Date de sortie : 18 décembre 2019 (2h22min)
Réalisateur : Jeffrey Jacob Abrams
Acteurs principaux : Daisy Ridley, Adam Driver, Ian McDiarmid, Carrie Fisher
Genre : Space opera, science-fiction
Nationalité : Américain
Compositeur : John Williams
L’avis d’Emmanuel
Troisième épisode de la désormais intitulée « postlogie », L’Ascension de Skywalker met un point final à plus de quarante ans de scénario issu des neufs films principaux depuis 1977. Jeffrey Jacob Abrams récupère la réalisation de ce nouveau film et s’il est possible de lui reprocher un certain fan service comme ce fut le cas pour Le Réveil de la Force, la saga Skywalker se conclut d’une manière très honorable avec une Rey au top de sa forme, Daisy Ridley prouvant une fois de plus son grand talent d’actrice. Déjà teasé par la bande-annonce, le retour de Palpatine est plutôt bien justifié avec la planète Exegol et le background des Sith enrichi. À l’instar de Christopher Lee en son temps, Ian McDiarmid assure toujours du haut de son grand âge, dans le rôle de celui qui avait finalement tout manigancé depuis La Menace Fantôme.
Le manichéisme reste cependant mis à l’épreuve avec les personnages de Rey et de Kylo Ren, le nouveau leader suprême du Premier Ordre essayant toujours de ramener sa sœur ennemie du côté obscur de la force tandis qu’il coopère avec elle lors de belles séquences où ils se refilent subrepticement un sabre-laser à distance pour s’en sortir. Malgré le décès de Carrie Fisher trois ans auparavant, la générale Leia conserve un rôle important dans la communication avec son fils, même si son destin prévisible est amené d’une manière bien trop peu marquante. Finn reste quant à lui bien secondaire malgré de sympathiques passages avec Chewbacca et sa bande, comme celui où ils doivent attaquer des vaisseaux ennemis en s’y rendant à pied.
Le retour de Billy Dee Williams dans le rôle de Lando Calrissian fait tout autant plaisir à voir que les réapparitions fantomatiques des charismatiques Han Solo et Luke Skywalker, l’introduction traditionnelle et les musiques emblématiques rappelant que la saga a su conserver un fort cachet en racontant des histoires à travers plusieurs années. Demeurent des pouvoirs de guérir et de transférer sa vie bienvenus mais qui auraient dû être amenés auparavant pour gagner cohérence. À travers sa prestation magistrale de Rey tout au long de la postlogie, Daisy Ridley a su imposer un puissant personnage Jedi dont les origines ont de quoi surprendre tout en s’émancipant d’une identité plus logique sur la fin. Prévisibles sur certains points mais beaucoup moins sur d’autres comme l’attestent les théories erronées des fans, les épisodes VII, VIII et IX restent des films marquants pour une saga qui aura su accompagner plusieurs générations dans un univers de science-fiction d’une grande richesse.
L’avis de Liam
C’est un refrain sempiternel que la sortie d’un nouvel épisode de Star Wars : il suffit de quelques heures pour que chaque nouveau volet se fasse descendre ou auréoler, poussant à la bagarre si le film est un chef-d’œuvre du septième art ou un gros mollard craché à la figure des fans. Bien évidemment, c’est de nouveau le cas de cette Ascension de Skywalker, comme si personne ne voulait apprendre de ses erreurs (petit rappel que CHAQUE film de la saga s’est fait descendre avant de se voir réévalué en comparaison de l’épisode suivant). Alors, sans se placer sur un autel impossible d’objectivité, ce Star Wars 9 est-il la purge annoncée ?
