The Secret de Pascal Laugier
Qu’est-ce qu’un auteur ? Voilà une question qui revient facilement dès que l’on aborde n’importe quel domaine artistique. Dans le milieu cinématographique, on appelle auteur un( e) réalisateur/ réalisatrice ayant un contrôle total sur son projet, avec une vision définie et reconnaissable dans ses différents films. En cela, dans un genre sous-alimenté en Europe, Pascal Laugier correspond tout à fait à cette définition. Homme controversé de par ses thématiques, le réalisateur français est un passionné mais sans entrer dans le référentiel et le méta comme beaucoup l’ont fait suite aux succès de « Scream » et des œuvres de Quentin Tarantino. Il arrive à imposer un style reconnaissable et à lier sa filmographie dans des thématiques communes, notamment un traitement des enfants assez travaillé.
Son dernier film en date, « The secret », a une place intéressante dans sa filmographie car il suit « Martyrs », œuvre à la violence exacerbée déjà abordée sur ce site. Alors que ceux ayant découvert Laugier avec ce film s’attendait à se retrouver devant une même violence graphique, l’homme va à contre-courant des attentes en livrant un film dépourvu de violence physique pour aller vers le psychologique. Sous sa façade de film doux et calme se cache en effet une œuvre dérangeante mais dans une orientation bien différente.
« The secret » suit Julia (Jessica Biel), médecin de Cold Rock. Déjà affectée par la pauvreté, cette petite ville se voit en plus victime du mystérieux Tall Man, boogeyman qui enlève les enfants des environs. Tout bascule quand Julia fait un jour face à celui-ci…
Aller plus loin équivaudrait à spoiler et « The secret » est bien le genre de films qu’il faut découvrir l’esprit vierge de toute information afin de savourer cette oeuvre détournant ses promesses pour aller vers quelque chose de plus intéressant. Je vous conseille donc de lire le restant de cette critique après avoir visionné le film.
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Alors que la promotion du film se rapprochait à un croisement fantastique entre M Night Shyamalan et Stephen King, Laugier bouscule son récit vers une tournure plus réaliste avec une touche proche de l’onirique (le bâtiment dans lequel se réfugie David se réfugie avec sa mère). L’identité même du Tall Man est trompeuse et en y réfléchissant bien, l’affiche même révèle sa nature. C’est ainsi l’art de Laugier qui nous balade tout au long du récit, n’hésitant pas à mi-chemin à changer notre perspective afin de remettre en question nos acquis de spectateur et d’effacer tout manichéisme propagé par nombre de blockbusters. Aucun personnage n’agit foncièrement avec méchanceté et les motivations sont toutes compréhensibles. Tout cela rend le film assez dérangeant car aucune réponse aux questions posées sur le film ne peut être parfaitement irréfutable. On peut rejeter les actions de Julia et de ses « employeurs » mais peut-on blâmer leurs intentions de faire sincèrement au mieux pour le bien des enfants enlevés ?
Tout le film tourne autour de la parentalité et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi, Pascal Laugier étant devenu père peu de temps avant le tournage. Ce thème même se retrouvant mis en question lors d’un monologue final ayant de quoi faire saigner le cœur, sans doute aidé par l’interprétation sensible de Jodelle Ferland. C’est d’ailleurs dans cette sensibilité que l’on retrouve la touche de Laugier, cette même sensibilité que l’on retrouvait dans ses précédentes œuvres. On peut même voir ce film comme un conte de « faits », avec des caractéristiques proche de la fable (notamment dans une voix off enfantine) mais retranscrite dans une triste réalité (le grand nombre de disparitions enfantines, comme mis avant le film).
Si l’on peut critiquer une lutte des classes un peu trop marquée à la manière d’un « Elysium », difficile de remettre en question la sincérité du réalisateur de « Martyrs » dans ce qu’il exprime. Alors oui, « The secret » n’est pas une œuvre facile, dans un registre bien différent de l’œuvre précédente de Pascal Laugier. Mais quand un film ose questionner son spectateur et lui faire mal au cœur, peut-on vraiment le détester à ce point ? Ne devrions-nous pas soutenir ce genre de films osant nous sortir de notre zone de confort plutôt que de les rejeter massivement car ils nous laissent sur des doutes à la sortie de la salle ? C’est à nous, spectateurs en tout genre, de choisir entre rester dans le même moule manichéen et propre sur soi ou bien crever notre bulle bien confortable au risque de se prendre des coups ?