40 ans de Hayao Miyazaki, un univers fantastique, fantaisiste, onirique sous une trame philosophique et profondément poétique.
Qui est Hayao Miyazaki ?
Né le 5 janvier 1941 à Tokyo, Hayao Miyazaki a connu l’évolution extraordinaire de la société et de l’économie du Japon et la transformation du monde du XXème siècle et du début du XXIème siècle, avec ses conflits, sa société de consommation et le développement du divertissement. Enfant sage, il est marqué par sa relation fusionnelle avec sa mère malade, à la fois femme forte, maternelle et affaiblie par la tuberculose. Cette relation est certainement à l’origine de nombre de ses personnages féminins à travers les âges, des personnages passionnés, animés par une volonté de justice et déterminés à insuffler un message d’envergure et de sagesse. Ses personnages cheminent d’étape en étape vers un monde plus juste et plus beau. A travers leurs aventures, parcours initiatiques, ils se découvrent, découvrent le monde et tentent d’évoluer pour donner la meilleure version d’eux-mêmes et pourquoi pas éveiller les esprits vers un monde meilleur. Ces péripéties s’accompagnent souvent de découvertes humaines sur fond romantique. L’environnement et l’écologie sont aussi des thèmes récurrents et parfois centraux.
Hayao est dans la première moitié de sa vie dessinateur et animateur inspiré par les mangas japonais, les films d’animation et séries télévisées pour lesquels il travaille. Sa rencontre avec Isao Takahata qui travaille sur le projet du film Horus, prince du Soleil, va être déterminante. Il lui voue une admiration sans borne. Il travaille aussi sur plusieurs projets d’animation avec sa femme Akemi Ota. Pour trouver l’inspiration de ses divers projets d’animation Hayao voyage beaucoup en Europe et en Amérique Latine. Puis c’est la rencontre avec le reporter Toshio Suzuki qui va marquer sa vie. En 1979, après la sortie de son premier film Le château de Cagliostro, Miyazaki et Suzuki se rencontrent. Suzuki lui demande de travailler sur la conception d’un manga, c’est la naissance de Nausicaä qui sera publié dans Animage. En 1984, l’adaptation cinématographique de Nausicaä est couronnée d’un franc succès ! C’est le démarrage d’une nouvelle aventure pour Miyazaki qui ne souhaite se consacrer désormais qu’aux longs métrages ! La mort de sa mère va l’atteindre profondément, à travers les différents personnages de ses films, il ne cessera de lui rendre hommage.
Le studio Ghibli
L’avatar (ou logo) du Studio Ghibli n’est autre que le personnage de Totoro, la célèbre créature de l’excellent film « doudou » Mon voisin Totoro sorti en 1988.
En 1985, Hayao Miyazaki et Isao Takahata s’associent pour fonder le studio Ghibli afin de produire des courts et des longs-métrages d’animation.
Miyazaki devient alors à la fois dessinateur, réalisateur, producteur et participe à la création et au lancement de nombreux films d’animation en collaboration avec d’autres auteurs plus jeunes dont son fils Goro, il favorise leur insertion. Le studio Ghibli va être à l’origine de nombre de films d’animation à succès et va jouer un rôle prépondérant et déterminant dans le monde de l’animation avec une touche très « personnelle » et poétique l’incontournable Si tu tends l’oreille, ne peut être que sité par son sens remarquable de la rhétorique.
Plusieurs rumeurs autour de sa retraite ont circulé, mais Miyazaki est toujours en place, toujours des idées et des projets en fusion, même s’il se plaint souvent de son grand âge et de la fatigue qui se fait de plus en plus ressentir.
Son Punchline :
« La vie n’a de sens que si on se sent utile ! Divertir. Si je divertis les gens, je me sens utile. »
Messages de Miyazaki
Passionné, il est ardemment à sa tâche, à sa mission de divertir encore et encore sans relâche ! Hayao Miyazaki se considère comme un esclave du cinéma.
La réalisation d’un film d’animation prend plusieurs mois souvent plusieurs années parfois cinq. L’idée de base est l’essence du film, elle peut être dans une première ébauche, un dessin qui sera le fil conducteur de l’œuvre. Et oui, on parle à ce niveau d’exécution d’ « Œuvre » car les films animés réalisés par Miyazaki ont tout du « grand » art. L’expression des personnages donne le ton. Ils incarnent un temps, un moment et particulièrement une idée directrice. Le sens du beau n’est jamais négligé, les détails sont élaborés avec soin, revus et corrigés pour qu’ils transmettent l’exactitude de l’œuvre. Et ainsi chaque scène peut prendre vie. Le mouvement est travaillé et retravaillé pour atteindre une perfection et donner une ampleur, une impression, une émotion…
Les couleurs sont choisies avec rigueur comme le vert avec toutes ses nuances et dégradés. Les paysages magnifiés sont très présents et témoignent de l’attachement de Miyazaki pour l’environnement. Chaque film est une ode et colporte un message dédié aux spectateurs, chaque scène est une combinaison de messages et d’interrogations sur notre société. Il s’inspire autant du folklore traditionnel japonais (Dieux, légendes, culture orale…) que de l’histoire (les guerres, les conflits, les mouvements de population, l’évolution économique du Japon, les séismes, les maisons closes…) et de la société actuelle notamment les dérives de la société de consommation souvent critiquée pour son impact néfaste sur l’environnement.
