Date de sortie : 30 Janvier 2019
Réalisateur : Barry Jenkins
Casting : Kiki Layne, Stephen James, Teyonah Parris, Regina King
Genre : Drame
Nationalité : Américain
Compositeur : Nicholas Britell
Barry Jenkins, le réalisateur du “meilleur film” (selon l’Académie des Oscars) de 2016, Moonlight, revient cette année avec un film prenant place dans le quartier de Beale Street, dans les années 1970. On y suit une jeune femme, Tish, qui lutte pour prouver l’innocence de celui qui dev(r)ait être son futur époux, Fonny, accusé à tort, en raison d’un système judicaire défaillant et profiteur. Le film est en lice pour les Oscars cette année également, avec trois nominations au compteur : Meilleure actrice secondaire, meilleure musique et meilleur scénario adapté. En effet, l’œuvre s’inspire du roman éponyme de James Baldwin.
Présenté parfois, assez simplement, comme une histoire d’amour, on ne peut que reconnaître que celle-ci occupe une place important dans le métrage et est effectivement essentielle, servant en quelque sort de fil conducteur à l’œuvre, If Beale Street Could talk embrasse néanmoins de nombreux thèmes.
L’histoire épouse le point de vue de Tish, jouée par une rayonnante Kiki Layne dont on apprend, avec un étonnement certain, que ce n’est que le premier rôle (et dont on constate avec tout autant d’étonnement, qu’elle n’est même pas nommée aux Oscars pour sa prestation). Pour cette raison, chaque évocation de Fonny, des sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, transpire en effet un amour profond, envoûtant. Celui-ci est rendu sensible à l’image par de savant jeux de lumières, mêlés à une musique et à des jeux de regards qui en disent plus que ne pourraient le faire des dialogues. Rarement un sentiment nous aura semblé aussi « palpable » et visible à l’écran.
Le film est pourtant loin de présenter un univers fait de paillettes. En effet, à ce sentiment empli de sincérité et dépourvu de toute animosité, de tout profit et de toute manipulation, il oppose un univers froid, contre lequel il est difficile de se battre. Ainsi, il aborde notamment le racisme envers les afro-américains, les violences policières, l’univers carcéral, la difficulté de trouver sa place, les conflits familiaux et la volonté de se dépasser. Aussi, bien qu’elle soit centrale, cette histoire d’amour peut également être vue comme un prétexte à de plus larges dénonciations.
Certains de ces thèmes peuvent ne pas sembler centraux, particulièrement en ce qui concerne la vie de Fonny une fois arrêté et incarcéré. En effet, nous n’en saurons jamais plus que Tish elle-même qui n’apprendra de la vie de Fonny que ce qu’il concède à lui raconter lors de leurs rendez-vous et discussions, qui ne peuvent que se dérouler au travers d’une vitre, lié par un simple câble de téléphone. Le reste sera laissé à son imagination, et par conséquent, à celle des spectateurs. Une blessure, un accès d’énervement pourra ainsi signifier bien plus car figurant la conséquence d’autres événements, invisibles et passés sous silence à l’écran.
Aussi, les « bons » moments semblent malgré tout plus importants à se remémorer que les mauvais. Ainsi, l’histoire prend presque la forme d’un souvenir, d’un morceau de vie évoquée par Tish, et l’on retiendra surtout la volonté de ce couple, de leur famille de trouver une solution, en s’épaulant, face à un monde qui fait tout pour les contrarier.
L’entraide contre la violence, « l’amour contre la haine », en somme, ce n’est certes pas nouveau, mais c’est toujours efficace, magnifiquement réalisé, esthétiquement envoutant, porté par un duo d’acteurs extrêmement talentueux, en plus d’être thématiquement source de problématiques plus globales et qui continuent de faire écho aujourd’hui.