On peut grandement répondre par la négative. En effet, JJ Abrams offre une belle conclusion à cette jolie postlogie, miroir des doutes des fans sur la mythologie par le biais de ces nouveaux personnages obligés d’être mis en avant dans une histoire qui les dépasse et les a nourris. On sent d’ailleurs qu’Abrams a beaucoup à raconter, trop même, au vu de sa première partie qui fonce tellement vite qu’on attend qu’il sorte inévitablement de la route. Et pourtant, ce n’est pas le cas : ce nouvel épisode offre une soif d’aventures qui revigore tout en prolongeant des thématiques d’identité charriées depuis le septième volet et que Johnson aura su se réapproprier avec brio. Le déterminisme, l’un des cœurs narratifs de la saga, fait encore des siennes et chacun se doit de s’affirmer tel qu’il agit et non tel qu’il est né, chacun trouvant face à de nouvelles figures des reflets d’un passé face auquel il est obligatoire de se confronter pour pouvoir se trouver en tant qu’individu.
Tout en continuant d’enrichir son arrière-plan politique par le retour d’un Mal qui n’est jamais réellement parti (un regard sur l’actualité suffira pour faire des liens), Abrams offre avec cette Ascension de Skywalker un blockbuster racé, s’inscrivant aussi bien dans les thématiques abordées dans sa filmographie que dans celles de la saga dans une clôture forte et divertissante. Rendez-vous dans 10 ans (même plus tôt, espérons) pour que l’on arrête de lui cracher dessus grossièrement et facilement pour se rendre compte que cette postlogie est d’une force narrative et émotionnelle élevée, bien loin des autres productions simplistes et factices mais néanmoins plus célébrées de la part de Disney.
L’avis de Brian
Le temps passe vite, déjà sept ans que Star Wars a rejoint le pavillon de Disney. Commencée en 2015 avec l’académique Le Réveil de la Force, poursuivi en 2017 avec le génial mais parfois incompris Les Derniers Jedi, voilà que la désormais nommée Postlogie doit nous délivrer son épisode final qui, en plus, servira de point final à la saga des Skywalker qui nous a ouvert ses portes en 1977. Conclure une trilogie n’est déjà pas une chose aisée, inutile donc de souligner la difficulté abyssale qui se dresse devant un réalisateur qui doit conclure trois trilogie. J.J Abrams est ici de retour à la réalisation et confirme dès le début du film son intention de balayer d’un revers de la main les portes ouvertes et les thématiques développées dans l’épisode VIII. Pas de surprise ici, les bandes annonces nous le faisaient déjà comprendre en nous présentant le casque reforgé de Kylo Ren, tel un symbole des cicatrices laissées par Johnson sur les plans de Abrams, ou en nous ramenant d’entre les morts le sinistre empereur Palpatine. Abrams, étant ce qu’il est, n’essaie à aucun moment de saisir le bâton de liberté créative tendu par Johnson.
Malheureusement pour nous dans l’esprit d’Abrams, Star Wars rime forcément avec destruction de planète et méchante figure impériale ayant un valet en quête de rédemption à ses côtés. Oubliez toutes les thématiques autour de l’équilibre dans la Force et sur la nécessité de s’affranchir du passé que portait le VIII, ici Abrams plonge à cœur joie dans la nostalgie, parfois de très mauvais goûts et nous en abreuve jusqu’à l’écœurement. L’épisode IX est le résultat malheureusement logique d’une trilogie menée par deux très bon réalisateurs aux optiques radicalement opposées. Malgré un Épisode VII solide et un épisode VIII brillant, l’opposition explosive de ces deux visions antinomiques, le VII glorifiant le passé, le VIII cherchant à le déconstruire et à le remettre en perspective, ne pouvait qu’accoucher d’une conclusion bancale et schizophrénique. Il est très compliqué de commencer à parler de ce film sans aborder le contexte l’entourant.