Miyazaki et le travail
Le travail de Miyazaki est un travail profond, intense et dans un premier temps plutôt solitaire. Il souffre longuement de son idée qui se façonne, se peaufine. Un premier dessin lance le processus. L’inspiration jaillit de ce dessin. Elle est là et booste l’imagination. L’idée générale du film est née et doit encore murir. Le murissement est long et pénible. Il met Miyazaki dans un état de réflexion et le tourmente, le fatigue. Des pauses, des intervalles sont nécessaires et plus ou moins longs. Ces pauses sont des moments singuliers mais obligatoires. Il croque puis jette des croquis, non satisfait… « ça ne va pas ! ». Il passe la main dans ses cheveux et se prend littéralement la tête. Et recommence. La naissance d’un film d’animation émerge dans ses tentatives et ces moments de latence réflexive. C’est intense et éprouvant. L’acte de création est éreintant. Il exécute des mouvements de gymnastique pour se détendre, se fait parfois masser et fume cigarettes sur cigarettes.
Miyazaki regarde son environnement, le filme parfois pour en apercevoir les moindres détails et contours. Il s’inspire des couleurs du ciel et des musiques de création pour ses films ou encore écoute Wagner qui lui donne du souffle. Mais au fond tout est là ! Tout est déjà présent dans ce premier jet et dans son cerveau d’artiste. Il lui suffit juste du temps pour ordonner ses idées et laisser cours à ce qui doit être, afin que les messages prennent enfin vie au bout de sa mine. C’est l’étape fastidieuse mais oh combien cruciale ! Puis il laisse courir son crayon sur la feuille, dessine des lignes simples, des courbes, travaille avec acharnement sur des planches. Il s’essaye aussi aux pastels, à différentes techniques. Les passages de l’idée au dessin sont souvent un supplice, « une corvée » qui lui est assignée mais il n’a pas le choix, c’est ici que réside le sens de sa vie ! Il sent ses limites qui lui donnent un sentiment diffus de frustration. « ça prend du temps de créer ! » Dans son perfectionnisme, dans son souci du détail, pour ne pas dire son obsession, il désire rendre hommage à la beauté car pour lui le monde est beau comme toujours.
Cette créativité le met dans un grand état de stress, le film est là tout bouillonnant, toujours enfermé et enfin le déroulement… il se dénoue. Alors les scènes se libèrent sous sa main avisée. Le travail s’accélère. Les planches se succèdent et voici les story-boards apparaître. Il peut enfin partager à son ami le producteur Toshio Suzuki le scénario du film ainsi qu’à toute l’équipe du studio Ghibli.
Une équipe de plus de trois cents animateurs compose le studio. Elle planche sur le film, parfois une scène de cinq secondes peut prendre des mois de travail. Miyazaki est toujours à l’œuvre, il suit la progression et prodigue ses conseils à chaque instant.
Autre moment de stress intense, une étape décisive : la sortie en salle. Verdict ? Pas trop difficile à imaginer. Chaque sortie de film d’Hayao Miyazaki est célébrée par un franc succès. Les heures de travail acharné sont toujours récompensées. Mais l’anxiété qui précède est toujours palpable et Miyazaki ressent un grand besoin de s’isoler pour se ressourcer avant le grand jour !
A qui s’adresse Miyazaki ?
Son envie de divertir est vraisemblablement destinée en premier lieu à un jeune public. Son objectif est principalement de divertir les enfants et peut être de leur ouvrir le champ des possibles vers un monde meilleur. Pour autant, Miyazaki s’adresse également à travers les divers messages véhiculés dans ses films à un public d’adultes qui peuvent intercepter la subtilité de certaines scènes moins accessibles aux plus jeunes. On notera Mon voisin Totoro et Ponyo comme destinés plus particulièrement à un jeune public tandis que Princesse Mononoké et Le vent se lève s’adressent à un public plus averti. Encore que, chaque film comporte des subtilités qui peuvent être interprétées et renvoyer à différents niveaux de pensée. La palette du public est comme une palette de couleurs très large et accessible où chacun à chaque âge sortira émerveillé et aura passé un excellent moment !
