Après une première suite bonne pour la casse, Disney/Pixar tente un troisième tour de piste avec sa juteuse franchise Cars. Sans succès, le studio nous propose un troisième volet à la mécanique définitivement bien rouillée.
- Réalisateur : Brian Fee
- Genre : Animation
- Nationalité : Américain
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Date de sortie : 2 août 2017
- Plus d’informations : La page Facebook
En 2006, le premier opus de Cars s’inscrivait dans la veine visuellement novatrice et narrativement rafraîchissante que Pixar insufflait à la nouvelle vague des longs métrages d’animation. De sublimes images, agrémentées de nouvelles figures à la carrosserie étincelante, il n’en fallait pas plus pour que les enfants du monde entier tombent sous le charme de Flash McQueen et de ses acolytes. Côté adultes, l’enthousiasme était cependant plus modéré avec, il faut bien l’avouer, des personnages loin du niveau de leurs prédécesseurs Toy Story, Le Monde de Némo ou encore Les Indestructibles. Et force est de constater qu’onze ans plus tard le concept n’a pas changé, laissant place à la facilité, ou pire à l’ennui. En effet, cette nouvelle tentative de raviver les couleurs d’un des plus gros succès commerciaux du studio nous paraît bien fade et ne pas avoir éclos pour les bonnes raisons.
Notre bon vieux (c‘est le cas de le dire) Flash McQueen n’est plus dans le coup, dépassé par une nouvelle génération 2.0 déboulant à toute vitesse sur le circuit, assoiffée de titres et de reconnaissance, comme pouvait l’être le célèbre bolide rouge à ses débuts. Une fois de plus, c’est le jeune Rookie arrogant et plein de talent qui va jouer les trouble-fêtes avec pour nul autre dessein que de chasser les anciens du circuit à coup de blagues lourdes et de répliques sournoises. Cela vous dit quelque chose ? Vous ne vous y trompez pas, l’histoire emprunte quelques airs à son premier opus. La subtilité (sic) de cette nouvelle aventure va néanmoins consister à suivre les péripéties de l’ancienne garde, représentée par Flash, dans le refus de l’abdication, anxieux de rouler inexorablement vers la casse.
Cars 3 est un drôle de film, une suite assez étrange qui tente de revenir plus ou moins adroitement à ce qui faisait la beauté du premier volet : Flash McQueen, jeune voiture de course aux dents longues, arrogante et trop sûre de ses capacités, y faisait l’expérience de l’humilité dans une petite ville de la route 66 où un vieux briscard, Doc Hudson, devenait son mentor et le remettait dans le droit chemin.
Ce Doc Hudson n’était pas n’importe qui : c’était Paul Newman lui-même qui lui donnait sa voix, et sa disparition en 2008 explique son absence dans Cars 2, épisode peu aimé, qui marque historiquement un fléchissement de la période artistique la plus riche de Pixar.
Dans Cars 3, non seulement Flash McQueen est désormais un vétéran dépassé par l’évolution des courses automobiles, mais le fantôme de Doc Hudson, présenté cette fois-ci comme mort, vient le hanter : lui aussi va-t-il connaître une fin de carrière cruelle, lui aussi va-t-il trouver un plaisir à transmettre son savoir et voir grandir ceux qui vont lui succéder ? Le film s’appuie sur un paradoxe un peu curieux, tant il cherche à creuser à la fois une piste mélancolique – in fine, le film est un apprentissage doux-amer du lâcher prise – tout en n’assumant pas clairement l’obsolescence de son personnage.
C’est que Flash McQueen a toujours de la ressource et que sa crise semble plus morale que physique : au pays des voitures-toons (comme les deux précédents volets, le film joue ouvertement la carte de l’anthropomorphisme), les corps numériques ne vieillissent pas, seule l’apparition de nouveaux bolides, à l’apparence plus moderne, contribue à vieillir les personnages familiers.
L’émouvante piste de Cars 3, aussi modeste que touchante (pas de grande course à gagner, ni de complot à déjouer : simplement prendre encore un peu de plaisir, tenir face à la nouvelle garde, retarder l’instant fatidique de la retraite), souffre toutefois d’être écrasée par un double programme : graphique, celui d’un monde sans obsolescence, et scénaristique, le film assumant de reprendre la trame traditionnelle du film sportif sur le « retour » d’une gloire décrépite.
Or, le film se perd un peu dans ses articulations : opposition entre le monde numérique (les simulations de course des nouvelles voitures) et le photoréalisme de la matière animée (le sable de la plage, la boue d’une course de démolition, le gravier d’une piste de légende), opposition entre les vétérans et les rookies, opposition entre l’arrivisme des jeunes pousses masculines et le manque de confiance de Cruz Ramirez, la protégée de Flash, opposition entre le passé (Flash cherche à retrouver le mentor de Doc Hudson) et l’avenir incertain du héros.
Toutes ces pistes, que le film survole, offrent moins une profondeur à l’intrigue qu’elles ne l’éloignent de son beau cœur créateur : l’apprentissage de la finitude et le passage de flambeau à la génération suivante. Même si la promesse n’est pas pleinement tenue, la mélancolie du projet, d’autant plus au regard du public auquel le film s’adresse, confirme bien que la franchise Cars, malgré ses parures plus « commerciales », roule bien pour l’écurie Pixar.
Les prémices d’une intrigue féministe sont également de la partie grâce à l’énergique jeune coach Cruz Ramirez munie de son simulateur de course et bien décidée à remettre en selle son idole McQueen, désormais reléguée au rang de ringard ou de « super loser ». De là, va s’en suivre un plaidoyer un peu bancal sur le précieux savoir-faire « old school » face aux méfaits de la nouvelle technologie, sans pour cela dénigrer toutes les avancées qu’elle peut procurer. Mais il sera aussi question de transmettre le relais à la génération future.
Bref rien de vraiment bien nouveau et d’excitant dans cet univers dicté plus que jamais par le diktat du merchandising, unique raison de cet ersatz de course sur nos écrans estivaux.
3/10