Nous continuons notre récapitulatif du festival de Cannes dans cette deuxième partie. Du bon, du moins bon, apparemment, de tous genres et de toutes régions … Nous reprenons ici certaines projections qui ont eu lieu dans le cadre de la compétition officielle et d’un Certain Regard, de la Semaine de la Critique et de la Quinzaine des Réalisateurs. Ceci n’est pas exhaustif mais permet une vision d’ensemble.
En compétition officielle
Little Joe, film autrichien de Jessica Hausner, était présenté en compétition officielle, et donc en lice pour la Palme d’Or. Conte étrange, entre drame, science-fiction et botanique, et où les réalités se mêlent, le film parait sans nul doute intéressant, mais ne semble pas avoir enivré les festivaliers à l’unanimité.
Le Lac aux Oies sauvages, réalisé par Diao Yi’nan, raconte l’histoire dramatique d’un homme et d’une femme qui se lancent dans une chasse à l’homme. Nul doute qu’on y retrouve quelques éléments de Black Coal, précédent film du réalisateur. S’il semble particulièrement joli, tout comme son titre, son scénario de gangsters chinois sous fond de corruption et d’image plus ou moins positive d’un pays et de ses travers ne semblent pas renouveler le genre.
Portrait de la Jeune fille en feu, nouveau film de la réalisatrice Céline Sciamma (Tomboy, Naissance des pieuvres, Bande de filles…) raconte l’histoire de deux femmes (Noémie Merlant et Adèle Haenel) à la fin du 18èmesiècle, l’une ayant quitté un couvent, l’autre artiste-peintre, censée réaliser le portrait de mariage de la première. Indéniablement, il s’agit ici du film en compétition officielle qui a suscité le plus de réactions (très) positives, et certains le voient déjà répartir avec la palme.
Douleur et Gloire, qui est déjà visible au cinéma depuis quelques jours, est lui aussi présenté en compétition officielle. Le nouveau film du grand réalisateur espagnol Pedro Almodovar semble pour une fois avoir convaincu même les plus réfractaires à son style. En évoquant le passé, les souvenirs, l’art et le cinéma, le film semble en effet avoir touché beaucoup de monde.
Les Frères Dardenne étaient eux-aussi, et une nouvelle fois, en tant que grands habitués du Festival de Cannes, présents pour présenter leur nouveau film, Le Jeune Ahmed. Connus pour leur réalisations réalistes et sociales, celui-ci ne semble pas faire défaut à un style déjà bien ancré dans leur cinématographie. Il raconte l’histoire d’un jeune adolescent, Ahmed, qui a bien du mal à faire le tri entre ses choix de vie et ceux de sa religion, perçue par son imam. Selon les critiques, les réalisateurs parviennent à ne pas se perdre dans leur sujet, en l’évoquant d’une belle manière, sans tomber dans les potentiels pièges qu’un thème aussi compliqué pourrait causer.
Autre grand réalisateur habitué du festival, et connu pour ses « films sociaux », Ken Loach présentait Sorry we missed you. L’on se souvient que son précédent film, I, Daniel Blake, vainqueur de la Palme d’Or, n’avait pas été au goût de tous, certains l’accusant d’exagération, voire de misérabilisme. Traitant ici du monde de travail dans la société moderne, des difficultés de gagner sa vie et de se sentir véritablement libre et indépendant, sans dettes et sans crainte du jour qui vient, le film semble avoir plus plu que son prédécesseur.
Atlantique, film sénégalais de Mati Diop, est également à classer dans la case « réalisme social ». Toutefois, il s’en éloigne quelque peu en y introduisant des touches de fantastiques ou de mystère. Si le film ne semble pas avoir particulièrement ameuter les foules (après tout, il s’agit d’un premier film de fiction, après plusieurs courts-métrages et documentaires…), il nous paraît détenir des éléments qui le rendent original et nous ne manquerons pas de le voir si l’occasion nous en est donnée.
Une vie cachée de Terrence Malick, qui avait remporté la Palme avec The Three of Life, était probablement l’un des plus attendus de la compétition. Réalisateur adoré ou incompris, son cinéma ne laisse que rarement indifférent. Nous nous situons du côté des appréciateurs, à quelques exceptions près. Une vie cachée prend place durant la seconde Guerre Mondiale et nous montre l’histoire d’un homme qui refuse de se battre aux côtés des Nazis. Entre biopic, guerre et ode à la liberté, le film semble être un excellent candidat pour diverses récompenses.
Un certain regard
Toujours en sélection officielle, mais pour la catégorie Un Certain Regard, Bruno Dumont présentait son nouveau film : Jeanne. Celui-ci fait suite à son précédent : Jeannette, qui racontait, tout en chansons, l’enfance de Jeanne d’Arc. Ce dernier avait suscité des réactions diamétralement opposées, certains le jugeant particulièrement original et inventif, d’autres n’y voyant que du grotesque. Cette « suite », plus épurée, semble avoir un peu « calmé » les foules qui l’ont plutôt apprécié.
Nina Wu, film de Midi Z à qui l’on doit déjà Adieu Mandaley, revient sur la difficulté du métier d’actrice, et d’y parvenir, dans un monde où le cinéma est régi par les hommes. Suivant logiquement l’affaire Weinstein et le mouvement #Metoo qui en découla, le film du réalisateur birman semble s’ancrer à la fois dans l’actualité tout en proposant de nouveaux points de vue.
