Hyper exposée -Hyper visitée
Un bilan de l’expo plus que positif ! Bien qu’il fallait plus d’une heure de queue pour accéder au spectacle qu’offre la trentaine de sculptures. Avec 255 628 visiteurs le musée d’arts de Nantes bat son record de fréquentation. Et pour cause, Hyper sensible renvoie à nos sens et à ce qui nous rend profondément humain. Comme pour n’importe quel art, la sculpture, si elle subjugue, n’attend pas les mêmes émotions ni les mêmes interprétations ; ainsi l’art parle à chacun selon ses représentations et ses expériences. Or, si cette expo peut, comme tout art, susciter différentes réactions, elle ne laisse aucun sur le banc de touche. Non, elle touche ! A des degrés différents et des compréhensions variées, mais faut-il ici chercher à comprendre ? En aucun cas ! Il suffit juste de se balader et se laisser emporter. Et la magie, posée là, opère !
Les artistes hyperréalistes de l’exposition
Les pionniers :
Duane Hanson (1925, Alexandria, MN – 1996, Boca Raton, FL, États-Unis)
John DeAndrea (1941, né à Denver, vit à Loveland, CL, États-Unis)
Ont suivi :
Marc Sijan (1946, né en Serbie, vit à Milwaukee, WI, États-Unis)
Tip Toland (1950, née à Pottstown, PA, vit à Vaughn, WA, États-Unis)
Evan Penny (1953, né en Afrique du Sud, vit à Toronto, Canada)
Berlinde De Bruyckere (1964, née à Gand, Belgique)
Gilles Barbier (1965, né à Vanuatu, vit à Marseille)
Tony Matelli (1971, né à Chicago, vit à New York, États-Unis)
Sam Jinks (1973, né à Bendigo, vit à Melbourne, Australie)
Saana Murtti (1974, née et vit à Helsinki, Finlande)
La sculpture hyperréaliste
Née dans un mouvement artistique où l’abstraction battait son plein, dans les années 60, l’hyperréalisme fait son apparition aux États-Unis avec les pionniers : Duane Hanson et John DeAndrea, qui reviennent à un art figuratif en reprenant la technique du moulage par empreinte directement sur le modèle afin de proposer une sculpture proche de notre quotidien, les postures, les mouvements, les détails, les expressions, la précision, et donner un résultat hyperréaliste.
Pour parfaire cet effet réaliste, les matériaux traditionnels (les terres cuites, le plâtre et les bronzes) s’allient aux nouveaux matériaux plus synthétiques et font leur effet. Les moulures de résine, des fibres de verre, des silicones, des peintures, des vêtements et accessoires et même de véritables cheveux et poils qui troublent les spectateurs en proie à l’interrogation et la fascination. Qu’est-ce que le beau ? Ce que notre vue perçoit ? Ou la sublimation du réel ? Ici, la volonté est de mettre en exergue l’effet miroir : voilà ce que nous sommes et ce qui existe est beauté. Et effectivement, ces artistes nous invitent à observer une beauté sans filtre qui fait tant défaut dans nos sociétés actuelles. Il ne s’agit pas de magnifier mais de rendre hommage à notre authenticité et notre vulnérabilité qui nous rendent tellement humains et émouvants. La naissance comme la vieillesse sont représentées avec justesse et délicatesse, des étapes de la vie s’affichent et nous rappellent notre fragilité. C’est notre condition humaine qui s’exprime à travers la singularité de chacune de ces sculptures plus vraies que nature.
Hypersensible à l’hyperréalisme, non ?
Une promenade sensible et poétique
Dès l’entrée dans le patio du musée d’arts, nous sommes accueillis par le HELLO (en langage des signes) du sculpteur français Gilles Barbier.
Approchez…plus près, encore plus près… tendez l’oreille…Vous entendez ? La foule en délire, les claquements de doigts, la révolte qui vient… les mains sont nervées, les ongles usés, les positions assurées et tellement sonores.
Continuons la visite, les personnages, tels des acteurs nous font face, nous tournent le dos, se cachent, se mettent à distance, leur émotion est palpable toujours, ils nous rappellent les nôtres. Toi aussi, hein, tu t’es senti ainsi, exténué, méditant, plongé dans tes pensées, plein de tristesse ou d’incompréhension ? On est dans l’intimité de ces êtres presque humains, presque…nous, lorsque nous nous retrouvons isolés et déconcertés par le monde extérieur.
On s’interroge : que lui arrive-t-il à cette femme ? Et cette jeune-fille, appuyée tête et bras contre le mur, est-elle en proie à la désolation ou joue-t-elle à cache-cache ? N’avez-vous pas envie d’aller vers elle ? De lui apporter le soutien dont elle semble avoir tant besoin. On est sur une multitude de séances de tournage, on y assiste et on construit notre propre scénario, nos propres dialogues.
De mauvaises herbes viennent se dresser sur le sol et ajoutent une touche véridique au spectacle quasi vivant qui se déroule sous nos yeux. On peut aisément faire le rapprochement de la prouesse technique de cet art sculptural figuratif avec les effets spéciaux, les maquillages empruntés et développés au cinéma ces dernières décennies qui rendent les décors et les personnages criants de réalisme.
Le regard nous défie ?
Évocation, contemplation, communication
Plus nous observons ces sculptures, plus les suggestions et les parallèles sont vivaces. On se laisse porter voire transporter par les émotions évoquées. Plus on se laisse guider par elles, plus on s’introduit dans un tourbillon à la fois réel et onirique. C’est pure poésie ! Et c’est alors, par ce détour que l’on peut s’apercevoir qu’en retour, les sculptures immobiles s’animent quasi et on est saisi, elles nous observent aussi. Elles scrutent nos moindres détails et nous disent, si on les écoutent : tu es toi et tu es tout ça à la fois. L’insaisissable instant capturé par le regard et la technique de l’artiste. Alors, si on tend l’oreille, mais vraiment, on les entend ! Oui, elles nous parlent dans un murmure indéfinissable mais dévorant. On est subrepticement happé et envahi par une sensation unique : la matière a pris vie. Et si l’on s’interroge encore, perturbé peut-être par notre vision et notre appréhension du réel, il suffit de se fier à nos aux sens en émoi, ils vous diront que la réalité palpitante suggérée dépasse l’entendement humain et que notre perception de la vérité va souvent bien au delà de notre compréhension.
Mon coup de cœur
Pour conclure
Je vous inviterais bien à vous y rendre sans plus attendre, or elle vient de s’achever. Si malheureusement, pour les non chanceux qui n’ont pu si rendre, l’exposition a pris fin le 3 septembre, nous espérons que l’engouement créé aura inspiré d’autres musées pour nous accueillir, vivre l’hyperréalisme et nous envoûter. Une expérience du sensible qui ne laisse personne de marbre.