Ni le ciel, Ni la terre de Clément Cogitore avec : Jérémie Renier,Kévin Azaïs,Swann Arlaud,Marc Robert,Finnegan Oldfield …
Critique écrite par William Robin
Synopsis
Afghanistan 2014.
A l’approche du retrait des troupes, le capitaine Antarès Bonassieu et sa section sont affectés à une mission de contrôle et de surveillance dans une vallée reculée du Wakhan, frontalière du Pakistan.
Malgré la détermination d’Antarès et de ses hommes, le contrôle de ce secteur supposé calme va progressivement leur échapper.
Une nuit, des soldats se mettent à disparaître mystérieusement dans la vallée.
Voilà encore un de ces premiers films merveilleux qui vous transporte vers une fraicheur qui manquait depuis quelque temps au cinéma. Film très ambitieux et très personnel, plastiquement et « scénaristiquement » superbe, une œuvre en équilibre entre le sens et le sensible, entre la caméra et les corps, entre la mise en scène et les comédiens (qui y sont tous excellents). Je n’ai pas vu de première œuvre aussi juste, aussi maitrisée depuis Les Bêtes du Sud Sauvage (2012) de Benh Zeitlin.
Nous pouvons aborder plusieurs sujets concernant le film, il est intéressant sous beaucoup de point de vue mais je ne m’intéresserai qu’à deux d’entre eux : la question du genre et la question du rythme.
Le premier genre apparent du film est le film de guerre, puisque l’intrigue se déroule en Afghanistan où des troupes françaises tentent de protéger une frontière des talibans. Mais ce choix devient vite un prétexte pour faire place au véritable genre du film : le fantastique. En effet des personnages disparaissent de manière étranges, surnaturelles, sans qu’une explication rationnelle ne soit donnée. Le film vacille entre une explication « mystique » qui serait que les personnages qui s’endorment sur la Terre d’Allah sont repris par ce dernier et l’explication humaine qui serait des enlèvements des militaires, néanmoins le film nous montre à deux moments précis, l’impossibilité de ces deux solutions et tiendra jusqu’à la fin la non-explication du phénomène, c’est un véritable film fantastique en parfaite maitrise de son doute, comme pouvait l’être des œuvres littéraire comme Le Horla ou La Venus d’Ille ou des films comme Shutter Island, en ajoutant à cela l’idée d’une explication autre qui ne serait ni du ciel, ni de la terre. C’est-à-dire que le film arrive à transformer son doute en une explication : qu’il n’y a pas d’explication rationnelle ou religieuse aux événements mais que cela est autre chose qui est, en l’état, inexplicable pour les personnages, les spectateurs et même le réalisateur. Le genre est revisité et transcendé.
L’autre point intéressant du film concerne le rythme qui se construit dans la subjectivité de la caméra. En effet le film alterne entre des plans « objectif » (de la subjectivité du réalisateur) et des plans subjectifs (à travers les yeux d’un personnage). Les plans subjectifs sont souvent d’une grande originalité plastique, puisque les militaires regardent souvent à travers des lunettes ou des jumelles avec des visons particulière (thermiques, vision de nuit etc…) ce qui porte la réflexion du film : il y a plusieurs manières de voir les choses ou plutôt : nous voyons toujours les choses à travers un prisme. Voir dans le film peut aussi prendre le sens de « comprendre ». Nous noterons la scène où un jeune enfant tente de justifier la possibilité qu’Allah puisse faire disparaitre les hommes qui s’endorment sur sa terre, à un militaire a priori non religieux qui « ne croit que ce qu’il voit », en lui disant que dans la nuit ils ne verraient pas les hommes qui sont à cents mètres de lui mais que grâce à ses jumelles il peut les voir, donc que ce n’est pas par ce qu’il ne voit pas quelque chose que cette chose n’existe pas. Une réflexion très générale que le film applique sur plusieurs thèmes comme : la religion, l’humanité et même le cinéma.
Je vous recommande donc ce film splendide, aussi brillant techniquement que artistiquement. Il y a beaucoup d’autres points que l’on pourrait aborder pour analyser cette œuvre qui me semble très complexe, je vous laisse le soin de les découvrir et de les apprécier. Les productions françaises de ce genre sont rares, même si elles sont encore très régulièrement de grande qualité, une telle originalité n’est pas de mise, alors foncez voir le film.
Critique manuscrite de William Robin sincère remerciements pour ce partage
Bande annonce