Adam, film marocain réalisé par Maryam Touzani, est une histoire de rencontre entre deux femmes dans une société qui ne fait pas grand-chose pour les aider, ensemble, elles entameront le chemin de réapprentissage de la vie. La projection du film s’est achevée par une standing-ovation, démonstration de l’appréciation d’un public, visiblement ravi par le premier long-métrage de la réalisatrice. Celle-ci n’est toutefois pas étrangère au monde du cinéma, ayant été actrice pour plusieurs films. Décrit comme particulièrement émouvant, nous esperons pouvoir le voir sous peu.
Du côté de l’Algérie cette fois, nous vient Papicha de Mounia Meddour, dont c’est également le premier long-métrage de fiction. Le film parcoure la vie de « jeunes filles libres dans l’Algérie des années 1990 ». La liberté est donc l’élément central de l’œuvre et permet de donner un regard sur des événements que la plupart d’entre nous connaît probablement peu. Film au discours féministe et puissante ode à la liberté, et bien que certains y voient un certain manichéisme, il a été apprécié pour son thème et ses actrices talentueuses.
Port Authority est le premier long-métrage de la réalisatrice Danielle Lessovitz. Il s’attache à aborder la question de l’acceptation de l’autre et des différences, en racontant l’histoire d’un jeune homme qui, débarquant à New York, découvre la communauté queer et tombe amoureux d’une jeune femme trans, Wye. Selon les retours, si le film permet effectivement une mise en valeur nécessaire de minorités trop peu visibles à l’écran et au cinéma, et encore plus dans les festivals internationaux tels que Cannes, tout en démontrant une quête d’identité, il témoigne toutefois d’un certain manque de mesure et d’ambivalence. Imparfait, mais intéressant, en somme.
Semaine de la critique
Deuxième film d’animation visible au festival et dont nous parlons (après les Hirondelles de Kaboul dont nous parlions dans notre précédent article sur le sujet), J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, était particulièrement attendu par les fans du genre (reste à savoir s’ils sont vraiment nombreux à Cannes…). Le film présente l’histoire d’une main tranchée qui s’évade à la recherche de son propriétaire, et, ce faisant, se remémore son existence. Au vu des retours positifs, le film est vraisemblablement une réussite et nous espérons pouvoir le voir rapidement. La sortie française est prévue pour novembre prochain.
A white, white day de Hlynur Palmason, est « le film islandais » de la compétition. Petit pays de 300 000 habitants, les créations de ses réalisateurs n’en sont pas moins visibles lors de festivals internationaux, et souvent appréciées, malgré une fréquente grande froideur (l’on pense notamment à Béliersde Grímur Hákonarson). Le film est présenté comme une « histoire de deuil, de vengeance et d’amour inconditionnel » et le moins que l’on puisse dire, est qu’il ne paraît pas fortement joyeux. Côté réactions de critiques, l’on constate un fait fréquent dans le cinéma islandais : la très bonne utilisation du paysage environnement pour visualiser les émotions des personnages. Décrit tantôt comme émouvant, tantôt comme film à l’humour, ou plutôt au ton, étonnant, la réalisation de Hlynur Palmason nous intrigue et nous espérons pouvoir le voir sur nos écrans.
Vivarium, présenté en semaine de la critique également, met en scène Imogen Poots et Jesse Eisenberg pour un film de science-fiction. Prenant place dans un futur proche, un couple cherche à acheter une nouvelle maison qu’ils visitent… jusqu’à s’y retrouver pris au piège. Le synopsis ne paraît pas particulièrement novateur dans le genre, entre huis clos et « escape game » et le film ne semble effectivement pas avoir suscité un engouement important, sans pour autant avoir été la cible de critiques virulentes.
Quinzaine des réalisateurs
First Love, de Takashi Miike (Audition), était présenté lors de la Quinzaine des Réalisateurs. Si le réalisateur est particulièrement prolifique, ses dernières œuvres sont loin de faire l’unanimité. Ce film semble, enfin, signer un retour réussi de son auteur. Histoire mêlant l’ambiance nocturne tokyoïte, au monde policier, à celui des call-girls ou encore des yakuzas… Mélangeant le dramatique, à la violence et à l’humour, le film a beaucoup plus.
Zombi Child, de Bertrand Bonnello, était lui aussi présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs. Du réalisateur, l’on avait déjà pu voir Nocturama il y a quelques années. Bonnello continue ici d’explorer la thématique de la jeunesse, au travers d’une histoire de zombies. Film de genre apparemment ambitieux, il n’aura toutefois pas pu contenter tout le monde ; les réactions recueillies à la suite de la projection sont assez diverses. Personnellement, cette œuvre étrange et multiple nous intrigue et nous ne manquerons pas de lui donner sa chance.
The Lighthouse de Robert Eggers (à qui l’on doit le très bon The Witch, film d’horreur médiéval), avec Robert Pattinson (qui fera certainement un excellent Batman) et Willem Dafoe, a lui, su conquérir le cœur des festivaliers, car l’essentiel des retours est extrêmement positif. Une île éloignée, un phare, l’Angleterre de la fin du 19èmesiècle… il n’est pas à douter que tous les éléments sont réunis pour produire un film voguant entre le fantastique, le mystérieux et l’horreur. Une immense attente personnelle !