les mêmes tortures que beaucoup d’espèces de nos jours en Europe, en Amérique et en Asie (au moins), on en a la preuve grâce a des caméras dans les abattoirs. Côté acteurs, je reste sur ma faim si je puis dire : la jeune Seo-Hyun Ahn interprête très bien Mija, je la trouve très douée pour son âge. Les acteurs occidentaux m’ont un peu déçu, y compris Jake Gyllenhaal. Au final, cela reste un bon film avec un propos amenant à la réflexion sur l’exploitation animale et notre regard sur la commercialisation de celle-ci pouvant amené à des problèmes sanitaires à force d’industrialiser ce commerce.
L’Avis d’Orel
Okja est un conte, en quelque sorte avec un casting cinq étoiles et international qui plus est. Bien plus qu’une simple histoire d’amitié, Okja fait réfléchir sur les conditions animales dans les abattoirs. Un film qui divise, de par sa polémique a Cannes on ne va pas revenir là-dessus tout à déjà été dit…ou presque. Le réalisateur Sud-Coréen Joon-Ho Bong (Snowpiercer), car oui je n’ai vu que Snowpiercer de lui avant Okja et il faut que je ratrappe tout ça car ce réalisateur m’intrigue de plus en plus. Okja est un cochon imaginaire, mais auquel on s’attache beaucoup malgré ça, lui et d’autres cochons ont étés conçus pour mourir dans quelques années. Le jour ou l’on arrache Okja a cette petite fille, dont le grand père avait la responsablité elle décide de partir a l’aventure pour le récupéré.
Dans le film y’a les gentils et les méchants, des activistes des droits des animaux qui dans leur façon d’agir sont un peu méchant il profite de Mija (la jeune fille) mais l’aide aussi a reprendre Okja. Les méchants sont bien entendu, ceux qui exploitent les animaux avec un rôle qui colle parfaitement a Tilda Swinton et un Jake Gyllenhaal, avec un très mauvais fond. La mise en scène est maîtrisé, et peut faire réfléchir je ne pense pas que le film soit accessible pour tout le monde, car quelques scènes ne seront pas destiné a un jeune public. Netflix est loin d’être le fléau du cinéma, car la production de Okja c’est grâce a eux qu’on le veuille ou non. Car aucune production ne voulais du film, et Netflix a prit le projet en main, si ce n’étais pas le cas nous n’aurions pas eu le droit a ce film fort intéressant et nous aurions eu le droit a une mauvaise distribution si cela avait été en salle, sur Netflix les abonnés peuvent le découvrir et en VO en plus. Certaines salles ont bien voulu son exploitation mais elles sont rares et préfèrent le boycotter.
Du côté casting on retrouve Steven Yeun que nous n’avions plus vu depuis Walking Dead et s’en sors très bien ici, Tilda Swinton excelle en méchante. Jake Gyllenhaal quasi-parfait, car il semble surjoué des fois. Ce qu’on pourra retenir c’est la jeune Seo-Hyun Ahn, qui livre une excellente prestation et livre un personnage très touchant. Au scénario Joon-Ho Bong et Jon Ronson, qui livre des personnages intéressant chacun ayant un but en mal ou en bien, puis en regardant Okja on découvre une belle histoire d’amitié touchante tout en découvrant la maltraitance animale, la scène finale restera assez diffcile et montre une certaine réalité. En tout cas ce film, n’est aucunement là pour faire de la propagande du genre : « ne manger plus de viande, c’est mal » si c’est cela que vous avez compris c’est que vous n’avez rien compris a ce film car ce film c’est du cinéma quoi qu’on en dise et c’est beau.
L’Avis de Pierre
Onze ans après The Host et son gros batracien kidnappeur de fillettes, on trépignait à l’idée de découvrir le nouveau monstre de Bong Joon-ho sorti du ventre de Netflix. À l’époque, la fable horrifique avait surpris par sa capacité à faire coexister désir de fiction pure et radiographie de la société sud-coréenne avec une virtuosité et une acuité de petit maître.
Retour à ces affaires-là donc pour Bong avec Okja, dont la teneur politique de l’intrigue ne fait cette fois-ci aucune équivoque : élevé avec amour par une petite orpheline prénommée Mija et son grand-père, Okja, gigantesque cochon génétiquement modifié, est récupéré à des fins marketing par la multinationale d’élevage porcin qui produit, exploite, abat et conditionne ses congénères en saucisses. En résulte un angoissant survival animaliste, entre Elliott le Dragon et Babe, rendu un peu obèse par sa goinfrerie (on y revient), et dont tout l’argument se trouve résumé par la bête elle-même – sorte de Pokémon pachydermique et attachant. Bong ne s’en cache d’ailleurs nullement, puisqu’il baptise son film du nom de l’animal convoité.