Qu’en est t’il du film en lui même ? Si l’on met de côté cette guerre d’ego entre Abrams et Johnson que nous reste-il ? Star Wars IX est malheureusement une démonstration académique de tout ce qu’il ne faut pas faire quand on cherche à s’inscrire au sein de l’héritage d’une grande saga. L’Ascension de Skywalker est un véritable festival de facilités scénaristiques et de mauvais fan service. Abrams donne l’impression d’avoir erré telle une âme en peine durant tout le processus créatif qui a enfanté ce fantôme de Star Wars. Pas grand chose ne tient debout dans ce film ou rien n’est expliqué de bout en bout. Ne cherchez pas de logique dans les événements du film. N’essayez pas de comprendre comment Palpatine a pu revenir et ce qu’il attendait dans son trou, comment Rey a développé telle ou telle capacité, ou la logique de la chasse au MacGuffin sur laquelle repose ce film, vous n’aurez aucune réponse si ce n’est de vagues relents acides de « Tais-toi, c’est magique ! ». Le fan service grossier du film, comme le fait de faire revenir inutilement Lando n’est là que pour endormir votre esprit et tenter de vous remettre dans un état de crédulité extrême après de trop gros enchaînements d’événements abracadabrantesques. C’est bien tenté mais raté J.J. Si encore le film traitait les conséquences de ses choix mais non. Votre encéphalogramme restera plat du début à la fin, tout le monde connaîtra une fin heureuse sauf ceux qui ne le méritent pas. Le film tentera bien quelques fois de vous faire croire à la perte de tel ou tel personnage mais tout sera rapidement annulé par un twist sorti du sac parfois digne d’un triste soap opera.
Dans ce marasme créatif, on a quand même envie de sauver certains acteurs. John Boyega et Daisy Ridley s’en sortent aussi bien que possible malgré des personnages vides de tout développement. Mark Hamill semble n’en avoir rien à faire et il est assez cocasse de constater son je-m’en-foutisme total quand il campe un Luke qui lui correspond quand on se rappelle du génie de sa performance dans le VIII alors qu’il n’aimait pas le traitement du personnage. À croire que donner aux gens ce qu’ils veulent, fussent-ils acteurs ou spectateurs, est définitivement une mauvaise chose. Au final, seul Adam Driver s’en sort véritablement avec les honneurs, malgré une négation des scénaristes de l’évolution de son personnage durant Les Derniers Jedi. Adam Driver nous inonde de son talent et de son charisme, arrivant à sauver à lui seul quelques passages du films. Il n’en est que plus regrettable de constater le manque de respect total à son égard dont le film fait preuve dans son dernier tiers. Dans un film censé clôturer l’arc des Skywalker, il est difficilement pardonnable de voir le dernier représentant de cette lignée être cantonné à un rôle de faire-valoir de la belle héroïne à qui tout aura réussi du début à la fin. Rey est malheureusement trop parfaite pour provoquer la moindre empathie chez le spectateur. À bien des égards, Star Wars IX ressemble à un buffet à volonté mal pensé où tout n’est qu’excès et abondance et où les saveurs se sabotent entre elles.
À tout cela on pourrait répondre qu’un film mal écrit et au scénario digne d’une fan fiction peut avoir une réalisation du tonnerre et être un pur chef-d’œuvre de technique, un vrai bel objet filmique. À cela je réponds oui, malheureusement ce n’est pas le cas de cet épisode IX. Certes il est loin d’être moche, ce qui est normal pour un film à trois cent millions de dollars de budget, son plus gros problème étant surtout d’étouffer le spectateur du début à la fin. Entre des plans serrés à outrance, privant les scènes de sentiment de grandeur et d’oxygène, le tout couplé à un montage parfois épileptique souvent indigne d’un clip musical tant tout y est rushé, vous obtenez un film qui ne vous laissera jamais vous imprégner de ses enjeux et de ses personnages. Tout cela nous donne le sentiment paradoxal qu’il se passe énormément (trop) de choses et qu’en même temps, il ne se passe rien. Que retenir de cet opus à part une ou deux scène maîtrisées ? Pas grand chose, si ce n’est éventuellement une annihilation totale du parcours des héros des six premiers films. Passez votre chemin.