ICE MOTHER
La love story inattendue et décomplexée d’un couple senior doté d’un anti-conformisme réjouissant.
Réalisateur : Bohdan Slama
Acteurs : Zuzana Kronerova , Pavel Novy , Daniel Vizek
Titre original : Baba z ledu
Genre : Comédie dramatique
Nationalité : Français, Tchèque, Slovaque
Distributeur : Why Not Productions
Date de sortie : 22 novembre 2017
Durée : 1h46mn
Festival : Festival d’Arras
Après la mort de son mari, Hana a continué à habiter la villa familiale, seule. Ses deux fils lui rendent régulièrement visite, accompagnés de leur femme et enfants respectifs, mais les repas de famille se terminent bien souvent en disputes…
Lorsque Hana rencontre Broňa en le sauvant de la noyade, elle fait connaissance avec un sympathique groupe de nageurs en eau libre : un tout nouveau monde s’ouvre à elle. Les amis de Broňa l’intègrent à leur joyeuse bande et initient progressivement Hana à la natation en eau glacée. Sa relation avec Broňa évolue peu à peu, en même temps qu’elle se rapproche de son petit-fils et prend de la distance avec les querelles de ses enfants.
Hana, cette « mère glacée » de 67 ans subit la froideur et l’égoïsme de ses fils mais irradie de générosité et ne rêve que de partages. Sa vie solitaire n’a pourtant rien de bien gai dans sa maison peu chauffée et inconfortable. Tous les week-ends, elle passe des heures à cuisiner pour ses enfants et ses petits-enfants sans jamais en être remerciée.
Petr, son fils aîné, est un fonctionnaire mal payé. Il ne vit que pour sa collection de livres rares qui grévent le budget familial. Pour les soustraire à la vue de sa femme, il réquisitionne tout le premier étage de la maison de sa mère. Le fils cadet Ivan et sa femme, fiers d’afficher des carrières professionnelles leur assurant un train de vie luxueux, méprisent ouvertement cette femme âgée toujours prête à rendre service et n’hésitent pas à l’exploiter sans ménagement comme bonne à tout faire.
Ils n’accordent guère plus d’attention à leur fils Ivanek, un gamin sensible d’une dizaine d’années, qu’ils abandonnent à ses jeux vidéo. C’est ce rejet commun qui conduit du même pas assuré grand-mère et petit-fils vers une rencontre libératrice et donne l’occasion au cinéaste tchèque Bohdan Slama de prendre une fois encore, après, entre autres Something like happiness en 2005 et The country teacher en 2008, la défense des bonheurs familiaux en péril.
Si la première partie se consacre de manière un peu trop appuyée aux drames familiaux et souffre d’un ton conventionnel, l’arrivée de ces nageurs givrés, passionnés de concours en eau glacée nous transporte instantanément dans un univers de chaleureuse tendresse et de gentille loufoquerie qui n’a rien de refroidissant. Brona, l’homme à qui Hana tend la main lorsqu’il manque de se noyer, est un personnage atypique.
Il vit dans un bus délabré dans lequel il héberge une colonie de poules, dont la redoutable Adela, sa préférée, qui ne manque pas d’exprimer sa jalousie vis-à-vis d’Hana. La vie de Brona n’a sans doute pas été toujours exemplaire mais grâce à lui, Hana et encore bien plus Ivanek échangent le matérialisme prétentieux qui leur était jusqu’alors imposé contre une tranche de vie constituée de simplicité et d’une délicate humanité.
C’est la première fois que Bohdan Slama (également scénariste) met en scène un couple de personnes âgées et la tendresse qu’il éprouve pour ces esprits plus libres que ceux d’une jeunesse formatée au consumérisme est palpable. La caméra, proche des visages et des corps, nous fait partager le bonheur que le réalisateur prend à filmer leurs joies, leurs peines, leurs émotions, leurs attentes, prenant même le risque d’aborder, non sans humour, le sujet tabou de la sexualité du troisième âge.
Tournant le dos à toute forme de misérabilisme, il s’applique à gommer le gris du ciel de l’hiver tchèque à l’aide de plans d’intérieurs douillets et de maillots de bain colorés, égayant chaudement l’image de l’eau gelée. Entre subtilité légère et bonheur précaire, Bohdan Slama nous enchante d’une chronique de l’existence ordinaire, portée bien haut par le talent de son actrice fétiche, Zuzana Kronerova, qui, associé à la spontanéité de Pavel Novy, nous réservent de beaux moments de dignité et de chaleur humaine.
8/10