Or, intituler un film du nom du monstre, c’est orienter d’emblée tous les projecteurs sur lui : moins ce qu’il permettrait de raconter, comme c’était le cas de The Host dont la créature offrait surtout un détonateur narratif, prétexte à dénuder le corps social, que lui-même, dans son destin de personnage à part entière.
Ceci posé, la principale invention d’Okja, c’est bien sûr sa créature : allégorie parfaitement synthétique de l’exploitation animale sous toutes ses formes, elle est un corps composite ultime. Car Okja n’est pas qu’un cochon géant, c’est toute une partie du règne animal enveloppée dans une même peau : il a la tête de ces rhinocéros blancs à qui l’on a arraché les cornes, l’aptitude amphibie d’un hippopotame, les proportions d’un éléphant, l’apparence générale d’un énorme goret bien charnu, le comportement d’un golden retriever et le funeste destin d’un bœuf.
C’est tous les animaux, menacés, dénigrés (comme le porc) ou appréciés (le meilleur ami de l’homme), fusionnés par la magie de la palette graphique (et il faut saluer la précision de la modélisation). Sauf que ce monstre-là, génétiquement dopé (viande savoureuse, croissance rapide et empreinte carbone minime, vante le personnage de la PDG joué par Tilda Swinton), convoité par l’entreprise à l’origine de sa naissance et idolâtré par un groupuscule animaliste, ce monstre-là, donc, n’est finalement qu’un animal. Tantôt joyeux, apeuré ou abattu au fil d’une aventure qui le verra quitter les montagnes verdoyantes de sa Corée d’adoption pour un abattoir concentrationnaire, le monstre découvre toutes les gammes de l’expérience animale depuis les deux extrêmes que sont l’amitié (du toutou) et la mise à mort.
Le point d’ancrage en passe ici d’un côté par Lucy Mirando, héritière sans scrupule d’un magnat – mais néanmoins convaincue de l’innocence de son projet – tentant de redorer l’image machiavélique de Mirando Corporation, et de l’autre par Mija. Sous couvert d’un storytelling cousu de fil blanc annonçant la découverte d’une nouvelle espèce de cochon au Chili, la communication du groupe dissimule un vaste projet d’élevage intensif de cochons génétiquement modifiés, en réalité créés aux États-Unis.
Pour scénariser le dispositif, l’équipe de la multinationale invente un concours factice : quelques fermiers répartis dans le monde entier sont chargés d’élever pendant dix ans l’un de ces animaux transformés ; avant que la créature ne soit soumise à une compétition puis découpée en morceaux dans l’optique de sa vente et de sa consommation. L’un de ces animaux extraordinaires, celui que Mirando Corporation voit déjà comme l’heureux élu du concours, mène une existence paisible aux côtés de Mija, une orpheline vivant dans les montagnes sud-Coréennes avec son grand-père éleveur.
Lorsqu’une sorte de gonzo-journaliste de Mirando Corp semblable au Hunter S. Thompson vu par Gilliam mais passé du côté obscur – brillant Jake Gyllenhaal, plus effrayant encore que dans Night Call – fait irruption avec son équipe dans la ferme pour tourner une scène d’émission fallacieuse et embarquer la bête, l’histoire d’Okja s’oriente plus ouvertement vers une déconstruction des dérives du capitalisme. De Séoul à New York, Mija part sur les traces d’Okja, et agit comme un révélateur pointant les politiques nauséabondes d’entreprise, le sort abominable réservé aux animaux d’élevage, la bêtise de certains groupes écologistes, et bien entendu les pouvoirs fermant les yeux face à la corruption et profitant des plus démunis.
Deux positions de bête en propre, et pourtant brutalement antinomiques que le film, lucide, se condamne à renvoyer dos à dos. Car c’est moins l’histoire d’un apprentissage – le monstre est d’emblée à sa place d’animal de compagnie, et la fillette, une maîtresse aimante –, qu’un triste constat d’impuissance : en démultipliant intrigues et situations, le scénario manipule Okja comme une grosse peluche corvéable, et le met dans toutes les situations de captivité, d’exploitation, de menace et d’exhibition imaginables.
