Créée pour défier The Legend of Zelda sur le terrain du jeu d’aventure en vue aérienne, la saga Seiken Densetsu naît en 1991 avec celui qui sera connu sous le nom de Mystic Quest en Europe deux ans plus tard. Une série de jeux mythique dont la simple évocation procure des frissons de souvenirs aux joueurs qui s’y sont essayé !
Date de sortie : 28 juin 1991 (Japon), novembre 1991 (États-Unis), 17 juin 1993 (France)
Développeur : Squaresoft
Concepteur : Kōichi Ishii
Genre : Action-RPG
Nationalité : Japon
Compositeur : Kenji Itō
Console : Game Boy
Proche de l’excellence
Tandis que la NES enchaîne les classiques Nintendo avec des sagas comme Super Mario Bros, The Legend of Zelda et Metroid dans la seconde moitié des années 1980, les éditeurs tiers ne sont pas en reste mais leurs jeux restent parfois à l’étranger, notamment en termes de RPG comme ce fut le cas d’Enix pour Dragon Quest, et de Squaresoft pour Final Fantasy. Ces derniers, soucieux de concurrencer une série prestigieuse comme The Legend of Zelda sur son propre terrain, inaugurent une licence mythique pour le 28 juin 1991 à destination de la Game Boy, console d’accueil du futur Link’s Awakening. Intitulée Seiken Densetsu (textuellement « la légende de l’épée sacrée »), son premier opus est sous-titré « Final Fantasy Gaiden » au Japon, sort sous le nom de Final Fantasy Adventure aux États-Unis, puis est renommé Mystic Quest en Europe. Mystic Quest reste un dérivé de Final Fantasy pour son système de points d’expérience, ses équipements, ses magies, son scénario héroïque et des éléments précis comme la transformation en Mog et le Chocobo contrôlable sur la map. Il s’agit cependant d’un Action-RPG, dans la lignée de la saga Ys.
Le scénario prend place dans un univers merveilleux surplombé par l’Arbre Mana, duquel jaillit la cascade source de toute vie. Il s’agit d’une symbolique importante de la nature : lorsque les hommes sont spirituellement purs, l’arbre est resplendissant et l’eau qui coule de ses racines purifie les esprits. Mais lorsque l’arbre est contaminé par un esprit malfaisant, la cascade incite alors les hommes à faire le mal et leur énergie négative remonte vers l’arbre, comme un cercle vicieux menant à la destruction du monde. Et c’est ce qui arrive avec l’Empire Glaive, dirigé par le dénommé Roi Noir et son sous-fifre Julius, qui cherche un moyen de puiser l’énergie Mana afin de renforcer son influence sur le monde. Il est également question de l’Empire Vandole qui fut contrecarré par les chevaliers Gemme.
Le joueur y incarne un jeune esclave du nom de Sumo, que l’on renomme soi-même dans la version occidentale (tout comme l’héroïne Fuji) et qui combat chaque jour pour le bon plaisir de Roi Noir. Le jeu commence d’ailleurs in media res lors avec un boss plutôt facile mais qui peut vite surprendre si on ne fait pas attention. Découvrant son ami Willy agonisant, Sumo comprend vite que le monde est en danger et qu’il doit agir au plus vite. À la suite d’une petite introduction pendant laquelle il tombe de la cascade sous les coups de Roi Noir qui a vu qu’il s’échappait, le héros commence à parcourir le monde avec pour seul indice un ancien chevalier de Gemme du nom de Bogard, qui se trouverait dans une ville des alentours.
Mystic Quest rappelle fortement le premier The Legend of Zelda dans le level design de ses donjons et de sa map, bien que la progression soit bien plus linéaire. L’ambiance est tout de suite magique avec le magnifique thème principal, largement inspiré de l’overworld de son modèle en encore plus enjoué. Le joueur est armé d’une seule épée et combat des monstres sur son chemin afin de monter en niveau. On trouve de nombreux ennemis inspirés d’animaux ou de créatures de l’imaginaire collectif qui feront partie intégrante du bestiaire de la saga : lapins sauteurs, champignons à pattes, abeilles, hiboux, méduses, crabes, gobelins, diablotins, tout y est ! Sans parler des boss représentés par un hydre, des dragons, un serpent et un vampire muni d’une cape.
L’apparition d’un coffre est courante après avoir battu un ennemi et il peut contenir un des nombreux objets du jeu, comme les emblématiques bonbons qui rechargent un petit nombre de points de vie, si petit qu’il est très vite remplacé par l’objet Vie, puis X-Vie et la très utile magie Vie. D’autres magies viennent compléter les capacités durant des instants-clés de l’aventure, à commencer par les offensives tels le feu, le gel, l’éclat et la bombe. On trouve aussi le soin qui enlève les altérations d’état, le dodo pour endormir un ennemi et le choc pour priver les ennemis de leurs sorts. Des alliés sont parfois amenés à accompagner le joueur et il est possible de leur demander d’agir grâce à la commande d’aide : l’héroïne peut par exemple redonner des points de vie au héros, la plupart des autres passant plutôt à l’offensive.
