Sortie : 9 novembre 2022 en salle, 7 Mars 2023 en Dvd et Blu Ray

Durée : 2h 45min
Genre : Drame, Espionnage
De Albert Serra 
Avec  Benoît Magimel, Pahoa Mahagafanau, Marc Susini, Sergi López, Montse Triola, Alexandre Melo
Musique : Marc Verdaguer

 

 

 

Il suffisait d’un seul plan pour que Pacifiction d’Albert Serra provoque une fascination troublante. C’est dans un premier temps ce panoramique d’un embarcadère situé en Polynésie dans une lumière crépusculaire qui inspire la crainte dont la manifestation dans le film résume toute la problématique du récit. Cette allée de conteneurs c’est l’incarnation la plus juste de la mondialisation et du libre échange, des puissances secrètes qui ne jurent que par le commerce moderne. Ainsi, la grande idée du film est de développer ce plan introductif et d’en explorer tout les recoins les plus sombres.

Il y a de Roller, ce haut commissaire tout en couleurs qui semblent être la grande autorité qui s’occupe des affaires de l’île afin de maintenir un semblant de lien entre la France et la Polynésie. Problème, il se rend compte qu’il ne vaut plus rien, que le monde change, que les jeunes polynésiens commencent à développer une conscience politique qui ne peut mener qu’à la rébellion. Le magnifiquement ridicule diplomate, incarné par Benoît Magimel, est en quête de maîtrise. Il souhaite pacifier, réincarner le rêve déchu d’une France coloniale en réinventant le pouvoir. C’est ainsi qu’un lien se créé entre ce personnage et celui qui regarde le film. Une relation trouble puisque ce personnage haut en couleurs fascine autant qu’il prête à rire et provoque le mépris. Mais cet attachement pour le personnage se manifeste surtout par rapport au contexte du film.

 

 

 

Des essais nucléaire semblent être en préparation sur l’île, un sentiment d’inquiétude se développe et l’instabilité règne. C’est à partir de ce moment que le vieux De Roller déambule dans son carrosse de la marque Mercedes afin de comprendre, d’être sûr de l’existence de ces essais. Car c’est là où le bas blesse, il ne sait pas. L’homme de pouvoir est dépassé par le monde et n’est plus au courant des affaires de son propre pays. Ce détachement est exprimé par la mise en scène de Serra dès l’ouverture du film puisque De Roller est laissé dans l’ombre et prisonnier de la foule. C’est l’équipage du sous marin qui apparaît dans le premier et occupe le cadre.

 

 

Toute la dramaturgie du film se manifeste dans cette séquence puisque De Roller est finalement un homme du passé qui n’a plus d’importance, il s’en rend compte lors du magnifique monologue sous la pluie qui évoque les coulisses de la politique et sa place dans toute cette machination. Pacifiction met donc en lumière une lutte morte dès le début qui ne pourra jamais stopper l’inéluctable. Le désastre est déjà là installer dans l’ombre des vagues de Tahiti. Ainsi, le film renvoi à l’ouverture, le XVIème siècle est l’ère de la politique de l’ombre, celle qui se manifeste par le marché et la multiplicité. C’est les va t’en guerre qui gagnent toujours comme l’évoque si bien cette scène finale où de Roller s’efface, revient dans l’ombre et que l’on suit le monologue du capitaine du sous-marin annonçant une ère du désespoir. La caméra panote légèrement vers l’eau qui devient rouge sang.

Pacifiction est donc une œuvre intrigante qui privilégie l’économie narrative afin de faire naître du sens. C’est en cela que l’on reconnaît les grandes œuvres, celles qui se taisent afin d’en dire beaucoup.

 

 

Le film est édité par Blaq Out qui le sort en Blu-ray et DVD accompagné s’une longue interview d’Albert Serra qui mentionne tout les aspects de fabrication du film. 


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