JUSTICE LEAGUE
Warner tâtonne encore, et nous offre cette fois un film visuellement odieux et scénaristiquement très pauvre, pas même divertissant. Une lamentable déconvenue de plus qui pourrait bien annoncer le déclin d’une recette déjà sérieusement éprouvée.
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- Réalisation : Zack Snyder
- Scénario : Chris Terrio, Joss Whedon, Zach Snyder
- Image : Fabian Wagner
- Montage : David Brenner, Richard Pearson, Martin Walsh
- Musique : Danny Elfman
- Interprétation : Ben Affleck (Batman/Bruce Wayne), Henry Cavill (Superman/Clark Kent), Gal Gadot (Wonder Woman/Diana Prince), Ezra Miller (Flash/Barry Allen), Jason Momoa (Aquaman/Arthur Curry), Ray Fisher (Cyborg/Victor Stone), Amy Adams (Loïs Lane), Jeremy Irons (Alfred)…
- Distributeur : Warner Bros France
- Date de sortie : 15 novembre 2017
- Durée : 2h00
En quatre films, Warner a prouvé sa volonté de concurrencer les succès de Disney et de leur MCU. En guise de cinquième opus à son « DC Extended Universe », et donc après à peine quatre ans d’existence (autant qu’entre le premier Iron man et le premier Avengers, voyez-y un hasard si ça vous chante), la firme lance l’artillerie lourde avec le crossover entre ces super-héros… sauf, qu’à la différence de Marvel, il n’a pas pris le temps de les introduire précédemment. On aimerait ne pas avoir à mener plus loin le jeu des sept différences entre les stratégies des deux firmes, mais ce serait nier que le succès de Wonder Woman a rappelé à quel point les attentes du public, en terme de film de super-héros, s’étaient alignés sur le moule forgé par la bande de Kevin Feige.
Le nouvel alter-ego/concurrent d’Avengers (c’est promis, on arrête de parler de Marvel !) réunit donc Batman, Wonder Woman, Flash, Cyborg et Aquaman, dont seuls les deux premiers d’entre eux étaient déjà apparus à l’écran. Le premier défi pour l’équipe de scénaristes était donc d’introduire ces nouveaux personnages. Heureusement, Batman V. Superman leur a grassement ouvert la voie en offrant à chacun un teaser (comment appeler ça autrement ?) dans le film ; il ne restait plus alors à ce cher Bruce Wayne que d’aller leur rendre visite pour leur parler du méchant à venir et qu’il avait alors vu dans un cauchemar. Que reste-t-il alors à raconter ?
Pas grand-chose. Le scénario prend d’ailleurs plus de soin à appuyer sur le caractère dramatique de la mort de Superman, qui aurait plongé l’humanité dans un état de peur autodestructeur (alors qu’elle était censée lui apporté l’espoir !), qu’à rendre cohérente la convergence des mythologies propres à chacun des héros. Un défaut qui était d’ailleurs déjà celui d’Avengers… et mince, la comparaison revient à tous les coups !
Parce qu’il a ouvert le DCEU, tout comme il en ouvre ce cinquième opus, Superman est définitivement le centre névralgique de la franchise. La réunion de cinq autres héros n’y fait rien : le gentil kryptonien à la cape rouge reste le centre de tous les enjeux, et la candeur qui le définit reste la caractéristique majeure de la tonalité des fictions qui se tissent autour de lui. La photographie soi-disant obscure qu’affectionne pourtant Zack Snyder ne pourra désormais plus empêcher ses films d’être irrigués par les bons sentiments qu’incarne la figure christique tel qu’il l’a construit dans Man of Steel. Il est de toute façon difficile de saisir vers quoi veulent nous mener ces long-métrages, hormis bien sûr nous faire acheter des billets. La construction confuse de ce Justice League est une preuve de plus du manque de ligne narrative qui pèse sur les ambitions de la Warner.
Dès les premières minutes du film, il apparaît en fait que Snyder n’a qu’une envie : refaire une fois de plus ce qu’il sait faire, à savoir multiplier les scènes d’action riches en effets visuels stylisés. Pas de chance, l’imagerie numérique qu’il reproduit de film en film nécessite des effets spéciaux grâcieux, alors qu’ici il qu’à des VFX exécrables, faits de ralentis infâmes nonchalamment incrustés sur des fonds verts tels qu’on ne pensait plus en revoir depuis une dizaine d’années. Les nombreux plans d’ensemble, les flashbacks mais aussi le design du grand vilain sont de toute façon des bouillies de pixels dont la qualité graphique rappelle directement celle des cinématiques de jeux vidéo datant du début du siècle.
Construit sur une intrigue insipide digne d’une vulgaire série B et des scènes se voulant spectaculaires mais qui font mal aux yeux, Justice League n’a définitivement rien de vraiment bon à proposer. Quid de ses héros ? Aquaman apparaît comme un beauf culturiste, Cyborg pour un génie capable de contrôler tout ce qui est électronique et Flash pour un adolescent immature… on aimerait les comparer à, respectivement, Thor, Iron-man et Spiderman, mais on s’est promis de ne pas le faire.
Revenons plutôt sur le cas particulier de Barry Allen –Flash pour les intimes– dont le réalisateur se sert pour placer quelques notes d’humour, à des moments rarement opportuns, mais qui tombent systématiquement à l’eau, et font inévitablement du personnage d’Ezra Miller un insupportable abruti. Ces touches de comic relief lourdingues sont d’ailleurs la meilleure trace de l’influence de Joss Whedon venu, rappelons-le, assurer quelques reshoots de dernière minute mais surtout servir de bouc émissaire aux fans contraints d’admettre cette débâcle artistique.
La bande originale mollassonne de Danny Elfman n’aide en rien à combler le manque d’enjeux que représente l’arrivée de Steppenwolf. Elle semble même s’accorder à la disgrâce des scènes d’action les plus ratées, à commencer par un flashback calqué sur Le Seigneur des Anneaux d’une laideur purement nanardesque. Le film aurait pourtant pu creuser les pistes scénaristiques les plus intéressantes apparues dans les précédents films, à commencer par la méfiance que peut générer la présence d’un extraterrestre sur Terre, mais il ne fait au contraire que les balayer d’un revers de manche.
La finalité de tout ça n’aura été que trouver un prétexte à faire revenir Superman. Voilà, c’est fait. La charge tragique et les questions d’ordre psychologique qu’avait pu générer Batman V. Superman ayant disparu, on est donc désormais convaincu qu’on aura droit à l’avenir à des films toujours plus impersonnels où personne ne mourra vraiment. Et pourtant, en face, Marvel semble prendre une voie opposée… et voilà, c’est inévitable, on y revient toujours. Heureusement c’est fini, n’y revenons plus.
1/10