Comédie faussement politiquement incorrecte, ébranlée par son sens grotesque de la formule qui rend les situations aussi ineptes qu’artificielles. Passez votre chemin, on n’est pas loin du Pire Film de l’été.
- Réalisateur : Lucia Aniello
- Acteurs : Scarlett Johansson, Zoë Kravitz, Kate McKinnon, Jillian Bell, Ilana Glazer
- Titre original : Rough Night
- Genre : Comédie
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Sony Pictures Releasing France
- Date de sortie : 2 août 2017
- Durée : 1h37mn
Beaucoup l’ignorent, mais Scarlett Johansson a commencé sa carrière il y a plus de 20 ans. Il faut probablement remonter à cette obscure phase de sa carrière naissante, où elle n’était pas franchement adulte, pour retrouver l’équivalent en nullité de Pire Soirée ; et encore, la demoiselle qui apparaissait dans Maman, je m’occupe des méchants ! (segment 3 de Maman j’ai raté l’avion !) était déjà présente dans des drames indépendants qui méritent aujourd’hui qu’on s’y attarde.
La comédie romantique sous ecsta Pire Soirée est à peu près tout ce que combat la Scarlett de Her et Under the Skin, une sorte de ponctuation par le divertissement populaire dans une carrière déjà riche en blockbusters plutôt sains (Avengers, Lucy, Ghost in the Shell). On ne critiquera pas sa virée entre filles dans la girlie comedy, pourquoi pas après tout si le script fonctionne, mais plutôt sa bienveillance à l’égard de la construction du scénario qui aurait dû la faire fuir. Le pitch de cette « nuit de folie » entre copines sous cocaïne, avec un cadavre de strip-teaseur entre leurs seins, est calibré pour concourir directement dans la catégorie des nanars de l’année. Bon gré mal gré, l’égérie de Woody Allen a fait confiance à la réalisatrice de télé Lucia Aniello, et également co-auteure du naufrage qui devrait la renvoyer directement à la réalisation d’épisodes de sitcoms anonymes.
L’idée était évidemment de pomper une fois de plus l’esprit de Very Bad Trip, du Saturday Night Live et des bourrasques hilarantes avec Kristen Wiig, en fonçant dans l’irrévérence de la comédie R, pour jeunes adultes, avec des mots salaces, principalement prodigués par le sempiternel second rôle empâté pour qui « cru » rime avec « cul ». On pense à Rebel Wilson dans Célibataire, mode d’emploi, à Melissa McCarthy dans Mes Meilleures amies et, en version slim, à Kathryn Hahn dans Bad Moms. Ici, le rôle de l’insortable incombe à la sympathique Jillial Bell. C’est elle qui doit prêter ses rondeurs au rôle de la meilleure-copine-de-la-nana-canon-et-friquée (Scarlett Johansson). La copine de fac au bagout mal placé représente, initialement, tout ce que l’héroïne embourgeoisée et prompte aux bons sentiments souhaiterait cacher ou du moins bâillonner, mais la dévergondée du verbe va libérer en elle la diablesse qui sommeillait depuis bien trop longtemps en elle le temps d’un enterrement de vie de jeune fille troublé par un cadavre bien monté, un chippendale convié à la fiesta pour un strip fatal, puisque la copine frappadingue va l’abîmer accidentellement.
Quand les formules tuent les idées. Soyons francs, on a ri à des scripts plus lourds que cela, mais ce qui crispe le plus dans ce succédané, c’est son ton artificiel entre soap sous acide et sitcom sous GHB pour ménagères en manque de dépravation. Le jeu figé des comédiens semble avoir été dicté par la réalisatrice, incapable de diriger ses actrices qu’elle semble avoir renvoyées à une idée mentale de leurs rôles, définis par des stéréotypes forgés dans les succès féminins du box-office. Kate McKinnon (l’inconnue du cast de Ghostbusters 2016), cabotine énormément avec son faux accent australien, Zoë Kravitz est emprisonnée dans la carapace d’une belle lesbienne froide et inaccessible… Bref, au pays enchanté de Barbie Girls, tout est factice, les actrices sont en roue libre et l’on sourira seulement lors du caméo sexué de Demi Moore, en voisine concupiscente qui se ferait bien une orgie avec les nouvelles voisines.
On ne parlera pas des acteurs mâles, réduits au mieux à une belle gueule morte, dont il faut se débarrasser par tous les moyens (attention, la comédie noire ne l’est jamais vraiment), et au pire, au futur époux de l’héroïne, probablement le plus fade de tous les comédiens avec lesquels Scarlett Johansson ait pu partager une réplique et un peu de salive, à savoir Paul W. Downs, un proche de la réalisatrice qui a déjà bossé sur d’autres projets avec elle.
L’agencement mécanique des gags relève lui aussi de la formule de mathématiques, trop équilibré pour laisser la démence s’installer sur ce joyeux casting placé sous camisole pour ne pas trop faire de faux pas. Erreur grossière, c’était bel et bien le projet dans sa globalité qu’il aurait fallu libéré du joug du studio qui a aseptisé à l’excès ce projet à peine budgété à 20M$. L’humour n’aurait été légitime qu’entre les mains d’un cinéaste indépendant, de ceux qui n’auraient pas pris un air pincé pour évoquer les joies du sexe hirsute entre routiers sous kétamine- gag récurrent et grotesque dans cet enfumage indigne d’un after-work entre copines.
Après son bide aux USA, #Pire Soirée s’attaque au public estival en France. Ne vous contentez pas d’effacer le hashtag du titre -paraît-il devenu ringard sur les réseaux sociaux-, vous pouvez également effacer le film fissa de votre esprit. Sony qui a sorti bien mieux cet été (Baby Driver) et qui triomphe avec Spider-Man Homecoming ne vous en tiendra pas rigueur.