Liste des films à voir et à revoir entre amis ou en famille :
Important de noter qu’Hayao Miyazaki a participé à la conception de nombreux films d’animation tour à tour dessinateur, réalisateur, scénariste, producteur pour ses films les plus connus il a endossé tous les rôles. Souvent, même lorsqu’il n’est pas le réalisateur officiel d’un film du Studio Ghibli, il prodigue ses conseils plus ou moins directement afin que celui-ci soit de bonne envergure et qu’il puisse aller jusqu’au bout du processus. Il a acquis avec son expérience un œil affuté sur la touche qui touche le public. Il sait d’emblée ce qui donne une âme aux personnages, ce qui commercialement fera un succès ou un flop. Ainsi avec l’appui de son ami et producteur Suzuki, il a guidé son fils dans la réalisation de La Colline aux Coquelicots pour que ce projet puisse voir le jour.
Films notoires dans lesquels Miyazaki est à la fois : dessinateur, réalisateur, producteur :
1979 : Le Château de Cagliostro
1984 : Nausicaä de la vallée du vent
1986 : Le Château dans le ciel
1988 : Mon voisin Totoro
1989 : Kiki la petite sorcière
1992 : Porco Rosso
1997 : Princesse Mononoké
2001 : Le Voyage de Chihiro
2004 : Le Château ambulant
2008 : Ponyo sur la falaise
2013 : Le vent se lève
2020 : Comment vivez-vous ?
Quels films voir en priorité ?
Que dire sinon que chaque film est une œuvre d’art dans lequel Miyazaki montre une facette unique et toujours différente de son talent. Chaque œuvre révèle un peu plus son génie et n’est aucunement répétitive ni dans les thèmes abordés, ni dans les scénarios proposés qui font toujours preuve d’originalité. Pour donner une cohérence à son œuvre, Miyazaki fait des clins d’œil aux films précédents en intégrant de petits personnages déjà présents comme par exemple les noireaudes présentes dans Mon voisin Totoro et que l’on peut retrouver dans Le voyage de Chihiro .
Pourtant quelques œuvres semblent incontournables si l’on souhaite s’imprégner de l’univers de Miyazaki. Trois films sont absolument à voir : Mon voisin Totoro, Le Château dans le ciel, Le voyage de Chihiro.
La relève
Hayao Miyazaki a permis à de nombreux artistes de pouvoir s’exprimer et se lancer avec l’appui du Studio Ghibli. Ainsi Son fils Goro qui avait fait des études d’aménagement paysagé et urbain a été sollicité par Toshio Suzuki pour la conception du Musée Ghibli en 1998. Goro ne voulant pas marcher dans les traces de son père et ayant avec Hayao une relation assez conflictuelle refuse plusieurs projets d’animation jusqu’en 2005 où Suzuki le persuade de réaliser quelques planches et des storyboards pour le film Les contes Terremer. Goro Miyazaki accepte et Suzuki lui confie même la réalisation et la direction du film. Les tensions père /fils sont palpables. Hayao conscient d’avoir délaissé l’éducation de son fils pour mener à bien ses projets ressent certainement une grande culpabilité. Par ailleurs, le père sait combien ce travail est chronophage et demande une implication extrême, l’attente du père et ses exigences font peser sur Goro une pression énorme. Hayao est présent dans le Studio tout en restant en retrait, Goro veut faire à son idée et se détacher du modèle paternel. Pourtant celui-ci lui soumet le conseil de ne pas faire un film basé sur ses émotions. Etre enfant de génie, c’est grandir dans un environnement inspirant et moteur mais c’est à double tranchant et peut certainement couper les ailes et la motivation. L’exigence d’un parent hors-norme est souvent tellement forte qu’elle ne permet pas à l’enfant de s’épanouir. Il faut un caractère bien trempé pour ne pas rester dans l’ombre. De plus le parent est parfois encore plus exigeant envers son enfant qu’envers lui-même et a surement peur que l’élève dépasse le maître et qu’il se fasse évincer par sa progéniture. A la Sortie de Contes Terremer en 2006, Hayao Miyazaki reste très critique vis à vis de son fils et ne croit pas encore en son succès dans le domaine du film d’animation. Pour Hayao, Goro doit prendre de la maturité. Pourtant face au succès indéniable de La colline aux Coquelicots en 2011, Hayao ne peut que féliciter la réussite de son fils et se dire que la relève est belle et bien assurée. On leur souhaite à tous deux de continuer main dans la main et de nous divertir encore longtemps !
Conclusion : Les gens doivent vivre pleinement leur vie. Il faut vivre avec et de toutes ses forces, selon tout ce qu’on est capable de supporter, selon l’époque à laquelle on vit !