Les éthers rechargent les points de magie, chaque altération d’état a un objet spécifique de soin, l’élixir redonne une santé complète, les pioches servent à casser un mur fragile dans un donjon (à l’instar des bombes dans The Legend of Zelda) et les clés peuvent être achetées en boutique (ou trouvées dans des coffres) afin d’ouvrir des portes fermées dans les dédales. Certaines armes et armures s’achètent dans des villes ou des magasins directement sur la carte tandis que d’autres se trouvent dans les donjons. La nomination suit une hiérarchie très simple mais pas moins efficace avec l’épée, le casque, l’armure et le bouclier de bronze, puis d’argent, d’or, d’opale et d’autres termes, comme « Samouraï » et « Aegis ». On trouve de nombreuses épées mais aussi des haches permettant de couper les arbres sur la map et des lances ayant une meilleure portée.
Les chaînes permettent de s’agripper à un poteau au-delà du vide, la faucille qui peut déblayer certains obstacles et le fléau casser les pierres et se substituer aux pioches dans les donjons. La traduction rudimentaire donne tout de même lieu à des noms d’armes appréciables comme « Guerre » et « Zeus » pour les haches, « Vent » et « Foudre » pour les lances, « Flamme » pour la chaîne de feu, « Étoile » pour le fléau, « Sang » et « Dragon » pour les épées spéciales, puis « Excalibur » pour la toute dernière épée capable de repousser le mal. Cette appellation de l’épée issue des légendes arthuriennes était déjà utilisée dans la première version du jeu, prévue sur NES avec « The Emergence of Excalibur » comme sous-titre. Elle sera également reprise dans The Legend of Zelda A Link to the Past quelques mois plus tard.
Les niveaux montent assez vite et Mystic Quest octroie la possibilité de choisir quelle caractéristique augmenter en priorité entre la force, la résistance, la sagesse pour les points de magie et la volonté pour les points de vie. Une barre d’énergie augmente doucement tant que Sumo n’attaque pas pour laisser place à un coup plus puissant une fois pleine. D’abord très lente, elle devient de plus en plus rapide à se remplir au fil des niveaux et se dévoile comme précurseur de la jauge ATB initiée par Final Fantasy IV, sorti le mois suivant. Les graphismes sont sobres mais très lisibles et offrent une belle identité au jeu, notamment avec l’animation des ennemis (et leur anéantissement suivi d’un bruitage strident une fois morts), les patterns des boss et les sprites des personnages. Le héros arbore l’apparence d’un jeune guerrier muni d’un bouclier (toute ressemblance avec le héros de The Legend of Zelda serait fortuite), Roi Noir celle d’un chevalier à l’armure reluisant le mal, tandis que le visage sombre et mystérieux de Julius lui donne des traits particulièrement fourbes.
Tout au long de l’aventure, le joueur visite les villes plus ou moins grandes que sont Topple, Ménos, Jade, Ish, Lorim et bien sûr Wendel, qui deviendra récurrente dans la série. Les donjons traversés ressemblent souvent à des grottes (comme le petit passage de Gaïa), mais on trouve aussi des châteaux et même un aéronef. Mystic Quest propose aussi quelques énigmes qui peuvent rapidement bloquer le joueur, notamment celle de l’oasis où il faut tourner en huit autour de deux palmiers pour faire apparaître une grotte. Si les donjons deviennent vite simplistes et moins plaisants sur la fin à cause de leur grande répétitivité due à un level design labyrinthique et monotone, la carte du monde constitue un des plus gros points forts du jeu. Les zones à visiter sont en effet nombreuses et variées entre déserts et pleine enneigées, tandis que la musique s’intensifie au milieu du jeu pour arborer un thème épique d’une grande profondeur.
Les musiques de Mystic Quest sont magnifiques et aussi variées que dans un Final Fantasy entre instants joyeux, ambiances sinistres et inquiétantes dans les donjons, moments tristes avec la mort de Willy, les larmes d’Amanda et le robot Marcie, les thèmes lyriques comme celui de Lester qui redonne vie à la cité de Jade, la grotte de glace et les tours finales au ton envoûtant, puis les combats de boss dynamiques. La trame scénaristique est bien construite grâce à des dialogues qui laissent transparaître les sentiments des personnages et à des moments forts comme le retour au château pour sauver l’héroïne et le combat à mort face à Roi Noir, qui s’avère cependant relativement facile à vaincre, comme si le héros avait largement dépassé son niveau de combat depuis leur dernière rencontre.
Julius et ses pouvoirs de sorcier s’imposent alors comme la plus grande menace tandis que la poursuite jusqu’au jardin sacré de Mana annonce un final épique sous un magnifique thème musical. Si l’on peut parfois se laisser surprendre par les attaques ennemies et laisser trop vite ses points de vie passer en-dessous zéro, le jeu s’avère plutôt facile et les boss peuvent se battre à grands coups de bourrinage tout en se soignant grâce à la magie. Pour ses quelques défauts, Mystic Quest ne vaut pas tout à fait The Legend of Zelda Link’s Awakening et Pokémon Rouge et Bleu, mais il reste un des tout meilleurs jeux de la Game Boy et a l’immense mérite d’avoir su débuter une des plus grandes sagas du RPG qui a connu un grand chef-d’œuvre dès son deuxième épisode.
https://www.youtube.com/watch?v=Jz-sVQlCoDI&index=4&list=PLEC0679F4ABB49D7A