Lors de la recherche d’Okja puis de la poursuite à travers les rues de Séoul, les déambulations de Mija et de la créature donnent l’impression d’assister à un nouveau Gremlins. Les dégâts occasionnés par leurs mouvements sont en effet une manière de mieux dévoiler défauts et imperfections de la société : l’on pense à l’indifférence de la réceptionniste, au selfie de la jeune femme dans la galerie marchande pendant l’échappée, ou encore aux badauds qui ouvrent la porte aux policiers pour qu’ils atteignent leurs poursuivants. Autant de détails infimes que Bong Joon-ho traite avec un soin tout particulier.
Schématiquement, deux univers s’opposent dans Okja : la nature verdoyante des montagnes – promesse d’une existence harmonieuse admirablement filmée par Darius Khondji, toujours aussi à l’aise pour mêler solaire et mélancolie -, puis les villes étouffantes peuplées d’êtres souvent aliénés. Pourtant, quelques lignes de démarcation échappent parfois au manichéisme.
C’est par exemple le grand-père de Mija qui préfère lui mentir par omission, ou encore le militant écologiste qui profite du rempart de la traduction pour envoyer Okja dans l’enfer des abattoirs Mirando Corporation. Même si Bong Joon-ho avait déjà par le passé développé des brûlots plus frappants que ne le fait Okja, la facilité avec laquelle il s’attarde sur les personnages et les structures d’aliénation qui les enserrent s’avère parfois saisissante.
Beau film de monstre, donc, en ceci qu’il en invente un de toutes pièces pour, comme toujours, tendre un miroir à l’humanité sous l’angle de ses contradictions et de sa vanité. Mais une fois passé l’empilement de registres, le foisonnement hystérique de personnages et l’outrance de cette révolte dérisoire ourdie par les activistes, l’idée la plus surprenant et précieuse du film tient peut-être dans l’épure de son épilogue étrangement apaisé. De retour au calme, dans la demeure isolée du grand-père, Mija savoure la compagnie retrouvée d’Okja après l’avoir tiré de son comestible destin. De toute son espèce, lui seul aura été sauvé.
C’est pourquoi cette fin n’est pas qu’un retour à l’ordre initial et à l’harmonie retrouvée. Elle est chargée du fardeau de la séquence précédente, et lourdement endeuillée de tous ces autres « Okja » sacrifiés sur l’autel de la rentabilité.
À la faveur d’un long plan serré, dans lequel se devine un échange susurré entre le monstre et la petite fille, on comprend que les deux personnages ne sont plus aussi légers et insouciants qu’à l’entame de leur aventure. Et il n’est pas interdit de supposer, dans ce très beau tableau final de repas autour du grand-père, que la marmite qui regorge de légumes ne contient pas de viande.
C’est la beauté labile de cette dernière séquence que rien ne rattache aux deux heures de tapage qui précèdent, et en creux de laquelle, une fois le constat d’impuissance acté contre les forces de l’argent, se lit la repentance symbolique d’un petit foyer où les animaux ne seront plus jamais inquiétés.
Finalement, toute la beauté et la poésie du long-métrage repose sur les liens d’amitié qu’entretiennent Mija et la créature Okja, sorte de cochon géant croisé avec un hippopotame. D’un bout à l’autre du récit, tous les cheminements scénaristiques ne servent d’ailleurs qu’à résorber leur séparation.
Il serait facile de reprocher à ce système son débordement de bons-sentiments, mais de nouveau Bong Joon-ho met en scène l’échec de nos sociétés modernes déshumanisées en ce qu’elles créent systématiquement une rupture dans les aspirations spontanées du vivant. À l’image d’Okja menaçant d’être taillé en pièces, les sentiments et l’affect ne peuvent dans nos espaces aseptisés et optimisés exister dans la continuité. Symptômes de cette contamination latente, les deux jumelles Mirando ou le Docteur Johnny Wilcox apparaissent eux comme des dégénérés.
Constatant des dommages plutôt que cherchant à identifier des remèdes, le cinéaste sud-Coréen plaide néanmoins au bout du compte pour une alimentation végétarienne ou plus raisonnée. Manière d’affirmer qu’il en revient aux consommateurs et donc aux spectateurs de remettre en question certaines de ces dérives. Toute l’intelligence du metteur en scène aura été ici de faire glisser le curseur de la fiction au réel.
Sur le principe, rien ne nous oblige à y souscrire, mais ce retour à l’harmonie du quotidien est traité avec tant de pudeur et de subtilité que c’est tout simplement très beau.
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